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Les tribulations d’un demandeur de visa André HADDAD

Il peut paraître logique, justifiable ou même compréhensible pour tout Libanais désirant solliciter un visa pour la France d’avoir à y consacrer quelque temps lors de la présentation des documents requis au consulat de France. Mais ce qui l’est beaucoup moins, en revanche, c’est de devoir attendre trois heures de temps pour pouvoir le retirer. Et dans quelles conditions !.... Nous ne répéterons pas assez – mais tout le monde le sait déjà –?: les difficultés qui entravent, dès le départ, la démarche du malheureux postulant à ce fameux visa, à partir du premier instant où il doit prendre rendez-vous, par téléphone, à travers une ligne cellulaire exclusivement, en appelant le 1214 dont le répondeur automatique vous fait poireauter quelques bonnes minutes, chèrement facturées à 55 cents la minute, pour vous entendre dire, le plus souvent, de rappeler ultérieurement ou d’attendre encore plus longtemps. La date du rendez-vous est fixée, en général, à un mois plus tard et, déjà à ce stade, on ne peut que constater que la notion du temps n’est pas vraiment la même pour le postulant que pour le consulat… surtout qu’il faut encore confirmer ce rendez-vous par téléphone, trois jours avant la date. Une fois présentés les documents requis, qui ne cessent de s’étoffer et de se diversifier, au fil des ans, il en manquera toujours un, comme par hasard, que l’on vous demandera de présenter lors de votre retrait du visa, une quinzaine de jours plus tard, après avoir, encore une fois, pris rendez-vous au 1214. Le fameux jour J arrive enfin et vous vous imaginez naïvement que le plus difficile est déjà passé et que vous n’aurez qu’à arriver à l’heure qu’on vous a fixée pour vous voir remettre ou pas (eh oui, jusqu’à la dernière minute, vous naviguerez dans le flou le plus total quant à l’obtention du visa) ce fameux visa tant convoité. Eh bien non ! Cela est de la pure utopie et vous ne faites que rêver. Le cauchemar n’en est qu’à ses débuts. Une fois franchies les portes du consulat et après les doubles mesures de sécurité obligatoires, vous vous retrouvez à l’heure fixée ou même un peu avant, dans ce hall, avec les premiers arrivants. Vous présentez votre passeport, à un seul guichet, les trois ou quatre autres étant inoccupés (vacances d’été pour les employés du consulat en pleine période de «?high season?»??), en voulant remettre en même temps le document qui était manquant lors du dépôt de la demande, mais l’on vous dit de le garder avec vous jusqu’à ce qu’on vous appelle. Jusque-là, tout va bien : un quart d’heure environ est passé et vous imaginez que, normalement, vous pourrez en avoir terminé en quelques minutes. En réalité, c’est à ce moment que le supplice va commencer. Les gens commencent à affluer dans cette même salle, au départ climatisée, mais qui se transforme progressivement en une véritable fournaise, au fur et à mesure qu’elle se remplit jusqu’à devenir complètement bondée. La majorité des gens est debout, par manque de bancs, certains sont assis par terre, et aucun visa n’est encore délivré. Une bande d’étudiants est dirigée à un guichet spécial, mais tout le reste attend, attend, attend… Le premier nom annoncé arrive une heure et demie plus tard, et tout le monde scrute l’aboyeur avec des yeux pleins d’espoir. Las?! Le deuxième nom ne sera pas appelé avant un quart d’heure car il faut présenter, au guichet, les documents manquants lors de la présentation de demande de visa. Et comme il n’y a qu’une seule personne qui vérifie ces documents, avec une placidité et une lenteur déprimantes, on peut imaginer le temps que cela va prendre avant que le tour de ces dizaines – voire centaines – de personnes n’arrive… Entre-temps, les «?chanceux?» arrivés en premier n’osent pas quitter leur siège si précieux de peur de le perdre si l’envie les prenait de se dégourdir les jambes, au vu du nombre de personnes debout. Une autre salle, au fond, est proposée pour décongestionner un peu celle-ci, mais rares sont ceux qui s’y rendent, malgré la fraîcheur qui y règne, par crainte de ne pas entendre leurs noms, en cas d’appel, vu l’éloignement de cette salle. On se résigne donc à étouffer dans la moiteur, asphyxiés par des relents de plus en plus pestilentiels au fur et à mesure que le temps passe – ou plutôt ne passe pas – et à somnoler en essayant de conserver son calme dans cette situation si humiliante et dégradante pour un service attendu aussi élémentaire que celui de retirer un visa. La seule vue des gens âgés, silencieux, malades ou simplement fatigués, fait mal au cœur et l’on se prend à les plaindre et à compatir avec eux, même si, au départ, on voudrait en finir au plus tôt tout en se jurant de ne plus songer à remettre les pieds en ces lieux avant belle lurette. Une pile de passeports sort enfin, brandie fièrement par un employé de forte corpulence prenant son air le plus sérieux pour annoncer les noms d’une dizaine de chanceux qui s’empressent d’accourir pour retirer victorieusement leurs trophées, mettant fin à leur calvaire. Puis, plus rien! Il faut encore attendre et attendre et attendre jusqu’à la nouvelle fournée. Et voilà, on aura perdu trois bonnes heures insupportables avant de pouvoir enfin récupérer ce fameux visa dont la durée accordée ne peut être ni discutée ni justifiée pour quelque raison que ce soit. Quant au refus, inutile d’essayer d’en comprendre les motivations. Un jeune homme qui essayait de son ton le plus poli d’en connaître les motifs a fini par se voir indirectement mettre à la porte par ce même employé taciturne et désirant en imposer par sa stature de boxeur, qui a appelé ostensiblement au téléphone pour réclamer un garde armé. C’est ainsi, malheureusement, que la France, bien différente de celle que nous avons côtoyée lors de notre éducation et à travers nos contacts avec la culture française et ses gens de lettres et d’arts, apparaît à un citoyen libanais lambda qui prend le risque de réclamer un visa à notre «?douce patrie?». Et dire que les Français critiquaient les Libanais pour leur manque de ponctualité ou de rigueur… Désormais, c’est du Liban qu’ils devraient apprendre à mieux s’organiser afin que l’image de la France n’en soit pas aussi cruellement ternie. André HADDAD Un citoyen libanais écœuré Article paru le samedi 6 septembre 2008
Il peut paraître logique, justifiable ou même compréhensible pour tout Libanais désirant solliciter un visa pour la France d’avoir à y consacrer quelque temps lors de la présentation des documents requis au consulat de France. Mais ce qui l’est beaucoup moins, en revanche, c’est de devoir attendre trois heures de temps pour pouvoir le retirer. Et dans quelles conditions...