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Actualités - CHRONOLOGIE

PARUTIONS Guerre et stratégie au cœur des ouvrages qui occupent la scène libanaise

L’été n’est plus la saison morte pour les livres. Trois nouvelles parutions sont apparues en librairie, deux traductions en arabe et une traduction en français. Ce qui montre, une fois de plus, l’interactivité entre l’univers des livres francophones et arabophones. « Hezbollah, la voie, l’expérience, l’avenir », de cheikh Naïm Kassem C’est un livre document, traduit de l’arabe au français et qui exprime la volonté du Hezbollah de se faire mieux connaître du monde francophone. Secrétaire général adjoint du Hezbollah, cheikh Naïm Kassem est l’un des fondateurs du parti qui a été créé, selon lui, en réaction à l’occupation israélienne du Liban en 1982 et dans la foulée de la révolution iranienne de 1978. Si le document fondateur du Hezbollah a été publié en 1984, le parti est resté plutôt clandestin et en tout cas opaque pendant de longues années. Ce n’est qu’après la libération de la plus grande partie du territoire libanais en 2000 que les Libanais ont commencé à mieux connaître le Hezbollah. Mais il y a encore beaucoup de chemin à faire. Cet ouvrage a pour objectif d’expliquer l’idéologie du parti ainsi que ses objectifs. Cheikh Kassem est considéré comme l’un des historiens du parti. Il explique ainsi longuement la conception de résistance qui est l’un des fondements du Hezbollah, qui se définit d’ailleurs comme un mouvement de résistance, non comme une formation chiite. Cheikh Kassem explique aussi le rôle du Hezbollah dans la perspective des tensions régionales et internationales et décortique la relation étroite entre le parti et la résistance palestinienne. À travers cet ouvrage, c’est un nouveau visage du Hezbollah qui dépasse la simple considération confessionnelle et communautaire qui apparaît. Bien entendu, l’ouvrage ne répond pas à toutes les questions, mais il donne certaines réponses importantes sur l’identité et les objectifs d’un parti, devenu au fil des années une force incontournable au Liban et dans la région. Signalons enfin que la traduction est bien faite et n’alourdit nullement un texte qui aurait pu paraître ardu. Un ouvrage indispensable pour qui souhaite mieux comprendre un phénomène qui a modifié la donne sur les plans interne et régional. « J’ai déposé les armes - Une femme dans la guerre », de Régina Sneifer Lorsque ce livre a été publié en français, sa langue d’origine, il a eu beaucoup de succès en France et moins au Liban. Il est vrai qu’il coïncidait avec la guerre de l’été 2006, et les Libanais avaient d’autres soucis que de procéder à une autocritique ou à un bilan de leur expérience dans les guerres. Mais aujourd’hui, à l’heure où les grands sujets de fond sont sur le point d’être examinés autour d’une table de dialogue, la traduction en arabe de cet ouvrage prend toute sa dimension. Certaines parties pourraient y voir un élément dans le dossier des disparus de la guerre, mais il serait réducteur de s’arrêter à ce chapitre. Le livre tout entier est en quelque sorte une dénonciation de la guerre civile. C’est le témoignage d’une génération sacrifiée à travers le récit de l’expérience de l’auteure, qui s’était engagée à l’âge de dix-sept ans dans les Forces libanaises. Fascinée par Samir Geagea, convaincue de la justesse de la cause que lui et les FL défendaient, elle commence par militer à fond avant de découvrir petit à petit le côté caché de la guerre civile, avec ses horreurs, ses actes inavouables et ses dérives. Régina Sneifer parle des Forces libanaises parce que c’est là qu’elle était, mais ce récit pourrait aussi être celui des autres miliciens qui ont participé à la guerre civile. Chacun a son parcours, son histoire, mais tous ont le sentiment d’avoir été sacrifiés sur l’autel d’enjeux bien plus grands et surtout bien moins nobles qu’on le leur a dit. L’auteure a d’ailleurs quitté le Liban lorsqu’elle a estimé qu’elle ne pouvait plus tolérer ce qui s’y passait et a mis vingt ans pour achever son exorcisme et pouvoir parler de cette expérience. Elle a donc écrit ce livre pour les jeunes d’aujourd’hui, parfois désireux d’en découdre, et surtout pour son fils, pour qu’il comprenne l’importance de la vie, la sienne et celle des autres. Son témoignage est poignant tant il est sincère et dérangeant parce qu’il nous touche et rappelle à tous ceux qui ont vécu la guerre des souvenirs qu’ils souhaiteraient oublier. C’est donc un livre qu’il faut lire : les jeunes ont le droit de savoir et les plus vieux doivent se souvenir, tous avec un seul mot d’ordre à l’esprit : plus jamais ça. Régina Sneifer a eu le courage de briser le silence et, sans vouloir donner des leçons aux autres, raconte son expérience d’abord pour pouvoir se pardonner à elle-même et en finir avec les démons qui la rongent, et ensuite pour que la leçon serve aux autres. Un livre qui ouvre donc un grand débat et qui doit être lu comme une réflexion profonde sur une période de notre histoire dont nous subissons encore aujourd’hui les conséquences. Dans la version française, la préface était écrite par Joseph Maïla, et dans la version arabe, par Georges Corm, qui décortique l’histoire des conflits internes au Liban et cherche à expliquer les mécanismes qui poussent des gens « normaux » à commettre des horreurs. « Le grand retournement », de Richard Labévière Paru d’abord en français, ce livre est devenu une sorte de Bible pour qui souhaite comprendre la politique de la France au cours des dernières années. Il est désormais disponible en arabe et décortique, documents à l’appui, l’évolution de la politique étrangère de la France. C’est ce qui est appelé « le grand retournement ». Le livre remonte jusqu’à l’invasion de l’Irak en 2003 et les conséquences graves qu’elle a eues sur le rôle de la France sur la scène internationale, jusqu’à l’alignement total sur la politique des États-Unis qui s’est concrétisé à travers la résolution 1559 et ce qu’il a représenté de changement fondamental dans « la politique arabe » de la France. Cet ouvrage très fouillé est un véritable document qui éclaire d’un angle nouveau une période cruciale pour le Liban, mais aussi pour l’ensemble de la région. Il se lit pourtant avec facilité tant l’auteur, qui est aussi journaliste, a une simplicité et une précision dans l’expression. Si le Liban n’est pas directement abordé, puisque le propos de l’auteur est d’expliquer la politique étrangère de la France, il est toutefois présent de bout en bout comme fil conducteur et enjeu d’un nouveau bras de fer. L’auteur explique aussi comment les services de sécurité français ont été obligés de suivre le mouvement et évoque aussi la libération des otages français en Irak. De Bagdad à Beyrouth, il retrace le changement qui s’est effectué dans la politique de la France et a poussé ce pays hors de sa zone traditionnelle d’influence au Moyen-Orient. Un document instructif, qui dévoile de nombreuses zones d’ombre.
L’été n’est plus la saison morte pour les livres. Trois nouvelles parutions sont apparues en librairie, deux traductions en arabe et une traduction en français. Ce qui montre, une fois de plus, l’interactivité entre l’univers des livres francophones et arabophones.

« Hezbollah, la voie, l’expérience, l’avenir »,
de cheikh Naïm Kassem

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