Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

Du village olympique au village planétaire Bahjat RIZK

Tout ou presque a été dit sur la somptueuse inauguration, en présence de 80 chefs d’État, des Jeux olympiques qui touchent à leur fin et furent l’occasion du déploiement fastueux du nationalisme chinois. Les Jeux olympiques, jeux sportifs et religieux, créés à Olympie en 776 avant notre ère et dont la tradition se poursuivit jusqu’en 393 après J.-C., date à laquelle ils furent interdits par l’empereur romain Théodose Ier le Grand, sous prétexte de divertissement et de paganisme (ce même empereur consacra en 380 le christianisme en tant que religion officielle de l’empire romain et, à sa mort, l’empire romain fut divisé entre ses deux fils entre empire d’Orient (Constantinople) et empire d’Occident (Rome). Les Jeux reprirent en 1896 à Athènes, puis en 1900 à Paris à l’initiative du baron Pierre de Coubertin qui, en 1894 (période qui coïncidait avec le développement des moyens de communication et parallèlement aux expositions universelles), relança l’idée et lui assura une mobilisation internationale. Depuis, les Jeux se tiennent chaque quatre années, avec une interruption entre 1912 et 1920 puis entre 1936 (Jeux de Berlin) et 1948. Les rencontres de Pékin constituent la 26e édition des Jeux, qui ont démarré en 1896 avec 15 comités nationaux olympiques et ont regroupé cette année 204 comités nationaux. Depuis leur création, les Jeux olympiques furent liés à des considérations politiques comme le rapporte le numéro spécial des collections de l’Histoire (n° 40, juillet-août 2008), autant lors de leur création qu’à travers les 26 Jeux déjà tenus depuis 1896 dans diverses capitales de la planète. D’une part, les Jeux honorent les performances individuelles des athlètes dans diverses disciplines, mais d’autre part, ils constituent (comme tous les jeux sportifs à l’échelle nationale, régionale ou planétaire) des démonstrations de puissance et de fierté des groupes, associées à des revendications identitaires. L’athlète à travers son exploit célèbre et affirme son appartenance à un groupe (Coubertin ne disait-il pas que les Jeux étaient l’occasion pour que « l’athlète moderne exalte sa patrie, sa race, son drapeau » (les collections de l’Histoire, page 73) ? À travers les Jeux de Pékin (et malgré la crise du Tibet), la Chine a tenu à affirmer son identité culturelle (inauguration) et sa puissance compétitive (nombre de médailles olympiques). La crise du Tibet historique (représentant un tiers du territoire chinois) a mis en avant la confrontation entre le nationalisme chinois (et ses revendications impériales) et le modèle occidental libéral des droits des minorités (qui, depuis la déclaration de 1948, font partie des droits de l’homme). Le dalaï-lama, chef politique et religieux (le Tibet étant une théocratie), devait être reçu par le président Sarkozy en tant que chef politique, mais se contentera d’une tournée religieuse en France et sera reçu le 10 décembre 2008 à l’occasion du 60e anniversaire de la Déclaration de droits de l’homme des Nations unies de 1948 en tant que prix Nobel de la paix. Au même moment où démarraient les Jeux olympiques de Pékin sur fond de crise tibétaine avec l’Occident, éclataient en Géorgie des évènements violents qui touchaient l’Ossétie du Sud, enclave profonde au cœur du territoire géorgien séparée de l’Ossétie du Nord (qui fait partie de la Fédération de Russie) par une chaîne de montagnes de 2 000 m. C’est tout le décalage entre l’histoire et la géographie, elles peuvent coïncider ou se contredire. La Géorgie, qui a failli il y a quelques mois rejoindre l’OTAN (février 2008), a voulu défendre son intégrité territoriale ou unifier de force son territoire. La Russie, liée par des éléments culturels linguistiques et politiques avec l’Ossétie du Sud, a riposté face à ce qu’elle a considéré comme une agression de la Géorgie et à travers elle une ingérence de plus en plus accentuée de l’Occident. La Russie tente à sa manière de reprendre son empire et son emprise après notamment son incapacité à riposter à la création du Kosovo à l’instigation de l’Occident vis-à-vis des Serbes orthodoxes (le représentant russe aux Nations unies a riposté à celui des États-Unis en évoquant l’Afghanistan, l’Irak et la Serbie). Les deux crises chinoise (avec le Tibet) et russo-géorgienne (avec l’Ossétie du Sud) illustrent la volonté des deux géants, Chine et Russie, de redéfinir leur territoire interne et international face à l’Occident. Certes les deux régions sont passées d’un régime totalitaire de dictature communiste à un régime de « démocratie contrôlée », les deux s’ouvrant sur l’économie de marché, le système libéral et ce qu’il véhicule au niveau des droits de l’homme, mais les deux régimes veulent préserver leur entité territoriale et leur espace vital économique et politique vis-à-vis de l’Occident. Les États-Unis et l’Union européenne ont des attitudes plutôt convergentes par rapport à ces deux problèmes, même si les États-Unis sont plus virulents car plus impliqués dans la lutte au pouvoir que l’Union européenne qui essaie d’être un médiateur entre l’Orient et l’Occident (en l’occurrence ici l’Extrême Orient). Malgré l’émergence de nouvelles entités sur la planète avec la mondialisation, nous sommes toujours en présence de grands empires qui se disputent l’espace planétaire politique, économique et culturel. Il y a toujours des cultures dominantes et des minorités opprimées. Certes, ils ne s’appellent plus l’empire gréco-romain, l’empire perse, l’empire russe, la Chine antique, l’empire britannique, le royaume-empire de France, le saint empire romain ou romain germanique, mais États-Unis, Union européenne, Fédération de Russie, république islamique d’Iran, la république démocratique de Chine. C’est toujours le même principe : comment survivre démographiquement et culturellement en tant qu’entités. Pour cela, il faudrait souligner que nous ne sommes pas dans un état nouveau (ou de non-dit) de choc des cultures, nous l’avons toujours été depuis 5 000 ans, depuis les premiers empires de l’humanité. C’est une dimension incontournable de notre humanité. À travers nos différentes religions, nos langues, nos races, nos identités, nous allons devoir, dans ce village planétaire, vaille que vaille, apprendre à vivre ensemble. Article paru le samedi 23 août 2008
Tout ou presque a été dit sur la somptueuse inauguration, en présence de 80 chefs d’État, des Jeux olympiques qui touchent à leur fin et furent l’occasion du déploiement fastueux du nationalisme chinois. Les Jeux olympiques, jeux sportifs et religieux, créés à Olympie en 776 avant notre ère et dont la tradition se poursuivit jusqu’en 393 après J.-C., date à laquelle...