Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGE

Pas de trafic illégal d’armes découvert par la Finul maritime Une journée sur la frégate « Scirocco » : interception de navires suspects et coordination avec la marine libanaise

Ils sont là depuis 2006, au large des côtes libanaises, même s’ils ne sont pas visibles pour autant. Les bateaux de la « Maritime Task Force » (MTF) de la Finul sillonnent les eaux internationales juste au-delà des eaux territoriales libanaises, afin d’aider la marine libanaise à identifier les navires « suspects » en vue de les fouiller pour empêcher un éventuel trafic illégal d’armes. Si le public est plus familier avec l’action des contingents de la force terrestre de la Finul, il l’est moins avec celle de la marine. Quel est son mandat exactement ? Comment coordonne-t-elle avec la marine libanaise ? Quel est le bilan de son action jusqu’à présent, sachant qu’aucun chargement illégal d’armes n’a encore été découvert depuis 2006 ? Une tournée sur la frégate italienne « Scirocco », organisée avec la contribution de l’ambassade d’Italie, et un entretien avec le commandant italien de la MTF pour les six derniers mois, l’amiral Ruggiero Di Biase, aident à y voir plus clair. Au sortir du port de Beyrouth, les marins s’affairent sur le pont de la frégate italienne « Scirocco ». Celle-ci quitte le port pour se diriger vers le large, où elle reprendra sa mission de surveillance des côtes libanaises, dans l’objectif d’empêcher tout trafic illégal d’armes. Elle devait, hier, prendre la relève de sa consœur grecque. À son bord, des journalistes qui assisteront au départ de la frégate ainsi qu’à des manœuvres. La frégate de 123 mètres de long a un équipage de plus de 200 membres (dont environ 10 % de femmes) et, malgré ses 25 ans d’âge – elle a été mise en mer en 1983 –, elle est toute rénovée et dotée des dernières technologies que l’on peut observer dans la chambre d’opérations. La frégate fait partie d’une flotte de douze bateaux italiens, français, allemands, grecs et turcs (même s’ils ne sont que onze au mois d’août) qui forment l’ensemble de la MTF. Cette force navale était dirigée par la flotte allemande durant trois mandats successifs de six mois chacun, à la suite de quoi le commandement est passé à l’Euromarfor. Ce nom à la consonance très peu familière signifie littéralement « European Marine Force », un regroupement de quatre pays qui sont la France, l’Italie, l’Espagne et le Portugal. C’est donc à l’Euromarfor que l’ONU a confié la tâche du commandement de la MTF jusqu’à nouvel ordre, mais des rapports réguliers doivent de toute évidence être faits directement au commandement de la Finul, dirigé par le général Claudio Graziano. L’amiral Di Biase a pris la tête de la MTF depuis six mois, et il devrait passer la main à un amiral français, toujours dans le cadre de l’Euromarfor (elle-même présidée par l’Italie pour deux ans), en septembre prochain. Il qualifie son expérience d’« enrichissante, autant au niveau professionnel que personnel ». Il loue la coopération avec l’armée libanaise, assurant n’avoir connu aucun problème significatif durant ces six mois (si ce n’est une incursion israélienne d’environ dix minutes, qualifiée de « possible » parce qu’elle n’a pas été détectée à l’œil nu). Des fouilles effectuées par la marine libanaise Le mandat de la MTF consiste surtout à empêcher le trafic illégal d’armes vers le Liban. Des armes ont-elles été interceptées jusqu’à présent ? La réponse de l’amiral est négative, et il y voit un rôle de dissuasion réussi joué par la marine de la Finul. Mais cette réponse ouvre à elle seule la voie pour mieux comprendre le fonctionnement de cette surveillance en mer, montrant notamment que les bateaux de la Finul ne fouillent pas eux-mêmes les navires dits « suspects ». « Notre mandat stipule que nous interceptions les bateaux en mer, explique-t-il. Si nous remarquons qu’ils sont suspects, nous le rapportons directement à la marine libanaise. À ce niveau, la marine libanaise peut choisir de fouiller (ou pas) elle-même le bateau en question, ou de nous demander de le faire nous-mêmes. La décision ne nous revient pas parce qu’il nous faut respecter la souveraineté du Liban puisque nous sommes là pour lui apporter notre soutien, pas pour remplacer la marine nationale, surtout que le cadre légal de notre mission est la résolution 1701 des Nations unies, votée sous le chapitre 6. Nous avons cependant les moyens de le faire. » Est-il arrivé que la marine libanaise fasse une telle requête auprès de la MTF ? « Non, jusqu’à présent, elle a préféré s’acquitter elle-même de cette tâche pour des raisons qui lui sont propres, dit-il. Or, les officiers libanais nous ont assuré qu’aucun trafic illégal d’armes n’a été découvert sur les bateaux que nous avons identifiés comme suspects, et pour ma part, j’ai confiance en eux, d’autant plus les moyens de la marine libanaise se sont considérablement accrus. Les sessions de formation que la MTF a assurées et certains nouveaux équipements (pourvus notamment par la marine allemande) ne sont pas étrangers à cette amélioration. » Les chiffres sont d’ailleurs assez significatifs, montrant que le nombre de fouilles par la marine libanaise a considérablement augmenté ces derniers mois : ainsi, le nombre total de navires interceptés par la MTF depuis qu’elle est en mission est de 17 595, dont 146 navires suspects ayant été fouillés par la marine libanaise, 78 dans les six derniers mois seulement. Les navires sont identifiés comme suspects par la marine de la Finul quand les informations qu’ils apportent ne sont pas satisfaisantes pour une raison ou pour une autre (s’ils ont changé de drapeau sans raison convaincante, par exemple, ou s’ils viennent d’un port à la mauvaise réputation…), les équipages des frégates disposant d’une base de données internationale. L’interception des navires se déroule à partir de la chambre d’opérations, dans laquelle les membres d’équipage ont les yeux rivés à leurs écrans reliés aux radars du navire, se relayant toutes les quatre heures environ. Dans celle du Scirocco, les journalistes ont eu le loisir d’assister en direct à l’une de ces opérations, l’interception d’un navire britannique. Le commandant du navire, Gianfranco Annunziata, explique que tous les navires sont ainsi interceptés dans la zone d’intervention, sur une profondeur de 80 kilomètres environ dans les eaux internationales et sur une longueur de 100 kilomètres à peu près. Mais une fois les informations obtenues, et dans le cas où elles ne sont pas satisfaisantes, la MTF prévient les autorités libanaises par le biais du commandement de la Finul. Il arrive même que des navires ne répondent pas à l’appel des frégates de l’ONU, et ceux-là sont directement classés comme suspects. En moyenne, chaque frégate intercepte une quarantaine de navires par jour. Simulation de descente héliportée Une démonstration impressionnante permettant de visualiser ce à quoi pourrait ressembler une descente héliportée sur un navire suspect a par ailleurs été montée hier sur le Scirocco. Pour cela, des Casques bleus de la Finul ont été embarqués sur un hélicoptère, mimant une opération au cours de laquelle ils auraient sécurisé un bateau en arrêtant des pseudosuspects pour permettre aux inspecteurs de le fouiller. Ce même hélicoptère transportera les journalistes vers la terre ferme, le Scirocco devant passer plusieurs jours d’affilée en mer dans le cadre de sa mission (il y a toujours une moyenne de six frégates qui patrouillent au large des côtes libanaises à la fois). La coopération entre la MTF et la marine libanaise ne se limite pas à une coordination pour l’interception de navires suspects. Les équipages des frégates européennes offrent aux marins libanais de partager leur expérience, dans le cadre de sessions de formation continues et de réunions fréquentes, qui datent des premiers jours de la présence de la MTF sur les côtes libanaises. L’amiral Di Biase insiste sur les progrès effectués ces derniers mois, notamment la mise en place d’un système de communication qui permet aux marins libanais et à ceux de la MTF d’échanger des informations et des images en temps réel. Il parle aussi de l’excellente impression laissée par les officiers libanais auprès de leurs confrères des frégates européennes, et la relation d’amitié et de confiance qui les lie souvent. Lui-même assure qu’il gardera un excellent souvenir du Liban. « J’ai beaucoup aimé ce pays et j’y reviendrai certainement en tant que touriste », confie-t-il. Suzanne BAAKLINI
Ils sont là depuis 2006, au large des côtes libanaises, même s’ils ne sont pas visibles pour autant. Les bateaux de la « Maritime Task Force » (MTF) de la Finul sillonnent les eaux internationales juste au-delà des eaux territoriales libanaises, afin d’aider la marine libanaise à identifier les navires « suspects » en vue de les fouiller pour empêcher un éventuel trafic...