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Actualités - CHRONOLOGIE

FESTIVAL DE FREIKEH - Inauguration avec « L’Ours » de Thekhov et « Les Chaises » d’Ionesco Coups de théâtre en la magnanerie

C’est par une plaisanterie théâtrale russe et une farce tragique française qu’a été inaugurée la septième édition du festival de Freikeh. Il s’agit, en l’occurrence, de L’Ours de Tchekhov, traduit vers le libanais par Carla Serhan, avec Sabine Ojeil, Lucien Bourjeily et Tarek Kannich ; et des Chaises d’Ionesco avec Maya Sebaaly, Tarek Kannich et Lucien Bourjeily. Tout cela est mis en scène avec une simplicité enlevée, centrée sur le jeu des acteurs, d’un burlesque fin, très physique, cadré sur fond noir, par le grand chaman Mounir Abou Debs qui, durant les représentations, se met volontiers aux commandes du tableau des lumières.* La sobriété est maîtresse des lieux à Freikeh, ce village perché sur les hauteurs de la vallée de Nahr el-Mott (on y accède en prenant le chemin de Bickfaya à partir d’Antélias). Un sentier à peine éclairé vous mène à la magnifique magnanerie où Mounir Abou Debs a établi le festival à la fin des années 90. Il règne sur les lieux une atmosphère magique. Les arbres tortueux et noueux sont éclairés avec subtilité. Une odeur d’encens rivalise avec celle de la terre gorgée de soleil. En attendant le début du spectacle, les festivaliers de Freikeh (une cinquantaine tout au plus) savourent la quiétude et le dépouillement. Ici, on discute art et culture à voix basse, en chuchotant presque. On se promène dans la salle des expositions où sont accrochées des œuvres de Gilles Abou Debs et de Amer Salem. Le tintement d’une clochette retentit enfin. La première pièce va commencer. L’ours va débouler. Cela se passe à la campagne, dans la propriété d’une jeune veuve, Madame Popova. Depuis la mort de son mari, sept mois plus tôt, elle refuse de sortir et se considère aussi morte que feu son bien-aimé mari. Voilà un jour que surgit un dénommé Smirnov, ancien officier d’artillerie, propriétaire foncier lui aussi, qui s’introduit chez elle malgré son refus de recevoir qui que ce soit. C’est que l’époux de Madame Popova devait douze cents roubles à Smirnov et que ce dernier en a besoin tout de suite pour payer des intérêts. Entre la délicate veuve et le très énergique Smirnov, c’est l’incompréhension totale, jusqu’à ce que la virilité débordante de l’ancien officier réveille chez la veuve des désirs qu’elle croyait enfouis à jamais. L’Ours, personnage typique de la littérature russe, buveur, noceur, propriétaire terrien, soldat à la retraite, butor et cœur d’or, est interprété avec une belle verdeur par Lucien Bourjeily. La jeune veuve inconsolable à qui il vient réclamer une traite impayée, c’est Sabine Ojeil. Cette interprétation Abou Debsienne justifie le sous-titre de « plaisanterie en un acte » que lui avait donné Tchekhov. Elle est portée par trois comédiens au plaisir de jouer communicatif. Tchekhov enfin rendu à son humour. Ça déménage Bref interlude et les Chaises déménagent. Nous entrons ici dans le genre de l’absurde où l’incongruité est monnaie courante. Un vieux et une vieille vivent dans un grand château, sur une île. Tout au long de son existence, le vieux a concocté une philosophie fantastique qu’il est enfin prêt, au terme de sa vie, à livrer à la population. Ainsi, un à un, des centaines d’invités invisibles se présentent chez eux, tous pour entendre la révélation. On apporte des chaises à n’en plus finir pour asseoir nos amis : le roi, le docteur, des marquis, des princes, des lettrés. Le vieux, n’étant pas vraiment doué pour les discours, engage un orateur qui se chargera de transmettre son message. Aphorisme sur l’usure et l’accomplissement, les Chaises nous place devant la question de l’éphémère de l’homme, de son besoin de laisser des traces. « Peut-être parce que plus on va, plus on s’enfonce. C’est à cause de la terre qui tourne, tourne, tourne, tourne... », dit le vieux. Sous titrée « farce tragique », cette pièce est construite comme un ballet avec son crescendo, ses répétitions et ses rythmes internes. La pièce ne parle pas de la vieillesse, c’est pour cela que Abou Debs n’a pas blanchi les cheveux de ses comédiens. La vieillesse n’est ici qu’un signe, une convention théâtrale. C’est de l’humanité rongée par la mémoire, l’angoisse et la frustration d’une vie ratée que l’on parle ici. Néanmoins, par le traitement du langage et les agissements et actions des personnages, nous sommes plongés dans l’humour et la dérision. Le tout habilement formulé de manière à promener le lecteur/spectateur qui finit par ressentir malgré tout une boule, même minime, à l’estomac, devant tant de misère humaine. Faut-il rire ou pleurer ? Là réside toute l’ambiguïté du récit. Réponse d’Eugène Ionesco himself : « Le thème de la pièce n’est pas le message, ni les échecs dans la vie, ni le désastre moral des vieux, mais bien les chaises, c’est-à-dire l’absence de personnes, l’absence de l’empereur, l’absence de Dieu, l’absence de matière, l’irréalité du monde, le vide métaphysique. Le thème de la pièce c’est le rien, un rien qui se fait entendre, se concrétise, comble de l’invraisemblance. » Maya GHANDOUR HERT *Les 21, 28, 29 et 30 août, à 20h30. Réservations au 03/425280.
C’est par une plaisanterie théâtrale russe et une farce tragique française qu’a été inaugurée la septième édition du festival de Freikeh. Il s’agit, en l’occurrence, de L’Ours de Tchekhov, traduit vers le libanais par Carla Serhan, avec Sabine Ojeil, Lucien Bourjeily et Tarek Kannich ; et des Chaises d’Ionesco avec Maya Sebaaly, Tarek Kannich et Lucien Bourjeily....