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Actualités - CHRONOLOGIE

PSYCHIATRIE - La maladie mine le patient et altère la qualité de sa vie « La dépression se soigne, elle est guérissable », affirme le Dr Wadih Naja rubrique réalisée par Nada merhi

« M’daprass », « C’est la déprime », « Oh, que c’est déprimant »… Autant d’expressions auxquelles nous avons constamment recours pour désigner notre tristesse, lassitude ou encore ennui. Mais au-delà d’une simple expression d’un état d’âme passager ou d’un « coup de blues », la dépression est une maladie psychiatrique qui mine le patient. Elle l’empêche de rire, de parler, de bouger ou de jouir des simples plaisirs de la vie. Dans ses différentes formes, la dépression touche près de 15 % de la population. Si elle est diagnostiquée et bien traitée, elle est guérissable. Le point avec le Dr Wadih Naja, psychiatre. Imaginez un ouvrier dans une boulangerie dont la tâche consiste à porter les sacs de farine de l’entrepôt au four. Cet ouvrier n’a rien fait d’autre durant sa vie. Mais un jour, son dos ne pouvant plus tolérer le poids finit par se briser. À l’image de cet ouvrier, le cerveau est constitué de façon à supporter le stress. « Il le fait depuis la naissance, explique le Dr Naja. Mais arrive le moment où il ne peut plus s’adapter à ce stress, alors on déprime. La dépression est donc un trouble de l’adaptation du cerveau au stress. Elle est différente de la tristesse, en ce sens que la dépression est une maladie, alors que la tristesse est une réaction. » Le facteur génétique à lui seul ne suffit pas pour développer une dépression. Celui-ci doit être en fait combiné à des facteurs extérieurs. En ce qui concerne les symptômes de la maladie, ils demeurent essentiellement la tristesse et/ou la perte de plaisir, associées à une baisse de l’appétit, une perturbation du sommeil et de la concentration, un pessimisme, une auto-dévalorisation, une auto-culpabilisation et des idées suicidaires. La combinaison d’un ou de plusieurs de ces symptômes signifie que la personne est déprimée, « à condition qu’il y ait un impact sur son fonctionnement, c’est-à-dire sur sa qualité de vie », indique le Dr Naja. Celle-ci est basée sur quatre éléments : la vie professionnelle, la vie familiale, la vie affective et la vie sociale. « Il est important donc de distinguer entre la tristesse et la dépression, insiste le Dr Naja. Lorsqu’on est triste, on continue à être performants dans plusieurs aspects de sa vie malgré ses problèmes (divorce, dispute sur un héritage, décès en famille, difficultés professionnelles graves, etc.). Lorsqu’on est déprimé par contre, on ne peut plus fonctionner. » La dépression est une maladie qui fait mal. L’entourage de la personne déprimée n’est malheureusement pas conscient de ce fait, puisqu’il s’agit d’une maladie qui n’est pas « palpable ». Croyant bien faire et voulant aider le patient à « se relever », on s’évertue donc à lui répéter de « se prendre en main ». Un conseil qui n’a d’autre effet que de nuire encore plus à cette personne. « Comme l’auto-dévalorisation et l’auto-culpabilisation sont des symptômes de la dépression, de pareils conseils confirment ce que la personne déprimée pense déjà, à savoir que tout est de sa faute, qu’elle manque de caractère et qu’elle ne veut pas s’en sortir, etc. Ce qui est faux », souligne le Dr Naja. Dépendance aux antidépresseurs ? Il existe notamment deux formes de dépression, unipolaire et bipolaire. « Dans le premier cas, la maladie est récurrente, note le Dr Naja. La personne souffre ainsi d’une dépression à plusieurs étapes de sa vie. C’est la dépression bipolaire qui demeure la forme la plus grave et la plus sévère de la maladie, d’autant qu’elle s’accompagne d’excitations et de changements d’humeur extrêmes. C’est la forme de maladie qui mène généralement au suicide. » Le traitement de ces deux types de dépression est différent, d’où l’importance d’établir un bon diagnostic. « Autant les antidépresseurs sauvent la vie du patient dans la forme unipolaire de la maladie, autant ils pourraient être déstabilisants dans la dépression bipolaire, puisque c’est dans ce cas uniquement qu’ils “pourraient provoquer” un suicide, insiste le Dr Naja. C’est la raison pour laquelle le taux de suicide a été plus élevé parmi les adolescents. Les praticiens n’arrivaient pas à distinguer s’il s’agissait d’une dépression simple ou d’une dépression dans le cadre d’un trouble bipolaire. Dans ce cas, le traitement est basé sur les régulateurs de l’humeur. Un antidépresseur sera éventuellement envisagé à une étape ultérieure. » Un traitement psychiatrique peut être combiné à une psychothérapie, puisque les événements vécus par la personne à une certaine période de sa vie débutent à l’enfance et se poursuivent au cours de l’adolescence et l’âge adulte. « La psychothérapie a pour rôle essentiel de travailler tous ces événements avec la personne souffrant d’une dépression et de l’aider à s’améliorer, constate le Dr Naja. La combinaison entre la psychothérapie et le traitement psychiatrique est donc indispensable. » Peut-on devenir dépendant aux antidépresseurs ? « Pas plus qu’on ne l’est à l’insuline, répond le Dr Naja. Quand une dépression récidive, le traitement doit être pris à vie. Pourquoi on accepte un traitement à vie pour le diabète, l’épilepsie, les maladies cardiaques, le cholestérol, les rhumatismes et toute autre maladie chronique et non pour la dépression ? C’est un traitement à l’instar de tous les autres. Il n’y a aucun mal à le prendre à vie, si l’état du patient l’exige. »
« M’daprass », « C’est la déprime », « Oh, que c’est déprimant »… Autant d’expressions auxquelles nous avons constamment recours pour désigner notre tristesse, lassitude ou encore ennui. Mais au-delà d’une simple expression d’un état d’âme passager ou d’un « coup de blues », la dépression est une maladie psychiatrique qui mine le patient. Elle...