Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

Serbie Au Nouveau Belgrade, on se souvient du paisible Dr Dabic

Radovan Karadzic a bien vécu sous l’identité du Docteur Dabic : attentif à sa nourriture, amoureux, il passait une bonne partie de son temps à écouter des chansons à sa gloire dans un petit café nationaliste. Sa longue chevelure grise et sa barbe fournie masquaient le visage, devenu célèbre, de l’artisan du « nettoyage ethnique » pendant la guerre de Bosnie, entre 1992 et 1995. Il avait remplacé par des vêtements amples les costumes sur mesure qu’il portait lorsqu’il était président des Serbes de Bosnie. « Il achetait toujours ce qu’il y a de mieux », témoigne Misko Kovijanic, qui tient une épicerie dans le quartier du Nouveau Belgrade où Karadzic vivait sous le nom de Dragan Dabic, un spécialiste des médecines douces. « Il cherchait toujours le yaourt avec le plus faible taux de matière grasse. Il buvait du vin rouge, il achetait la marque locale, le Medvedja Krv (le sang de l’ours). » « Une fois, il m’a demandé d’où je venais et j’ai dit que je venais d’un endroit proche du village natal de Radovan Karadzic. Maintenant j’y repense ! J’expliquais à Radovan Karadzic qui était Radovan Karadzic ! » Le docteur Dabic aimait se rendre dans un petit café proche de son domicile, un repaire de nationalistes appréciant le son du gusla, un violon à une corde typique du Monténégro, le pays natal de Karadzic. Ils chantaient des chansons sur les guerres, les héros, les ennemis infidèles du royaume serbe. Beaucoup de titres évoquaient Karadzic et son ancien chef militaire Ratko Mladic, tous les deux inculpés de génocide et crimes de guerre par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. Leur portrait est toujours suspendu au-dessus du comptoir. « La première fois qu’il est venu, il s’est assis près de la porte et a écrit quelques paroles », se souvient Raso Vucinic, un jeune habitué de 26 ans, qui joue régulièrement dans le bar. « Il a joué une fois du gusla, mais n’a pas chanté. J’imagine qu’on l’aurait reconnu facilement, c’est difficile de déguiser sa voix quand on chante. » « Il nous a dit : “Mes enfants, maintenez la tradition du gusla, vous êtes le bien le plus précieux de notre nation.” Si j’avais su que c’était lui, je lui aurais proposé de le cacher. » Entre les tours massives et anonymes du Nouveau Belgrade, le personnage du Dr Dabic, avec son inséparable chapeau noir, se distinguait. Sur son site Internet, il affirmait pouvoir tout guérir, du diabète à l’impuissance, et revendiquait une spécialité dans « l’embellissement et le rajeunissement ». Les traitements consistaient la plupart du temps à placer ses mains près du corps du patient, sans le toucher. Sa devise était : « Vous pouvez toujours obtenir de l’aide. » « Je ne suis pas surpris, j’ai toujours su qu’il avait un don et possédait cette énergie vitale », affirme son frère Luka. « Il jeûnait tous les mercredis et les vendredis, et à chaque grande fête orthodoxe. Si on additionne tout, cela fait plus de 150 jours par an. » Charmant, bien élevé, il était apprécié de ses voisins et du personnel du petit magazine de santé auquel il envoyait ses articles sur les médecines douces et la méditation. Ses amis ont déclaré à la presse locale qu’il vivait avec une femme brune d’un certain âge, qu’il présentait comme l’amour de sa vie, même s’il était toujours marié. Selon la psychologue Leposava Kron, directrice de l’Institut de criminologie de Belgrade, pour un homme aussi extrêmement extraverti, ayant fortement besoin de se faire aimer et applaudir, « il aurait été psychologiquement suicidaire de ne pas avoir un public ».
Radovan Karadzic a bien vécu sous l’identité du Docteur Dabic : attentif à sa nourriture, amoureux, il passait une bonne partie de son temps à écouter des chansons à sa gloire dans un petit café nationaliste.
Sa longue chevelure grise et sa barbe fournie masquaient le visage, devenu célèbre, de l’artisan du « nettoyage ethnique » pendant la guerre de Bosnie, entre 1992...