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Actualités - CHRONOLOGIE

De puissants barons sont aux arrêts dans le cadre d’une enquête sur de gigantesques détournements d’argent À la MACA, la prison d’Abidjan, la vie a pris le goût du cacao

Principale prison de Côte d’Ivoire, la sinistre maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (MACA) vit depuis un mois au rythme des puissants barons de la filière du cacao, arrêtés dans le cadre d’une enquête sur de gigantesques détournements présumés d’argent. Les jours de visite, de rutilantes voitures de grosse cylindrée sont désormais garées devant la MACA, où sont enfermés depuis la mi-juin la quasi-totalité des dirigeants des structures de régulation du cacao de Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de fèves. La prison connaît un véritable défilé de personnalités, notamment politiques, venues voir celles qui ont dirigé pendant des années la juteuse filière cacao et dont certaines sont des proches du président Laurent Gbagbo, voire des membres de son parti. Les visiteurs font le bonheur des « parkeurs », des jeunes qui proposent de garder les voitures à l’entrée. « Nos affaires marchent », confie à un journaliste de l’AFP l’un d’entre eux, Jean, 16 ans. À l’intérieur, l’arrivée des « prisonniers du cacao », comme on les appelle, bouscule aussi les habitudes. Placés en détention provisoire par le juge d’instruction en charge de l’enquête, la vingtaine de responsables du cacao arrêtés sont logés au « bâtiment des assimilés » réservé aux délinquants à « col blanc ». Certains ont été autorisés à repeindre leur cellule ou à y installer des ventilateurs. Un espace a été également aménagé pour accueillir leurs avocats, mais aussi leurs amis ou parents. Ce jour-là, ils discutent tranquillement sur des bancs, tandis qu’un ventilateur brasse une atmosphère suffocante. « Notre incarcération est politique », affirme un des prisonniers en référence à l’élection présidentielle du 30 novembre. « Comment comprendre qu’après nous avoir accusés de malversations financières, on soit incapable d’évaluer le préjudice », poursuit-il, laissant entendre que l’affaire a été montée par le pouvoir. Ouverte en octobre 2007 à la demande du président Gbagbo, l’enquête sur le cacao a débouché sur l’inculpation fin mai des responsables de la filière pour « détournement de fonds, abus de biens sociaux, escroquerie, et faux et usage de faux en écriture de commerce ou de banque ». Aucun chiffre n’a été communiqué par la justice, mais la presse locale évoque plusieurs centaines de milliards de FCFA (plusieurs centaines de millions d’euros) détournés. Le moral semble encore bon parmi les « prisonniers du cacao » même si ces personnalités, longtemps considérées comme « intouchables » à Abidjan, vivent mal l’incarcération. « J’ai planifié mon évasion, mais elle a échoué en raison de la hausse du prix du carburant : mon hélico n’a pu décoller (car) le prix du kérosène a doublé », plaisante l’un d’eux, provoquant l’hilarité générale. Depuis une semaine, Abidjan est en proie à une grève de chauffeurs de taxi qui protestent contre la récente hausse des prix à la pompe. Ces détenus « sont désabusés mais dignes », explique un garde pénitentiaire, selon qui ils ont le « sentiment d’avoir été abandonnés par le chef de l’État ». Psychologiquement diminués, ces prisonniers particuliers reçoivent des vivres, de la lecture, des médecins. Ce qui n’est pas le cas pour les autres détenus. À l’issue d’une récente visite de parlementaires de la prison de la MACA, un député a décrit un établissement « dans un état désastreux ». Construite en 1980 pour accueillir 1 500 détenus, la maison d’arrêt accueille aujourd’hui plus de 4 800 prisonniers. Le député a aussi dénoncé « une sous-alimentation chronique » et des maladies « d’une autre époque », précisant que 43 détenus étaient déjà morts depuis le début de l’année.
Principale prison de Côte d’Ivoire, la sinistre maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (MACA) vit depuis un mois au rythme des puissants barons de la filière du cacao, arrêtés dans le cadre d’une enquête sur de gigantesques détournements présumés d’argent.

Les jours de visite, de rutilantes voitures de grosse cylindrée sont désormais garées devant la MACA,...