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Actualités - OPINION

Entre Yvan Kalyayev et Samir Kantar

En février 1905, le révolutionnaire anarchiste Yvan Kalyayev fut mandaté pour tuer l’oncle du tsar Nicolas?II, le grand duc Sergueï Alexandrovitch Romanov. Le meurtrier attendit patiemment le passage du carrosse de sa victime. Soudain, il le vit, mais le grand-duc n’était pas seul. Il était accompagné de sa femme, de sa nièce et avait sur les genoux un petit enfant, son neveu en l’occurrence. Yvan Kalyayev renonça volontairement à son projet afin d’épargner les enfants et l’épouse. Kalyayev était, à ses propres yeux, un juste révolté et non un assassin. Il réussira cependant son coup le 4 février 1905 et tuera le grand-duc et son cocher en lançant son engin explosif contre le carrosse de sa victime qui quittait, seul cette fois-ci, l’enceinte du Kremlin. Cet épisode a inspiré à Albert Camus une de ses rares pièces tragiques Les Justes, où le face-à-face entre Yvan Kalyayev et la grande-duchesse Élisabeth de Russie est un morceau de bravoure inégalé. Parce que Kalyayev a renoncé à son projet afin de ne pas tuer des innocents, il demeure à nos yeux un résistant, un révolutionnaire, et son geste ne peut pas être qualifié de «?terroriste?». Est-ce le cas de Samir Kantar qui a tué une fillette de 4 ans en essayant d’échapper à la troupe israélienne qui le poursuivait?? Kantar a purgé sa peine. Il a donc payé sa dette envers la société. Son retour au pays, parmi les siens, est légitimement un événement heureux pour lui et pour sa famille, et c’est tant mieux. De même qu’il est plus que légitime que le Liban se réjouisse de la libération des derniers prisonniers dans les geôles israéliennes ainsi que du retour des dépouilles des victimes d’actes de résistance. L’événement aurait dû en rester là. Mais au Liban, pays qui s’est définitivement mis en marge de toute forme de civilisation, le cours des choses est radicalement différent du reste de la planète. En juillet 2006, les amis de Kantar ont déclenché une guerre destructrice en vue d’obtenir sa libération. Aujourd’hui, c’est chose faite. On a déroulé le tapis rouge pour l’accueillir et les plus hauts responsables de la République libanaise se sont déplacés pour aller l’acclamer en héros. Par conviction?? Non, par simple complaisance. Ils ont probablement eu trop peur de déplaire au vrai patron, au gauleiter du juriste-théologien (al-faqih) qui aujourd’hui fait la pluie et le beau temps au Liban. Liban message?? Ayons la décence d’oublier cette réflexion inopportune. Liban de la coexistence?? Certainement pas, car le masque mensonger de l’unité nationale ne justifie pas qu’on piétine aussi cavalièrement les valeurs élémentaires de la dignité humaine, en principe inaliénable sans distinction d’appartenance politico-confessionnelle. Il ne nous reste plus qu’à lire La Nausée de Sartre maintenant que nous avons terminé Les Justes de Camus. Pr Antoine COURBAN
En février 1905, le révolutionnaire anarchiste Yvan Kalyayev fut mandaté pour tuer l’oncle du tsar Nicolas?II, le grand duc Sergueï Alexandrovitch Romanov. Le meurtrier attendit patiemment le passage du carrosse de sa victime. Soudain, il le vit, mais le grand-duc n’était pas seul. Il était accompagné de sa femme, de sa nièce et avait sur les genoux un petit enfant, son...