Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

CONCERT - À l’auditorium Aboukhater (USJ), monodrame pour contralto «?Hilman Assfaratt?» de Joëlle Khoury, ou les rêves d’une femme en désarroi…

En hommage au Festival international de Baalbeck, un des plus éminents promoteurs de la musique libanaise contemporaine, un concert à l’auditorium Aboukhater (USJ) est offert à un petit auditoire composé de mélomanes et d’amis s’aventurant courageusement, en toute détermination iconoclaste, dans les éclats, pas toujours très fréquentables, des stridences de la musique moderne. Il s’agit de « Hilman Assfaratt »?(Rêve elle est), une création mondiale autour d’un ensemble de poèmes arabes de Jacques Assouad, groupés, sériés et mis en musique par Joëlle Khoury, sous le label de monodrame pour contralto. C’est la rencontre avec la cantatrice Fadia Tomb el-Hage, qui prête sa voix cuivrée et veloutée au personnage anonyme d’une femme, vaguement perdue, en déroute affective, qui donne chair, corps, vie et surtout voix à une fiévreuse quête identitaire féminine. Une quête où le chant a la vocation d’incantation, de confidences intimes et intimistes, et surtout d’évocation sans perdre pour autant la notion du présent et d’un bonheur à garder toujours au chaud… Entourée de l’ensemble Fragments, formé de Simon Widart (flûte et double-basse), Eliot Lawson (violon), Mâté Szucks (alto) et Mathiew Widart (violoncelle), tous placés sous la houlette du maestro Harout Fazlian, Fadia Tomb el-Hage investit en silence la scène, micro en main… Vêtue d’une robe longue bordeaux au satin moiré avec une large ceinture noire fermée par une immense boucle aux brillants scintillants, la cantatrice diffuse l’univers brumeux, nostalgique et haletant d’une femme en prise avec ses désarrois les plus secrets. Une femme traquant la vie et ses exigences à travers des rêves persistants et insidieux pour mieux se retrouver, se libérer, renaître et exister. Cheveux sur les épaules, impassible, grave et probablement délibérément inexpressive pour garder aux mots et au chant toute leur vertu suggestive, la cantatrice aborde par un ton déclamatoire la plongée aux enfers des analyses sans fins et un peu filandreuses, il est vrai, d’une femme tourmentée par les implacables et innombrables affres existentielles. Sur fond de bruitage, de chuintement, de murmure, de grésillement, de cris, de rires étouffés, de souffle de vent, démarre l’ébouriffante aventure d’une partition aux rougeoiements peu conventionnels… Une partition nerveuse et tendue Pas de mélodie ou lyrisme vocal au sens traditionnel du terme, pas plus que l’emploi des instruments de musique n’est ici à sage contribution classique, habituelle et familière. Éruptive, nerveuse, tendue, chaotique, entêtée et répétitive est cette musique moderne aux allures d’un cérémonial aux accents ténébreux. Une musique aux tempos surprenants, au rythme insolite et haletant, à l’absence de mélodie perceptible ou agréable. Une musique aux grincements sourds qui se love goulûment dans les vocables d’une alchimie poétique plongeant en toute intrépide liberté ses racines dans la plus gutturale des résonances d’une langue arabe. Une langue arabe ouvrant tout grand l’éventail de ses sonorités comme lames de sabres s’entrechoquant… Un texte touffu et délirant, reflétant (sans brio) les remous d’une âme en dérive, est le pivot de ce chant plus âpre et dru que lyrique ou tendre. Un texte à la poésie libre plus bavard que cohérent où abondent les clichés («?belle comme le soleil… nue comme une lame?»), les poncifs («?la larme de l’aveugle n’est pas aveugle?»), les métaphores sans relief et surtout les leitmotivs répétitifs qui se répercutent au niveau musical de la partition qui en devient brusquement tributaire dans son énoncé redondant. Pour cette traversée du désert d’une femme en prise avec ses tentations, ses désirs et ses démons intérieurs, Joëlle Khoury, mordue de jazz et excellente technicienne du clavier (d’ailleurs restée derrière les touches d’ivoire sur scène), a finement puisé dans une inspiration audacieusement avant-gardiste et hors norme où la modernité ouvre toutes grandes ses portes à un monde sans frontières. À la dimension des désirs de cette femme qui se voudrait affranchie de toute contrainte… Pour cette partition se voulant iconoclaste et bousculant les prosodies musicales convenues, il y a sans nul doute un lyrisme particulier. Entre sonorités électroniques et sifflements des cordes, il y a comme un air de Ligeti et de Saariaho qui souffle sur ces pages où une femme tente de se raconter sans voiles… Edgar DAVIDIAN
En hommage au Festival international de Baalbeck, un des plus éminents promoteurs de la musique libanaise contemporaine, un concert à l’auditorium Aboukhater (USJ) est offert à un petit auditoire composé de mélomanes et d’amis s’aventurant courageusement, en toute détermination iconoclaste, dans les éclats, pas toujours très fréquentables, des stridences de la musique...