Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

Préserver notre héritage Molly SELWAN

Ce n’est pas seulement le vide trop longtemps maintenu au niveau de la présidence de la République et auquel il a été mis fin (enfin?!), ni les atteintes à la Constitution, ni la destruction des infrastructures de l’État. Ce n’est pas tant la crise économique, la cherté de vie, le manque de courant électrique et d’eau ; ce ne sont pas seulement les querelles intestines, la phobie des obus, de la guerre et des nuits passées dans les salles de bains qui nous effraient, mais encore : la répercussion de ces causes conjuguées sur la génération actuelle et future. Tous ces faits et ces délits ont pour résultante un impact très important sur le caractère et la psychologie des Libanais, tous classes et âges confondus. Atteindre à l’équilibre des institutions, c’est saper les bases de la nation et de la société. Il n’y a de pires barbelés que ceux qui déchirent les esprits, divisent les convictions et séparent les gens d’une même appartenance (quelquefois d’une même famille), sous des prétextes fallacieux. La vie politique aujourd’hui frôle à tel point la ségrégation qu’elle devient le principal vecteur de notre quotidien. Elle conditionne la vie estudiantine et professionnelle et, par conséquent, cause des dégâts et des ruptures souvent irréparables. Nos jeunes universitaires subissent l’emprise tribale des courants actuels ; leur garde-robe est la première à en traduire les effets. Le choix des couleurs (élément de distinction) devient primordial. L’affiliation politique est nécessaire pour réussir des élections. Idem pour celles des ordres des ingénieurs, des médecins, du conseil de l’ordre des avocats et des syndicats ouvriers. Dans certains postes de l’État, l’appartenance politique et même religieuse remplace la valeur personnelle. Les pistons vont leur petit train-train. La corruption reprend sa place. L’absence de l’État de droit incite aux abus. Les intérêts personnels des responsables sont favorisés au détriment de ceux de l’employé lésé. La passivité des forces de certaines institutions encourage l’impunité. Certains événements de la vie noctambule et même de la journée reflètent un mépris des valeurs et de l’éthique. Où en sommes-nous du problème de la drogue et du port d’arme ? Non, il n’est pas nécessaire de passer par l’anarchie pour rétablir l’ordre. Il est vrai qu’avant la création du monde existait le chaos, mais il s’appliquait seulement à la matière…Actuellement, le chaos préside à l’existence des Libanais ; il détruit le corps et ronge l’âme ; c’est une porte ouverte à tous les excès. Scandales, vols, crimes, on se croirait au début des années 80. Nous allons vers une transformation de la vie civile, vers une mutation des mentalités. Comme les idées et les aspirations guident les actes, nous marchons droit vers une dégradation de la situation. Les Libanais ne veulent plus faire la guerre, mais tous les moyens sont bons pour les y forcer : la prolifération des armes, les camps de formation, l’esprit de milice, une négation systématique des droits de l’autre. De temps en temps, des voix s’élèvent pour remettre les pendules à l’heure, mais qui sont aussitôt amorties par la mauvaise foi ambiante. Les agitateurs du moment jouent le rôle qui leur a été attribué. Derrière le mur de leur propre ambition, rien ne les touche, ils continuent leur bonhomme de chemin. Leur discours est diffamatoire ; ils font de la dépréciation sélective et radicale leur credo quotidien. Ces « parrains » du Liban n’ont rien à envier à la mafia. Ils sont bien protégés dans leurs citadelles et sont au-dessus des lois. Ils ont le pouvoir de transformer les institutions par un seul diktat. Si le gouvernement les gêne, ils décident qu’il est illégal. Si une règle les gêne, elle devient illicite. Si une personne les gêne, comme par miracle, elle disparaît. La démocratie?? Ils n’en ont que faire. Les besoins du peuple?? Un moyen de pression ! Leur dada favori?? Les menaces ! La diversité des formations paramilitaires palestiniennes, ajoutées à celles, occultes, introduites clandestinement viennent augmenter la quantité d’armes déjà présentes dans le pays. Entre-temps, la subversion continue. D’autres, derrière la bannière de leurs idées surannées, leur idéologie inspirée d’une culture qui n’a rien de phénicien ni même d’arabe, continuent leur polémique. À les entendre, le dialogue devient cacophonie, le pluralisme est dualisme, la coexistence, une lutte quotidienne pour continuer d’exister, et le pays une tour de Babel où chacun poursuit son propre monologue. Profitant de la discorde interne, en douce ils tissent comme une araignée leur toile sous forme de satellite-espion et de réseau de service de téléphonie mobile, et développent leurs tentacules d’armement dans le pays. Y aurait-il dualité entre leur suivisme idéologique et leur devoir civil qu’ils favoriseraient les intérêts du pays suivi au détriment du Liban. Comment leur faire confiance ? À l’heure où la Palestine tente en vain d’établir un État, où l’Irak essaye de reconstruire le sien, nous les Libanais, à force d’égoïsme, de corruption, de mégalomanie et d’allégeances extérieures, nous détruisons le nôtre. Nous détruisons l’indépendance obtenue par nos ancêtres à force d’en référer aux pays arabes et occidentaux. Il est humiliant de se sentir à ce point assistés. En dépit des guerres, l’islam et la chrétienté ont longtemps cohabité. Le Liban a une responsabilité envers les chrétiens du monde arabe. Les députés et les chefs de file devraient réviser leurs classiques, revoir leurs priorités, se remettre en question, s’interroger aussi sur le pourquoi de leur existence, là où la confiance des citoyens les a placés. Si c’est pour détruire le pays, merci, c’est déjà fait. Mission accomplie, leur rôle est terminé. À mon humble avis, il ne leur reste plus qu’à plier bagages. N’allons pas attendre qu’ils aient 77 ans pour les remercier. Place à une nouvelle équipe plus jeune, moins corrompue, plus patriote. Le Liban pour survivre a besoin de patriotisme. Il est urgent de ne pas gaspiller notre héritage qui est l’indépendance et l’intégrité territoriale, et que nous devons transmettre aux générations futures. Le rôle du citoyen est de sauvegarder la pérennité d’une nation pour préserver son avenir, sinon quelle empreinte laissera-t-il de son passage ? Dirons-nous « après moi le déluge » ou bien serons-nous le levain qui fait gonfler la pâte d’espoir ? Article paru le mardi 8 juillet 2008
Ce n’est pas seulement le vide trop longtemps maintenu au niveau de la présidence de la République et auquel il a été mis fin (enfin?!), ni les atteintes à la Constitution, ni la destruction des infrastructures de l’État. Ce n’est pas tant la crise économique, la cherté de vie, le manque de courant électrique et d’eau ; ce ne sont pas seulement les querelles intestines, la phobie...