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Actualités - OPINION

La réconciliation nationale L’interprétation libanaise du concept de la paix

Au Liban, la question de la réconciliation nationale se pose depuis des années, sans beaucoup de réussite, sans grande motivation non plus. La page de la guerre civile, marquée par des violations des droits de l’homme et du droit humanitaire, fut tournée sans prendre la peine d’en tirer de véritables leçons. Il est vrai que la réconciliation nationale est une tâche difficile à assumer ; elle n’est certes pas quelque chose de passif. Toutefois, la réconciliation est un processus post-conflit générationnel indispensable pour l’harmonisation et l’équilibre de l’État-citoyen, surtout au Liban où cette équation est fragile. De ce fait, on ne peut pas définir la réconciliation puisqu’elle doit être interne au pays. Cependant, les exemples des différents pays du monde ont mené les spécialistes en la matière à aboutir à des étapes ainsi qu’à des instruments techniques nécessaires à toute réconciliation : la coexistence pacifique, l’établissement de la confiance, l’empathie et la culture de la démocratie, toutes soutenues par quatre éléments-clés qui sont la cicatrisation des blessures des survivants, une certaine forme de justice punitive ou restaurative, la divulgation de la vérité et la réparation du préjudice matériel et psychologique infligé aux victimes (1). La période de transition d’après-guerre est caractérisée par l’accord de Taëf (octobre 1989), suivi par une loi d’amnistie générale, le 26 août 1991, pour les crimes commis avant le 28 mars 1991, y compris les crimes les plus graves ! Une amnistie qui consacre non seulement une impunité en faveur des auteurs locaux de la guerre civile, mais aussi une marginalisation des victimes. D’ailleurs, certains politiques voient même dans la loi d’amnistie un moteur de réconciliation ! Malheureusement, le premier Parlement libanais post-conflit élu n’a jamais débattu des questions pouvant accélérer le processus de la réconciliation. Et pourtant, c’est cette instance nationale représentant le peuple et « au sein de laquelle des positions, des préoccupations et des intérêts divers peuvent s’exprimer dans le cadre d’un débat qui doit permettre de dégager des solutions répondant à l’intérêt commun (…) des questions qui présentent un caractère d’urgence et contribuer efficacement à promouvoir la tolérance et la réconciliation. (…) Dès lors qu’un Parlement offre une tribune nationale propice à un échange de vue libre et ouvert, il apporte la preuve manifeste qu’un processus de réconciliation est en cours et devient un facteur important de renforcement du processus de réconciliation » (2). Dans le cas du Liban, « la réconciliation est souvent définie par les gouvernements avec les anciens gouvernants et auteurs des violations des droits de l’homme au détriment des victimes. Ces dernières ne sont pas suffisamment prises en compte ; elles sont au contraire souvent responsables de l’échec de la réconciliation parce qu’elles maintiennent vivantes leurs exigences de vérité et de justice, c’est-à-dire de respect pour leurs droits déjà violés » (3). À titre non exhaustif, nous citons les démarches insuffisantes entreprises par les différents gouvernements d’après-guerre civile en ce qui concerne la vérité sur le sort des disparus et des détenus libanais dans les prisons syriennes et israéliennes. Derrière ce camouflage des conséquences de la guerre civile se trouve non seulement l’État libanais, mais aussi la Syrie, dont la mainmise sur le pays remonte à plus de trente ans. Aujourd’hui, une certaine peur du retour au conflit reste palpable dans la société libanaise. Les événements récents du mois de mai dernier auraient pu consacrer ce retour. Or les volontés déterminées des leaders politiques à ne plus retourner au passé de la guerre civile furent marquées par un nouvel accord, l’accord de Doha, afin de mettre fin à une crise politique qui remonte à 2005 et à une série d’affrontements sanglants. Finalement, le gouvernement libanais a un grand travail à achever – pour ne pas dire à faire – pour maintenir la coexistence pacifique entre les différentes communautés, voire au sein de la communauté elle-même, et ainsi garantir une réconciliation à la hauteur d’un pays qui demeure malgré tout « un message de dialogue et de convivialité » (4), comme l’a dit le pape Jean-Paul II, un message qu’il faudrait transmettre au monde entier, aux pollueurs des esprits par des démagogies et des concepts caverneux, à ceux qui ne croient pas à la diversité, à la différence, à la liberté de soi et de l’autre. Houssam DAHER 1 - Teresa Barnes, Luc Huyse, David Bloomfield, La réconciliation après un conflit violent, IDEA, 2004. 2 - Mark Freeman, Le rôle des Parlements dans l’aboutissement du processus de réconciliation, IDEA, 2005, p.10. 3 - FIDH, les commissions de vérité et de réconciliation : l’expérience marocaine, Rabat, Maroc, mars 2004, p.26. 4 - Cité dans les linéamenta de l’Assemblée spéciale du synode pour le Liban.
Au Liban, la question de la réconciliation nationale se pose depuis des années, sans beaucoup de réussite, sans grande motivation non plus. La page de la guerre civile, marquée par des violations des droits de l’homme et du droit humanitaire, fut tournée sans prendre la peine d’en tirer de véritables leçons. Il est vrai que la réconciliation nationale est une tâche...