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Actualités - CHRONOLOGIE

À Beaubourg : une œuvre onirique autour de la femme

Le Centre Pompidou expose, pour la première fois en France, Miroslav Tichy, 81 ans, un artiste tchèque étonnant qui a composé une œuvre fantasmatique et onirique autour de la femme, avec des appareils photo bricolés à partir de matériaux de rebut. Des années durant, il a photographié les femmes de sa petite ville de province, souvent à leur insu, souvent de dos, dans la rue, à la piscine ou sur les terrains de sport. Redécouvert récemment, Tichy est un personnage hors du commun, «?une sorte de Diogène?», replié sur sa ville natale de Kyrov, en Moravie, depuis le début des années 50, explique Quentin Bajac, commissaire de l’exposition. Farouchement indépendant, refusant le système communiste, Tichy a vécu longtemps dans une grande précarité. Son apparence à elle seule constituait une provocation : cheveux longs, barbe non taillée, pantalon usé jusqu’à la corde, l’artiste était l’antithèse de l’idéal socialiste de l’homme nouveau. Né en 1926, ce fils de tailleur, bon élève, se destinait à la peinture. De 1945 à 1948, il étudie aux Beaux-Arts de Prague, mais l’arrivée au pouvoir des communistes change la donne. L’école connaît des changements radicaux et Tichy cesse d’aller en cours. Renvoyé, il doit faire son service militaire. Une période douloureuse dont il ne veut pas se souvenir. Mais qui se solde par son retour définitif dans sa ville natale. Marginal, excentrique, Tichy est envoyé plusieurs fois en hôpital psychiatrique. À contre-courant de l’idéologie du progrès, il se met à bricoler des appareils photo, avec des boîtes de conserve, du carton, du plexiglas, du scotch. Il fabrique aussi son agrandisseur. «?J’allais en ville. Je prenais deux ou trois rouleaux par jour. Cent photos par jour. Cela se faisait automatiquement, sans le moindre effort. Je n’étais qu’un observateur, mais j’avais l’œil?», a raconté l’artiste. «?Son seul sujet, c’est la femme?», souligne Quentin Bajac, qui dirige le cabinet de la photographie du Centre Pompidou.?«?Son œuvre est poétique, nostalgique?; c’est la recherche du temps perdu, de la féminité, telle qu’il la dessinait aux Beaux-Arts de Prague?», ajoute-t-il. «?Pour moi, une femme est un motif. La silhouette (debout, inclinée, assise), le mouvement (la marche), rien d’autre ne m’intéresse?», a expliqué l’artiste qui n’a jamais cessé de peindre et de dessiner. Une fois développées, les photos, en noir et blanc, traînent dans son atelier. Il marche dessus, en fait des cales pour ses meubles, pose ses verres dessus, laisse les souris les ronger. Il redécouvre certaines de ces photos «?après maturation?», les retravaille, les colle sur du carton puis les encadre à sa façon. «?Il y a comme un voile?» sur elles, relève M. Bajac. «?On dirait des images mentales, des souvenirs. On est dans le rêve?», ajoute-t-il. L’œuvre de Tichy a été redécouverte en 1989 par un voisin, le réalisateur tchèque Roman Buxbaum. Son travail photographique a été présenté à la Biennale de Venise en 2004 sous l’impulsion du suisse Harald Szeemann. En 2005, une exposition monographique lui a été consacrée à la Kunsthaus de Zurich. Pascale MOLLARD-CHENEBENOIT (AFP)
Le Centre Pompidou expose, pour la première fois en France, Miroslav Tichy, 81 ans, un artiste tchèque étonnant qui a composé une œuvre fantasmatique et onirique autour de la femme, avec des appareils photo bricolés à partir de matériaux de rebut.
Des années durant, il a photographié les femmes de sa petite ville de province, souvent à leur insu, souvent de dos, dans la...