MUSIQUE - Chant et lyrisme avec Mustapha Saïd au théâtre Babel Voyage dans un monde mystique

Dans un silence religieux, six musiciens immobiles, assis en tailleur, vêtus de blanc, ont interprété avec une générosité qui va droit au cœur les Rubaiyat de Omar el-Khayyam. Des teintes de lumières, passant du jaune orangé au blanc pur, ont transporté le public dans un monde intérieur et mystique dans un décor épuré, laissant place à la magie des vers. La voix chaude et vibrante du oudiste Mustapha Saïd brise le recueillement du public. Les mots s’élèvent. Des mots qui parlent d’amour, de chagrin, de vin et de femmes. Ce soir-là, Mustapha Saïd ne chante pas. Il «?improvise?» deux Rubaiyat de son CD. S’exprimant avec simplicité, il colore ses mots tantôt au rythme cadencé du qanun de Ghassan Sahab, tantôt au son langoureux du oud, qui emplit la salle d’une atmosphère modeste et profonde. Mustapha Saïd chante en alternant les sons graves et les intonations légères. Tout est respect et solennité chez ces musiciens qui se considèrent de simples outils de la pensée philosophique de Omar el-Khayyam. Soucieux de préserver la pensée morale et spirituelle de ce grand poète, Mustapha Saïd garde cette tonalité satirique et pessimiste dans son interprétation, sans avoir recours à la moindre fioriture. Le public est étourdi par tant d’intensité poétique qui se confond entre amour terrestre et rêveries mystiques. Des poèmes qui sont un hymne à l’amour, une invitation à la vie, où l’omniprésence du vin dans les œuvres de Omar el-Khayyam est impressionnante. «?Bois et sois heureux?» en est comme le refrain. C’est sur cette note mystique et?exaltante que s’est achevée la saison musicale organisée par Music Forward. Une note que six musiciens ont voulu proposer au public en lui offrant, l’espace d’un moment, un moyen de s’évader tout en restant sur place. Lamia DAROUNI