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Actualités - OPINION

L’ÉDITORIAL de Issa GORAIEB Course d’obstacles

Un gouvernement dans les prochaines heures, nous promettait-on sérieusement hier, au bout de semaines de fiévreuses palabres et d’âpres marchandages. Quand l’enfant paraît, l’heure est évidemment à l’allégresse. Pour autant, le parcours du nouveau-né nous réserve sans doute d’autres douleurs et angoisses que celles de l’enfantement, et ce n’est pas jouer les rabat-joie que de le rappeler. Dans la longue course d’obstacles qui attend un système politique libanais bien malade, c’est seulement la toute première haie qui sera sautée avec l’acte de naissance de ce gouvernement. Ce qui va être réalisé à ce stade, ce n’est guère davantage en effet qu’une distribution plus ou moins équitable de ces trophées de crise que sont aujourd’hui les portefeuilles ministériels. Du lot se détachaient bien sûr les ministères haut de gamme, pompeusement dits régaliens dans un pays où la notion de souveraineté, qu’il s’agisse d’Affaires étrangères ou de Défense, n’est pas la même pour tous. La ruée sur les ministères dits, eux, de services n’était pas moins féroce cependant ; le fait est qu’à quelques mois des législatives, ils brûlent de rendre service, ces zélés serviteurs de l’État : étant bien clair toutefois que fidèles, partisans et électeurs seront les premiers – et les mieux – servis. Une fois casées toutes ces excellences, anciennes et nouvelles, sera abordé le plus difficile, c’est-à-dire l’entente sur le programme d’un gouvernement d’union nationale peu susceptible hélas de mériter véritablement son nom. Ne serait-ce que pour la coucher sur le papier (et nul n’ignore quel peu de cas il est fait, dans les mœurs politiques libanaises, des accords écrits), cette ligne d’action va sans doute requérir d’interminables discussions. Même sur le papier, on voit mal comment pourraient être conciliées les vues antinomiques qui s’affrontent, notamment en matière de stratégie de défense. Et même si était passée avec succès cette singulière épreuve écrite, le mariage de l’eau et du feu – de la logique étatique et de celle d’une résistance anti-israélienne coupablement occupée désormais à braconner sur les terres intérieures – ne laisserait pas d’être une préoccupation de tous les instants. On n’en voudra pour triste preuve que la prolifération des accrochages armés à connotation sectaire et la toute dernière incursion du Hezbollah sur les crêtes de Sannine. Ce souci sécuritaire chronique, criante violation de l’esprit qui a présidé à l’accord de Doha, ne pourra que planer, telle une épée de Damoclès, sur les classiques empoignades auxquelles donne lieu chaque nomination de hauts fonctionnaires. Et c’est là que risquent de se vérifier toutes les appréhensions qu’avait suscitées l’octroi à l’opposition du droit de veto. Jusqu’à preuve du contraire en effet, le même accord de Doha n’aurait fait, finalement, que resituer le débat dans le cadre institutionnel sans pour autant le retirer tout à fait de la rue. Le malheur, c’est que dans l’intervalle, le jeu des institutions est devenu pratiquement ingérable. Ainsi, et en dépit de ses allégations, ce n’est certes pas par des moyens démocratiques que l’opposition a estropié puis assiégé le premier gouvernement Siniora, qu’elle a momifié le Parlement et retardé de plusieurs mois l’élection d’un chef de l’État. Ces exploits constituant un véritable cas d’étude, elle ne les pas accomplis grâce à un triomphe électoral ou quelque authentique soulèvement populaire, mais en recourant au double chantage à la sécurité et à la fracture communautaire. Or c’est la même politique d’obstruction que pourraient être tentés de poursuivre les protégés de l’Iran et de la Syrie, mais en se prévalant cette fois – cruelle ironie ! – de ce moyen absolument légal qu’est désormais la minorité de blocage. Ce n’est pas d’un tel démarrage, aussi gravement exposé à la panne subite, que rêvait, pour son régime, le président Michel Sleiman. Que lui souhaitaient les Libanais assoiffés de normalité. Que lui avaient promis les États de la Ligue arabe, quand ils recommandèrent que lui fût réservée, au sein du futur gouvernement, une minorité non pas de blocage mais de juste mesure entre les extrêmes, de conciliation, d’arbitrage au coup par coup. Ce n’est pas œuvrer au rétablissement des droits des chrétiens que d’accabler de boulets, comme n’a cessé de le faire le Courant patriotique libre, la plus haute instance chrétienne du Liban. Et ce n’est pas défendre la cause de la participation, de la convivialité au sein du pouvoir, que de ne trouver sa pleine stature que dans la grippe des institutions. Vient un moment où doivent cesser les travaux de sape, où il faut entreprendre de construire. Autrement, il ne resterait plus, à la longue, grand-chose à partager. Issa GORAIEB
Un gouvernement dans les prochaines heures, nous promettait-on sérieusement hier, au bout de semaines de fiévreuses palabres et d’âpres marchandages. Quand l’enfant paraît, l’heure est évidemment à l’allégresse. Pour autant, le parcours du nouveau-né nous réserve sans doute d’autres douleurs et angoisses que celles de l’enfantement, et ce n’est pas jouer les...