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Près de 1 150 personnes ont déjà été tuées au cours des quatre premiers mois de l’année À Bombay, les « trains de la mort » circulent en surrégime

Chaque matin, l’étudiante indienne Siddhi Sarangdhar se fait une toute petite place dans un wagon bondé de son train de banlieue de Bombay. Elle prie pour ne pas périr asphyxiée. Tous les jours, une dizaine de passagers perdent la vie accidentellement sur le réseau ferroviaire tentaculaire et le plus fréquenté au monde de la mégalopole économique de l’Inde. C’est plus que le nombre de décès dans le métro de New York au cours d’une... année. « C’est un exploit de monter dans le train, vraiment difficile de s’y tenir debout et s’en extraire, alors là, c’est une autre histoire! » raconte Sarangdhar, âgée d’une vingtaine d’années. Les voies ferrées qui irriguent Bombay, capitale de la finance et du cinéma dans l’ouest du sous-continent, font circuler 6,5 millions d’usagers par jour, sur 18 millions d’habitants. Le réseau tourne en surrégime. Les voitures censées accueillir 200 personnes en transportent aisément 500 aux heures de pointe et le nombre de passagers augmente chaque année à un rythme exponentiel. Du coup, les accidents suivent la même courbe : 1 146 personnes ont déjà été tuées au cours des quatre premiers mois de l’année. La plupart des victimes meurent écrasées sur les voies ou en tombant des marchepieds et des toits sur lesquels elles sont juchées. Certes, admet le commissaire de la police ferroviaire de Bombay, B.S. Sidhu, « nous pourrions limiter le nombre de passagers dans les trains, mais les gens doivent aller travailler ». « Et quand il n’y a plus de place dans les compartiments, des usagers en colère « s’assoient sur les rails et bloquent les convois », déplore ce responsable, plaidant pour une refonte totale du système de transports publics. Deux milliards de dollars ont été alloués jusqu’en 2015, en partie sous forme de prêt de la Banque mondiale. Si les règles de sécurité sont appliquées, « le nombre de décès que l’on peut éviter devrait baisser », espère le commissaire Sidhu. « Mais les morts inévitables sont inévitables », dit-il, fataliste. Dans le jargon des cheminots, les accidents « inévitables » impliquent des passagers pulvérisés par des trains au moment où ils longent ou traversent les voies ferrées pour passer d’un quai à l’autre. Les amendes qui pleuvent et la construction de passerelles n’ont rien changé à l’indiscipline des Indiens. « Personne de sensé à Bombay ne ferait un kilomètre pour prendre une passerelle et un kilomètre de plus dans l’autre sens pour rejoindre son train d’en face », explique M. Sidhu. C’est par paresse en voulant traverser sur les rails que Samir Zaveri a perdu ses jambes à l’âge de 18 ans. Il a glissé et la locomotive lancée à pleine vitesse dans une gare de Bombay lui a sectionné les deux membres. « C’était entièrement de ma faute, pas de celle de la Société des chemins de fer », concède l’homme de 37 ans qui se déplace grâce à des prothèses. Cela ne l’a pas dissuadé d’attaquer en justice la compagnie publique pour ne pas porter secours assez vite aux milliers de blessés chaque année. En 2003, la Haute Cour régionale a ordonné aux gares de banlieue de disposer d’ambulances, en cas d’accidents. Mais beaucoup de stations ferroviaires n’en ont cure, déplore T.S. Bhal, un ancien inspecteur de la police ferroviaire fédérale. Il a monté en 2004 une association caritative offrant des véhicules de secours aux victimes de ces « trains de la mort », après avoir découvert sur un quai un blessé inconscient laissé pour mort pendant trois jours. « J’ai vu des corps en morceaux sur les voies et personne ne s’en préoccupait », témoigne l’ex-officier.
Chaque matin, l’étudiante indienne Siddhi Sarangdhar se fait une toute petite place dans un wagon bondé de son train de banlieue de Bombay. Elle prie pour ne pas périr asphyxiée.
Tous les jours, une dizaine de passagers perdent la vie accidentellement sur le réseau ferroviaire tentaculaire et le plus fréquenté au monde de la mégalopole économique de l’Inde. C’est plus...