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Actualités - CHRONOLOGIE

«?Festin et fête?», une initiative du PNUD pour instaurer une culture de la paix Rien de mieux que le taboulé pour promouvoir la convivialité au Liban

Instaurer une culture de paix après des décennies de guerre, et promouvoir la tolérance et l’acceptation de l’autre quand la haine est devenue monnaie courante dans un pays qui ne parvient pas à panser ses blessures ne sont pas une tâche facile. Et pourtant en 2007, un projet pour promouvoir la culture de la paix a été initié par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et financé par l’Agence suédoise de coopération pour le développement international (SIDA), relevant du ministère suédois des Affaires étrangères. Le projet, baptisé «?L’édification de la paix?», est échelonné sur trois ans et comprend divers dossiers et thèmes. «?Festin et fête?» («?Akl w eid?») est l’un des thèmes prévus par ce projet. En fait, quoi de mieux qu’un bon repas pour oublier les différends, quoi de mieux que le taboulé, plat traditionnel par excellence, pour que les Libanais se souviennent qu’ils peuvent être aussi différents l’un de l’autre que les tomates, le persil, les oignons, le blé concassé, le citron, l’huile d’olive, le sel et les épices, mais unis dans un même plat??… La culture de la paix passe par la cuisine. Et la cuisine libanaise – avec ses variétés et ses traditions – est l’une des plus riches au monde. Dans le cadre de «?Festin et fête?», la journée nationale du taboulé a été instaurée. Le slogan de cette journée est «?United Taboulé of Lebanon?» (Le taboulé uni du Liban). L’événement aura lieu demain, samedi, à partir de 16 heures, au garden show, dans l’espace consacré à Souk el-Tayeb, à l’hippodrome de Beyrouth. La directrice du projet, Lana Captan Ghandour, explique que des agriculteurs venus du Liban-Sud et de la banlieue vendront pour l’occasion leurs produits du terroir. «?C’est une manière de leur faire découvrir l’intérieur de l’hippodrome et le garden show. Ils feront aussi la connaissance d’autres agriculteurs présents sur place et venus d’autres régions du Liban?», dit-elle. Il existe une activité agricole dans la banlieue sud. Les agriculteurs de la zone cultivent des fraises, et des légumes sont plantés à Hay el-Sellom. Au cours de cette journée nationale du taboulé, des groupes se formeront et chaque groupe confectionnera son plat. Ensuite, c’est un jury qui décernera le prix au groupe qui aurait préparé le meilleur taboulé. Évidemment, le but de la journée n’est pas uniquement de s’amuser, de se remplir la panse et de remporter un prix?; l’objectif est l’ouverture à l’autre. De plus, «?Festin et fête?» ne se limite pas à un seul événement et n’est donc pas confiné à la journée nationale du taboulé. L’initiative «?Festin et fête?» a été lancée le 13 avril?dernier, cette date marquant le début de l’une des guerres du Liban (1975-1990). Un événement a été organisé à Zouk Mikaël autour du marzipan, confiserie traditionnelle fabriquée dans cette localité du Kesrouan. Ainsi, 35 personnes venues d’el-Mina à Tripoli ont passé la journée à Zouk Mikaël. La directrice du projet souligne que «?certains Tripolitains du groupe n’avaient jamais mis les pieds dans cette zone du pays?». Ce jour-là, un concours a également été organisé pour élire la meilleure confectionneuse de cette pâte blanche en forme de fleur à base de sucre, d’amande et d’eau de fleurs d’oranger. Un deuxième événement a suivi le 1er mai. Il s’est tenu dans la Békaa, entre le domaine de Massaya (qui produit du vin et de l’arak), le couvent de Taanayel des pères jésuites où des produits laitiers sont préparés et mis en vente, et le village écologique de l’association arcenciel. Le but de la journée était de découvrir, notamment, les vignobles, les caves de vins et les distilleries d’arak de Massaya. Mme Captan Ghandour se souvient ce jour-là d’une femme voilée qui a visité les caves de vin et la distillerie d’arak, et qui n’a pas refusé de s’asseoir autour des tables où l’on servait de l’alcool. L’islam interdit aux fidèles de prendre place à une table où les convives boivent de l’alcool. «?Cette femme, originaire du Liban-Sud, n’avait jamais mis les pieds dans la Békaa. Elle était tout simplement contente d’être là. Et elle voulait s’ouvrir aux cultures des autres régions, notamment la Békaa (connue pour ses vignobles et ses caves)?», indique la responsable du projet. C’est que la culture de la paix consiste à accepter l’autre tout en préservant ses propres croyances et traditions. Des séminaires Mme Captan Ghandour souligne qu’après la clôture des quinze événements de «?Festin et fête?», un livre de recettes de cuisine sera édité. «?C’est une manière de montrer la richesse culinaire et donc culturelle du Liban, de montrer comment la même recette se décline dans chaque région et de voir aussi les points communs?», indique-t-elle. La culture de la paix ne passe pas uniquement par la cuisine traditionnelle, mais également par d’autres dossiers. Le projet de «?l’édification de la paix?» a mis en place diverses activités échelonnées sur plusieurs mois et touchant plusieurs domaines et populations, notamment les jeunes, les ONG, les municipalités et les médias. Ainsi, un séminaire avec les associations civiles est prévu. Il regroupera 25 ONG et 50 personnes appartenant à toutes les communautés du pays qui seront formées à la gestion des conflits. Les activités de cette formation ont pour but d’encourager le dialogue multiconfessionnel. Un autre séminaire est destiné aux médias audiovisuels et à la presse. Il s’adresse aux journalistes couvrant les conflits ainsi qu’aux éditeurs. Il a pour but d’encourager les journalistes à être «?consciencieux?» quand ils traitent les conflits et à promouvoir la culture de la paix. Une formation sera destinée aux municipalités, notamment celles de villages mixtes. Elle a pour but d’aider les collectivités locales à gérer les problèmes d’ordre confessionnel entre les habitants. En général, les municipalités n’interviennent pas dans ce domaine. Revisiter l’histoire Les jeunes à l’université et à l’école constituent également une cible importante pour le projet du PNUD. C’est que l’avenir du pays, sa paix et ses futures guerres dépendent principalement d’eux. Un plan visant à revisiter l’histoire du Liban est prévu. Au Liban, les écoles n’enseignent pas la même histoire, la version des faits dépendant de la communauté et de la région de chacun. Une formation pour les enseignants est également prévue. Le projet compte mettre en place deux innovations. Ainsi, une étude ayant pour thème «?Que signifie le fait d’être libanais???» sera exécutée. Ce sondage posera des questions sur l’identité libanaise, par exemple?: «?Un Libanais se sent-il arabe, phénicien ou Libanais???» et mettra la lumière sur la manière avec laquelle le Liban se perçoit. Un autre projet consiste à mettre en place un observatoire qui se chargera de surveiller la situation et de prévoir – et éviter – à court, moyen et long terme les conflits. Cet observatoire commence par la situation sur le terrain. Par exemple, une rixe qui se répète au même endroit peut se transformer plus tard en heurts qui peuvent toucher d’autres régions… Des indicateurs seront mis en place, des données analysées et des recommandations seront adoptées pour éviter de nouveaux conflits…Des décisions politiques pour éviter l’escalade pourraient être prises… Le projet de «?L’édification de la paix?» est échelonné sur trois ans. Sa directrice espère que d’ici là, il réussira à mobiliser les associations civiles et les collectivités locales pour qu’elles prennent la relève. Ce genre de projet a été mis en place par des organisations internationales dans plusieurs pays ayant vécu des guerres civiles, comme le Rwanda et la Serbie. En attendant, «?Festin et fête?» fait la tournée des régions libanaises pour mettre l’accent sur les saveurs culinaires du Liban. Une cuisine – comme un peuple – riche par sa diversité. Et à table, pour le taboulé?! Patricia KHODER
Instaurer une culture de paix après des décennies de guerre, et promouvoir la tolérance et l’acceptation de l’autre quand la haine est devenue monnaie courante dans un pays qui ne parvient pas à panser ses blessures ne sont pas une tâche facile. Et pourtant en 2007, un projet pour promouvoir la culture de la paix a été initié par le Programme des Nations unies pour le...