Un peu paradoxalement, les contacts entrepris par le président Siniora pour dénouer les difficultés en apportent parfois de nouvelles. Par exemple, lorsqu’il informe une partie des desiderata détaillés d’une autre, il lui arrive de...
Actualités - OPINION
Le mercato ministériel pivote autour des prochaines législatives Philippe ABI-AKL
Par ABI AKL Philippe, le 04 juin 2008 à 00h00
Devise british à l’honneur du côté du Sérail : se hâter lentement. Car la précipitation est mère de faux pas. En 2005, il avait fallu trois semaines pour parachever le montage ministériel. Même si cette fois, sur l’élan de Doha, les mécanismes semblent mieux huilés, il est nécessaire de rester prudent, de bien clarifier les arrangements en cours, de lever hypothèques et équivoques. D’autant que l’on en est à une période de début de régime. Un régime qui a besoin d’asseoir l’autorité de l’État, à l’ombre d’une donne politique modifiée par sa présence même.
Un peu paradoxalement, les contacts entrepris par le président Siniora pour dénouer les difficultés en apportent parfois de nouvelles. Par exemple, lorsqu’il informe une partie des desiderata détaillés d’une autre, il lui arrive de la voir durcir elle-même ses exigences. Mais c’est ainsi que se joue toute négociation, tout marché. Le Premier ministre désigné, connu pour sa patience, s’en accommode volontiers. Il traite les dossiers, avec l’aide d’une équipe d’assistants bien fournie, loin des feux de la rampe, pour ne pas compliquer l’opération par un déballage médiatique générateur d’intox. L’essentiel est pour lui, répétons-le, de faire de la belle ouvrage, bien peaufinée. De ne pas laisser dans le terrain politique des bombes à retardement. Car, comme on dit, le diable est tapi dans les détails et il ne faut en négliger aucun, tout en sachant que l’excès en tout est un défaut : si l’on tarde trop, le nœud des revendications cumulées deviendrait pratiquement inextricable. Ce qui revient à redire que l’on doit y aller doucement, mais d’un bon pas.
Préférences
Où en est-on, en pratique ? On pourrait penser qu’après une telle tourmente, après un tel choc entre deux projets de fond opposés, les protagonistes se disputeraient le plus âprement les portefeuilles politiques principaux, dits de souveraineté. Mais non, ce qui s’arrache le plus au mercato, ce sont les relativement modestes ministères dits de services. Pour la prosaïque raison que, comme leur label l’indique, ils permettent de rendre des services aux gens. Atout presque primordial à l’approche de la consultation populaire législative de l’an 2009.
Sur le plan global, force est de constater que la réconciliation devra attendre ce dialogue national dont la nécessité se confirme à travers la poursuite d’une polémique larvée générale.
En effet, on entend les loyalistes soutenir que le seul vrai problème c’est qu’en face on se déchire. On en demande trop, mais chacun pour soi. Selon les majoritaires, les composantes du 8 Mars authentique admettent mal les prétentions du simple rallié qu’est le CPL.
On sait en effet que sur les onze sièges réservés à l’ensemble de l’opposition, formée d’au moins douze groupes, le général Aoun en réclame cinq. Sans hésiter à entrer dans un conflit d’intérêts avec le mouvement Amal auquel il veut arracher les Affaires étrangères et la Santé. En précisant qu’il appartient au Premier ministre désigné de trancher ce litige. En d’autres termes, relèvent les loyalistes amusés, il sollicite l’arbitrage d’un homme qu’il entend, selon sa proclamation d’opposition interne ultérieure, combattre fermement au sein du cabinet.
Inversion
Parallèlement, les opposants refusent tout strapontin sans portefeuille et exigent que les huit ministres d’État prévus sortent tous des rangs de la majorité. Ce qui signifierait, en termes de rapports de force comparés, que la minorité disposerait de onze instruments ministériels fonctionnant à plein régime contre huit à la majorité. On ne peut mieux imaginer pour inverser les rôles.
Ni pour compliquer la distribution des cartes, déjà bien ardue. En effet, observent les loyalistes, en respectant les proportions de base, par un 5-3 au niveau des ministres d’État, il deviendrait plus facile de répartir les portefeuilles entre majorité et minorité, ainsi qu’entre communautés, équitablement, d’une manière consolidant les équilibres nationaux, comme le président Sleiman l’a expressément recommandé au président Siniora.
Dans les formes, la tendance est au sang neuf, à la mise à l’écart des figures ayant déjà beaucoup servi, ainsi qu’au renforcement du concept d’union nationale par la présence de pôles du premier rang, de préférence en tant que ministres d’État.
Ces derniers représenteraient ensuite ensemble le gouvernement, autant que les partis auxquels ils appartiennent respectivement, dans le cadre du dialogue national en gestation. Un dialogue qui s’engagerait sous la houlette du chef de l’État, dans le cadre des institutions publiques, Chambre ou cabinet, et non en dehors comme précédemment.
Mais les opposants se montrent réticents à l’idée d’un cabinet des chefs. Ils n’ont pas envie, avouent-ils, de voir Geagea au gouvernement. Ils le jugent trop radical et pensent que sa présence serait un défi et une provocation.
Ce serait une des raisons pour lesquelles Sleimane Frangié refuse un portefeuille, en conseillant à ses partenaires opposants du premier rang, dont Aoun, de suivre son exemple. Une autre raison serait que Frangié ne veut pas être ministre sans être député, mais bien préparer sa revanche des prochaines législatives.
Autre personnalité naturellement sensible au cas Geagea : le président Karamé, qui propose de laisser sa place à son fils. Ce qui provoque des remous au sein de la Rencontre nationale qu’il anime, Oussama Saad et Abdel Rahim Mrad voulant tous deux le portefeuille sunnite prévu pour ce groupe.
Adresse
Plus désintéressé, ou plus habile, le Hezbollah tient le langage suivant : « Nous ne tenons à aucun monopole. Nous sommes prêts à laisser des portefeuilles chiites à d’autres qu’à nous et à Amal. » Mais, et c’est la fin de mot de l’histoire, à condition que le Courant du futur ne fasse pas main basse sur la part sunnite. Et que le Hezb puisse compter parmi ses représentants un sunnite et même un druze !
Du côté des aounistes, certains cadres pensent que leur participation au gouvernement reviendrait à les brûler populairement, à l’approche des législatives. Ils indiquent qu’il ne sert à rien de courir après les ministères dits de services, puisque leurs caisses sont vides. Et ajoutent que le général Aoun lui-même devrait se récuser, pour ne pas gâcher ses chances aux élections. Un avis que d’autres aounistes récusent, en affirmant que le moment est venu de montrer qui représente et défend le mieux les chrétiens, par l’action gouvernementale, pour engranger des atouts en vue des législatives.
Devise british à l’honneur du côté du Sérail : se hâter lentement. Car la précipitation est mère de faux pas. En 2005, il avait fallu trois semaines pour parachever le montage ministériel. Même si cette fois, sur l’élan de Doha, les mécanismes semblent mieux huilés, il est nécessaire de rester prudent, de bien clarifier les arrangements en cours, de lever hypothèques et équivoques. D’autant que l’on en est à une période de début de régime. Un régime qui a besoin d’asseoir l’autorité de l’État, à l’ombre d’une donne politique modifiée par sa présence même.
Un peu paradoxalement, les contacts entrepris par le président Siniora pour dénouer les difficultés en apportent parfois de nouvelles. Par exemple, lorsqu’il informe une partie des desiderata détaillés d’une autre, il lui arrive de...
Un peu paradoxalement, les contacts entrepris par le président Siniora pour dénouer les difficultés en apportent parfois de nouvelles. Par exemple, lorsqu’il informe une partie des desiderata détaillés d’une autre, il lui arrive de...