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Actualités - CHRONOLOGIE

EXPOSITION Les « Nighthawks » de Grégory Buchakjian et leurs proies

« Nighthawks » est le titre choisi par Grégory Buchakjian pour son exposition de photos qui se déroule, jusqu’au 20 juin, à l’atelier Comme des garçons Guérilla Store*, Achrafieh. Les « Nighthawks » ne sont pas de simples oiseaux de nuit. Certes, ils appartiennent à l’espèce des volatiles ; certes, ils sont fiers de leur plumage, mais qu’on se le dise tout net : les faucons sont loin d’être de blanches colombes. Ils foncent droit sur leur proie et possèdent une vue perçante. Alors, Kesaco ? « Nighthawks est le nom d’un tableau très célèbre d’Edward Hopper peint en 1942, précise le photographe. Dans une ambiance “gloomy”, il représente la solitude, thème souvent évoqué dans les tableaux de réalisme américain. » Buchakjian s’est inspiré de cette œuvre pour en titrer son exposition « parce qu’elle parle aussi de la nuit », dit-il. « C’est Beyrouth, c’est mon Beyrouth, poursuit-il. Toutes les photos exposées ici ont été prises durant des soirées auxquelles j’ai pris part, de mai 2007 à mai 2008 ». Il insiste que ces « partys » se déroulaient spécifiquement « à Beyrouth intra-muros, de Tayyouné jusqu’à Ain el-Mreissé ». « Nighthawks » c’est un peu sa façon à lui de poser un regard sur la ville et de la montrer non pas en mode « extérieur jour », mais plutôt dans sa phase « intérieur nuit ». « C’est le monde de la nuit tel que je le vis », dit-il avec simplicité. C’est son Beyrouth ? « Parler d’une ville est aujourd’hui très problématique, lance l’historien de l’art. Depuis dix ans, la ville est un sujet très à la mode. Partout dans le monde, des colloques, des livres, des expositions, des émissions prennent pour sujet la ville. Et quand on parle de Beyrouth, c’est toujours la même rengaine qui revient : la mémoire, la guerre, la reconstruction, la rupture, les pratiques… Je sentais que j’avais besoin d’aborder la ville autrement. “Khalas” les grands discours. » Buchakjian (Baron pour les intimes et les internautes qui lisent ses chroniques de voyage sur baronbaron.com) propose donc un regard différent sur la ville, son regard à lui. « Pourquoi aller chercher dans des endroits où je ne vais jamais ? C’est un aspect de la vie dans la ville. Une autre manière de représenter la vie nocturne de Beyrouth que celle que nous voyons dans les magazines ou dans Facebook, où l’on pose devant la caméra. » C’est justement là où réside la grande différence entre les œuvres exposées et celles que l’on a l’habitude de voir lorsqu’il s’agit du Beirut by night. Les personnes prises en photo n’ont pas fait la pose. Elles étaient à peine conscientes qu’un ami (et non pas un intrus) se promenait avec sa petite caméra pour immortaliser et célébrer ces moments fugaces. Des photos faites par plaisir, pour honorer le beau. Les lieux investis par ces faucons de nuit : une soirée privée à Ajram (la plage des femmes à Ain el-Mreissé), une autre dans un local industriel près de La Quarantaine, un jardin dans une maison privée, un appartement désert, une boutique de vêtements… Le résultat relève du flou artistique. Les silhouettes se dessinent parfois à contre-lumière. Les lumières sont violacées, orangées ou carrément rougeoyantes. Un couple enlacé, un autre qui danse, une fille assise par terre, deux jumelles qui paradent en robe multicolore, des jupes volantes à froufrous… La nuit de Beyrouth, pas vraiment underground, mais plutôt alternative. Mais qui est Grégory Buchakjian ? Après des études primaires et complémentaires au Collège protestant français de Beyrouth, il a suivi le cycle secondaire au Collège Louise Wegmann, alors à Broummana. Il a été invité avec Wassim Chemaytelli et Nabil Sargologo en 1987 au Legacy International Youth Program, à Bedford (Virginie), un camp de jeunes à vocation pacifiste. Ils y réalisent et présentent un diaporama sur la guerre au Liban. Formation à l’Université Paris IV Sorbonne. En 1993, il présente une maîtrise consacrée à la Représentation des horloges et montres dans l’art de la Renaissance. 1995 : DEA, mémoire : « La peinture italienne au Liban ». Pendant ces années, il obtient aussi un certificat de gemmologie à l’Institut national de gemmologie. Il a aussi hanté le Cabinet des dessins du Louvre avec la complicité de Jean-François Méjanes, conservateur en chef, épluchant les collections des écoles italiennes (lombardes et napolitaines). Il enseigne à l’Académie libanaise des beaux-arts (ALBA) depuis 1995 et à l’Université Saint-Joseph (USJ) depuis 2004. En 1997, il participe à la manifestation l’« ALBA marque l’Espace du CCF » et fonde, avec Pierre Hage Boutros et Rana Haddad, l’Atelier de recherche ALBA. Cette structure transdisciplinaire, qui s’intéresse aux problèmes de la cité, a réalisé un certain nombre d’interventions publiques. Il a également conçu et produit un diaporama commandé par la Maison européenne de la photographie pour le Mois de la photo au Liban (1998). Il a participé à des activités (jurys, présentations, etc.) dans différentes institutions (American University of Beirut, Lebanese American University, University of Balamand, Université Saint-Esprit de Kaslik, Université libanaise). La série Nighthawks est un tableau du peintre américain Edward Hopper montrant des personnes assises dans un « diner » (restaurant typique américain) de centre-ville, tard dans la nuit. C’est non seulement le plus célèbre tableau de Hopper, mais également l’un des plus marquants de l’art américain. Il fait actuellement partie de la collection de l’Art Institute of Chicago. La scène est inspirée d’un « diner » (détruit depuis) situé à Greenwich Village, quartier où habitait Hopper à Manhattan. La rue est vide et, à l’intérieur du « diner », aucun des personnages n’a l’air de regarder ou de parler à autrui ; tous semblent perdus dans leurs propres pensées. Deux d’entre eux forment un couple, tandis que le troisième est assis seul, ne montrant que son dos au spectateur. L’unique serveur du « diner » regarde à travers la fenêtre, sans regarder les clients. Ce portrait de la vie urbaine, parfois empreinte de vide et de solitude, est un thème récurrent dans l’œuvre de l’artiste. En regardant le tableau plus attentivement, on remarque que l’on ne voit pas de porte permettant de sortir du « diner », ce qui illustre l’idée de confinement et de piège. Hopper a nié avoir eu l’intention d’exprimer cela dans Nighthawks, mais a admis que « inconsciemment, probablement, j’ai peint la solitude d’une grande ville ». Selon Françoise Barbe Gall, dans son ouvrage Comment regarder un tableau, l’œuvre aurait été inspirée à Hopper par une nouvelle de Hemingway publiée en 1927, intitulée The Killers, dans laquelle deux tueurs attendent en vain leur victime dans un bar. Nighthawks a inspiré de nombreux hommages et parodies, dont un poster largement diffusé, dans lequel les trois personnes accoudées au bar sont remplacées par les icônes de la culture pop américaine que sont Elvis Presley, Marilyn Monroe et James Dean. Le tableau a été aussi utilisé dans plusieurs bandes dessinées, dont Pearls Before Swine, et également dans plusieurs épisodes des Simpsons, ainsi que dans l’épisode Oiseaux de nuits de Dead Like Me, justement intitulé Nighthawks dans sa version originale. Il est également à l’origine du titre du troisième album de Tom Waits, Nighthawks at the Diner. Enfin, il a inspiré une scène du film The End of Violence de Wim Wenders. Philippe Besson a, quant à lui, utilisé cette image comme point de départ de son livre : L’arrière saison (Julliard, Paris, 2002) Maya GHANDOUR HERT * 97, rue Abdel Hadi, quartier Furn el-Hayeck, Achrafieh. De 11h00 à 19h00.
« Nighthawks » est le titre choisi par Grégory Buchakjian pour son exposition de photos qui se déroule, jusqu’au 20 juin, à l’atelier Comme des garçons Guérilla Store*, Achrafieh.
Les « Nighthawks » ne sont pas de simples oiseaux de nuit. Certes, ils appartiennent à l’espèce des volatiles ; certes, ils sont fiers de leur plumage, mais qu’on se le dise tout...