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LIVRE « L’oasis du couchant » de Baha’a Taher, lauréat du premier prix Booker 2008 du monde arabe Un roman qui sort du rang…

Peu de romanciers arabes peuvent se targuer de sortir du rang grâce à la parution de leur plus récent roman, même si cela relève d’un talent hors du commun ou des sujets les plus sulfureux bravant les plus draconiennes des censures… Le marketing du livre arabe n’obéit guère aux diktats des succès fulgurants pas plus qu’aux engouements exceptionnels. Mais aujourd’hui, dans une ère d’économie moderne, les choses évoluent et changent. Grâce à un singulier sésame ouvrant toutes grandes les portes à une notoriété inattendue ainsi qu’à un insoupçonnable lectorat du monde arabe, le livre arabe est promu à plus de certitude avec un avenir certainement meilleur... L’attendent, par conséquent, des lendemains lumineux et chantants… On l’aura compris, pour tous ceux qui fréquentent l’étroit et paradoxal cercle littéraire, allant de certaines rives de la Méditerranée aux bords de la mer Rouge, en passant par les sables du désert, il s’agit du prestigieux prix Booker 2008 du monde arabe, d’une valeur de 50 000 dollars, fraîchement instauré en collaboration avec le monde culturel britannique et des pays du Golfe. L’heureux premier lauréat de ce prix sortant des sentiers battus est Baha’a Taher pour son dernier roman, Wahat al-Ghouroub (L’oasis du couchant). Belle et louable initiative pour la révélation et la promotion de la culture, de la richesse et de la beauté de la langue arabe ainsi que du pouvoir et don de création et d’écriture des auteurs arabes, bien injustement méconnus à côté de leurs pairs européens ou latino-américains. Dans le peloton qui groupait les six finalistes de la compétition (dont deux Libanais, May Menassa et Jabbour Doueihy) pour le prix Booker 2008, le romancier égyptien Baha’a Taher, qui a eu tous les égards d’un écrivain arrivé en recevant ce prix il y a presqu’un mois à Abou Dhabi, était loin d’être un homme de lettres de l’ombre… Heureux élu dont la voix et l’écriture sont déjà familières à des centaines de milliers de lecteurs du monde arabe pourtant peu portés au compagnonnage du livre... Un auteur déjà confirmé… Un univers romanesque fourni devance le nom de Baha’a Taher dont certains livres ont été déjà traduits dans plusieurs langues, dont le français. Une dizaine d’ouvrages, véritable panorama de la société égyptienne et arabe, entre nouvelles, romans et opus non fictionnels, jalonnent l’œuvre d’un auteur voué à la cause de la plume. Une notoriété nouvelle auréole cet écrivain qui vient aujourd’hui se placer dans le sillage des grands romanciers et penseurs égyptiens tels Néguib Mahfouz (prix Nobel), Youssef Idriss, Tewfik el-Hakim, Taha Hussein (qui lui a donné le goût de l’histoire !), Leila Abouzeid, Alaa al-Aswani, Mahmoud al-Werdani… Homme de caractère effacé, n’aimant ni les honneurs ni les mondanités, Baha’a Taher est né au Caire en 1935. Infatigable travailleur, il a longtemps été un membre actif de la Radio égyptienne où ses émissions enregistraient un taux d’audimat élevé. Puis exil volontaire à Genève où il œuvre en tant que traducteur aux Nations unies, suite à son rejet du régime de Sadate.Tout en manifestant son opposition à la politique américaine dans la région, Baha’a Taher n’en est pas moins un adepte d’un certain panarabisme avec toutefois beaucoup de réserve quant à l’efficacité de ses « leaders »… Un monde, certes, de fiction que celui de Baha’a Taher, mais puisé au cœur même du monde égyptien réel, avec ses conflits, ses contradictions, ses tentatives de liberté et de libération, ses aspirations, sa poussière, ses parfums, ses couleurs, sa lumière. Un monde où mal-être rime avec le rêve d’une vie meilleure… Sa carrière débute aux alentours de 1964, avec les nouvelles  Al-Khoutba (Les fiançailles) retraçant la vie de ses concitoyens entre misères au quotidien et grandeur du sentiment amoureux… Peu à peu sa plume, incisive et non dénuée d’un regard chargé d’émotion, scanne la réalité plus en profondeur et glisse vers le roman de facture balzacienne et classique, à l’orientale. Parmi ses grands succès on cite volontiers : Kalat Doha (Doha a dit – 1985), Khalti Safiya wal Deir (Ma tante Safiya et le couvent – 1991) – prix Guiseppe Acerbi –, Al-Hob fil Manfa (L’amour en exil – 1995), Zahabtou ila Challal (Je suis allé vers une chute – 1999)... Et récemment, en 2007, Wahat al-Ghouroub (L’oasis du couchant) qui lui vaut un prix international . Entré passé et modernité… Arrêt sur ce roman qui fit beaucoup de bruit lors de la plus récente exposition du livre à Londres où Baha’a Taher, invité de marque et vedette du moment, fut sollicité pour des tables rondes, des cafés littéraires et des interviews. Roman touffu que cette Oasis du couchant, écrit à la première personne, avec l’emploi du « je » pour se rapprocher du lecteur et du texte narrant une fiction habitée par la réalité… L’écrivain explique le sous-bois de ce roman oscillant entre attachement au passé et volonté de modernisme : « Le “ je ” revient dans presque tous mes écrits comme un dénominateur commun et un fil conducteur facilitant ma démarche de narrateur. Les événements de L’oasis du couchant se passent au XIXe siècle durant l’occupation britannique et des investissements occidentaux en Égypte, la naissance du nationalisme égyptien et le réveil de la culture arabe. À cette époque, je n’étais pas encore né… J’ai campé dans cette histoire tortueuse, liant le passé au présent, le personnage de Mahmoud, un fonctionnaire du khédive. Un fonctionnaire obligé, malgré ses principes nationalistes à quitter pour Siwa, cette oasis lointaine dans une dépression du désert libyen, pour ramasser, par la force des armes, l’impôt que les belligérants refusent de payer à l’occupant anglais. Et ainsi Siwa devient, par le pouvoir de l’imaginaire, de l’écriture et de la fiction, le point de rencontre entre l’histoire antique et ses croyances, et l’Égypte qui se réveille à la modernité. Tout en donnant sa part à la fiction, ce roman, afin de rendre la fiction vraisemblable, a nécessité des recherches historiques du temps d’Alexandre le Grand. Car cet impavide conquérant est venu à Siwa, paradis de dattiers, d’oliviers et de sources, pour entendre l’oracle du grand temple d’Amon. Les habitants de cette oasis n’ont pas traversé le temps, confinés dans leurs légendes et leurs croyances ancestrales, hostiles à tout étranger qui foule leur terre et les monuments qui cachent des trésors enfouis… Déchiré entre l’occupation de son pays, d’une part, et la difficulté à communiquer avec une société engoncée et figée dans le passé, d’autre part, Mahmoud se voit au bord d’un conflit existentiel sans issue. Muni d’une charge de dynamite, il met fin à sa vie dans les ruines d’Amon, sapant en même temps les lieux de culte des habitants de Siwa… C’est sans nul doute un roman qui atteste de mon goût pour l’histoire ancienne (une touche d’archéologue qui décrypte les pierres), de ma passion de raconter des histoires (toujours palpitantes et à énigmes) et surtout de mon plus profond attachement à la langue arabe… » Edgar DAVIDIAN
Peu de romanciers arabes peuvent se targuer de sortir du rang grâce à la parution de leur plus récent roman, même si cela relève d’un talent hors du commun ou des sujets les plus sulfureux bravant les plus draconiennes des censures… Le marketing du livre arabe n’obéit guère aux diktats des succès fulgurants pas plus qu’aux engouements exceptionnels. Mais aujourd’hui,...