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Actualités - OPINION

Une voix arménienne… Carla KOUKJIAN

Je ne m’étais jamais interessée à la politique avant cette journée mémorable du 14 Mars où, mêlée à une foule bigarrée, bienveillante et surtout émouvante, mon sentiment d’appartenance et mon patriotisme se sont réveillés. D’assassinat en assassinat et de déclarations incendiaires en torrents d’injures dégradantes, je me suis naturellement identifiée et rangée du côté du 14 Mars qui était non seulement la légalité, mais aussi la seule cible de lâches attentats. Par contre, pour la première fois et pour une raison parfaitement légitime (concernant leur représentation parlementaire), les Arméniens en grande majorité s’étaient ralliés à l’opposition. Cette situation de brebis galeuse ne me pesait pas. Bien au contraire, je me suis attelée à défendre ma cause, misant sur le fait que, par le biais d’un dialogue franc et d’une négociation, cette injuste répartition parlementaire serait certainement rectifiée, tablant sur les qualités des piliers du 14 Mars, sur leur ouverture, sur leur « main tendue » au dialogue et surtout sur leur sens de l’équité et de l’éthique. C’est ainsi qu’à la veille des élections du Metn, j’ai consacré des journées entières à tenter de convaincre tous les Arméniens de mon entourage non pas de voter pour Amine Gemayel, mais au moins de s’abstenir de voter ; les adjurant de ne pas briser leur neutralité légendaire et de rester en dehors d’une bataille électorale strictement maronite pour le siège d’une victime (encore une) d’un assassinat révoltant. Je vous laisse imaginer dans quelle situation je me suis trouvée le soir de la proclamation des résultats, et combien je me suis sentie trahie et dénigrée par les propos de « mes amis » qui tantôt voulaient « jeter les Arméniens à la mer », tantôt nous traitaient de « tricheurs impénitents ». Toutes les excuses qui ont suivi et auxquelles je me suis accrochée, imputant ces dérapages au feu de l’action et à la déception, ne m’ont bien évidemment pas épargné les sarcasmes des Arméniens que j’avais approchés. Mais accro du 14 Mars, je suis restée. Doha-Qatar, 20 mai 2008. Enfin une lueur d’espoir pour notre pauvre pays, une possibilité de sortir du marasme et de l’horrible fléau d’une guerre atroce, injuste et inutile. À la clé, une réallocation des sièges parlementaires de Beyrouth. Voilà le moment tant attendu par tous les Libanais se considérant lésés ; et pour les Arméniens, voilà l’occasion de réparer une vieille injustice. Et voilà qu’un sombre conseiller du Premier ministre, surgi de nulle part, nous balance des propos ineptes, méchants, incohérents, dénués de tout fondement, voire racistes. Et rebelote ! Il faut tourner la langue sept fois dans la bouche avant de parler, Monsieur le Conseiller, ce n’est pas pour rien que cette phrase est célèbre ! Vos propos, même si vous les pensez, n’auraient jamais dû être verbalisés ; non pas parce qu’ils sont contraires au tact dont vous êtes visiblement totalement dénué, mais au moins pour sauver les apparences, par diplomatie, pour épargner aux Arméniens des outrages supplémentaires et pour laisser une chance de les ramener vers vous à l’avenir. Évidemment, l’inévitable concert d’excuses plates et creuses a immédiatement suivi... Je ne m’attarderai pas à essayer de prouver une évidence, celle des qualités indéniables des Libanais d’origine arménienne. Ce serait une perte de temps. Je me contente seulement de dire que je suis très heureuse que le cauchemar des Libanais, notre cauchemar à tous, touche à sa fin ; que je me faisais une joie de célébrer le dénouement de Doha à coups de champagne mais que, je n’y peux rien, mon bonheur a un drôle de goût... amer. Article paru le vendredi 30 mai 2008
Je ne m’étais jamais interessée à la politique avant cette journée mémorable du 14 Mars où, mêlée à une foule bigarrée, bienveillante et surtout émouvante, mon sentiment d’appartenance et mon patriotisme se sont réveillés.
D’assassinat en assassinat et de déclarations incendiaires en torrents d’injures dégradantes, je me suis naturellement identifiée et...