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LU POUR VOUS - « Tours et détours de la vilaine fille » de Mario Vargas Llosa De Lima à Paris, Londres, Tokyo et Madrid, l’itinéraire d’un amour fou...

Dès leur première rencontre à l’adolescence, au milieu des années cinquante à Miraflores, quartier huppé de Lima au Pérou, cette vilaine fille, cette « petite Chilienne », une graine d’aventurière, va fasciner Ricardo, « le bon garçon ». Il n’aura dès lors qu’un seul désir : qu’elle lui dise oui, qu’ils se marient et aillent vivre à Paris. Lorsqu’elle disparaît une première fois de sa vie, il tente de s’en faire une raison et s’accroche à la seconde partie de son rêve de bonheur : la vie en France. Mais le destin réserve bien des surprises. Et, de tours en détours, cette passion fatale va se retrouver, au fil des époques et des villes, inexorablement sur son chemin. Ces Tours et détours de la vilaine fille * (titre du roman qui vient de paraître en traduction française dans la collection Folio de Gallimard, 417 pages), nés sous la plume du célèbre écrivain péruvien Mario Vargas Llosa, forment un magnifique roman d’amour. Mais ce qui rend sa lecture si attrayante est qu’il ne se borne pas qu’à cela. Certes ce récit d’une passion inextinguible et obsessionnelle est prenant et tient la curiosité en éveil tout au long de ses quatre cents et quelques pages. Mais ce qui participe aussi du bonheur de sa lecture est qu’il entraîne le lecteur dans un survol, d’un continent à l’autre, des turbulences et méandres sociaux et idéologiques des années soixante à la fin du XXe siècle. Car cet amour aux rebondissements multiples, qui débute de manière fulgurante au Pérou, va se poursuivre dans le Paris des existentialistes et des conspirateurs révolutionnaires latinos, puis dans le « swinging London » des années soixante-dix, mais aussi à Tokyo, Madrid et ailleurs... L’éternelle enfance du sentiment À soixante-dix ans, Mario Vargas Llosa signe-là son grand roman d’amour. Il y a plusieurs années déjà, cet auteur prolifique, dont les livres s’attachent généralement à dépeindre le destin de l’Amérique latine aux rêves écrasés par la dictature et la corruption, avait raconté dans un roman, Tante Julia et le Scribouillard, sa passion de jeunesse pour sa cousine. Cette fois, c’est une histoire fictive, moderne, qu’il nous livre. Une histoire de passion, de séparation, d’érotisme et de retrouvailles qu’il met en scène avec dextérité, empruntant, ça et là, certains éléments tirés de son vécu (la vie à Paris et Londres) et de l’histoire contemporaine dans ses grandes lignes. Et cet écrin réaliste sied parfaitement à ce personnage de vilaine fille, de « ninña mala » issue de son imaginaire. Une implacable femme fatale pour laquelle le narrateur aura toujours un regard de jeune garçon ébloui. C’est avec brio que Mario Vargas Llosa arrive à distiller cette tendresse infinie, cette éternelle enfance du sentiment, au moyen de sa plume alerte et d’une clarté impeccable. Sauf que même dans un roman sur la naïveté du regard amoureux, l’auteur de Conversation à la cathédrale, de La Fête au bouc ainsi que d’une vingtaine d’essais lucides et polémiques reste avant tout un dénonciateur des injustices sociales et une plume révélatrice de la condition humaine. Si souvent similaire sous toutes les latitudes. Jugez-en plutôt par cet extrait : « Je me disais qu’il y avait dans ce pays où j’étais né (...) beaucoup d’hommes et de femmes fondamentalement honnêtes et qui (...), au long de toute une vie, avaient rêvé d’un progrès économique, social, culturel et politique et qui se retrouvaient frustrés encore et toujours (...) en se demandant pourquoi, au lieu d’avancer, nous reculions et allions de mal en pis – avec plus de contrastes, d’inégalités, de violences et d’insécurité. » D’ailleurs, lors d’une conférence donnée il y a deux ans à Beyrouth (où il était venu à l’invitation de l’institut Cervantès et de l’ambassade du Pérou), Mario Vargas Llosa avait défini sa conception de la littérature : « Outre le plaisir, le divertissement et le dépaysement qu’elle offre, elle contribue à nous améliorer, à nous ouvrir à la vie, à nous sensibiliser aux problèmes du monde... Sans littérature, le monde serait pire et la vie encore pire que ce qu’elle est. » Zéna ZALZAL * Disponible à la librairie al-Bourj.
Dès leur première rencontre à l’adolescence, au milieu des années cinquante à Miraflores, quartier huppé de Lima au Pérou, cette vilaine fille, cette « petite Chilienne », une graine d’aventurière, va fasciner Ricardo, « le bon garçon ». Il n’aura dès lors qu’un seul désir : qu’elle lui dise oui, qu’ils se marient et aillent vivre à Paris....