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Actualités - OPINION

COMMENTAIRE Sauvons une deuxième fois l’Ukraine !

par Elmar BROK, Jas GAWRONSKI et Charles TANNOCK* En politique, rien n’est plus déprimant que de voir un leader politique qui se cramponne désespérément au pouvoir et entraîne son pays à la perte. Par son comportement récent, le président ukrainien Victor Iouchtchenko rejoint la longue cohorte des dirigeants qui ont sacrifié l’avenir de leur pays simplement pour prolonger une fin de règne qui dérape. Les récentes mesures qu’il a prises tant dans le domaine politique qu’économique montrent qu’il est prêt à tout pour sa survie politique. Alors qu’il était un partisan résolu de l’économie de marché et qu’il a évité l’hyperinflation qui menaçait l’Ukraine dans les années 1990, il a usé il y a quelques semaines de son droit de veto pour s’opposer avec des justifications contestables ou sans justification aucune à une série de privatisations d’importance cruciale. Ainsi, il a empêché la vente de compagnies régionales dans le secteur de l’énergie au prétexte que leur privatisation menacerait la « sécurité nationale » de l’Ukraine, alors que c’est leur gestion désastreuse par l’État, marquée par la corruption et l’incompétence, qui menace la sécurité de l’Ukraine avec le risque d’une rupture de l’approvisionnement. Iouchtchenko paraît surtout motivé par le désir de nuire à son Premier ministre, Ioulia Timochenko, qu’il considère comme le plus grand obstacle à sa réélection en 2010. Pour saper encore davantage son cabinet, la Banque centrale d’Ukraine dirigée par un affidé du président mène une politique hautement inflationniste. Volodimir Stelmakh, le gouverneur de la Banque, aurait même averti Timochenko que sa politique détruirait son gouvernement avant que l’économie ne soit à genoux. En politique, Iouchtchenko joue aussi avec le feu, car il a perdu le soutien de la majorité de Notre Ukraine, le parti qu’il a créé. Depuis sa victoire en 2004, sa popularité a dégringolé à 8 % et son parti est devenu un élément secondaire de la coalition gouvernementale de Timochenko. Au lieu d’essayer de regagner sa popularité en poursuivant les réformes et les privatisations qu’il avait promises pendant la révolution Orange, en compagnie des quelques membres de Notre Ukraine qu’il contrôle encore, Iouchtchenko se prépare à forger une alliance avec le Parti des régions qui s’était opposé à la démocratisation et à l’ouverture de l’Ukraine. Pour sceller cet accord, ce parti pourrait se défaire de son dirigeant actuel, Victor Yanoukovich, qui n’a aucune chance d’être élu à la présidence au profit de Iouchtchenko. Iouchtchenko ne peut s’en prendre qu’a lui-même pour ses difficultés. Il ne s’est jamais remis de sa décision de choisir un quasi-inconnu, Yanoukovich, pour le poste de Premier ministre en 2006. C’est seulement quand ce dernier a cherché à utiliser le Parlement pour l’affaiblir qu’il a réagi en renvoyant son gouvernement et en appelant à une élection anticipée qui a eu lieu l’année dernière. C’est Timochenko qui a remporté cette élection, ce qui lui permet maintenant d’arriver en tête dans les sondages pour l’élection présidentielle. Iouchtchenko aurait pu laisser un autre héritage qu’une économie et un système politique fonctionnant au ralenti. Arrivé au pouvoir en 2005 porté par une énorme vague de soutien populaire, son début a été couronné de succès. La croissance était au rendez-vous et avec Timochenko, il s’est attelé à la lutte contre la corruption endémique qui sévit dans le pays. Il semblait également sincèrement engagé dans la réconciliation entre l’est du pays où l’on parle russe et l’ouest où l’on parle ukrainien. Durant toute sa présidence, les élections ont été régulières et la presse a été libre et active. Mais ses nombreuses hésitations et son manque de jugement politique ont miné son orientation fondamentalement démocratique. Malheureusement, il est en train de commettre une nouvelle erreur politique, en soutenant une réforme radicale visant à créer un système politique présidentiel. Comme elle n’a aucune chance d’être adoptée par le Parlement, il cherche à le contourner au moyen d’un référendum, mais d’après le Conseil constitutionnel, seul le Parlement peut décider de la manière de procéder à une réforme constitutionnelle. Bien que Iouchtchenko paraisse politiquement condamné, l’Europe pourrait l’aider et en même temps aider l’Ukraine. Timochenko est disposée à lui offrir un compromis que les dirigeants européens le pousseraient à accepter. Il s’agit d’une réforme constitutionnelle qui ferait de l’Ukraine une république purement parlementaire avec un président en tant que chef d’État et commandant en chef des armées. Iouchtchenko pourrait encore s’assurer une place honorable dans l’histoire, si au lieu de chercher à faire tomber Timochenko il soutenait sa lutte contre la corruption et sa réforme constitutionnelle qui vise à rapprocher le système politique de l’Ukraine de celui des démocraties parlementaires européennes et à faciliter l’intégration européenne de l’Ukraine. Étant donné que Iouchtchenko n’a pratiquement aucune chance de remporter l’élection présidentielle, l’offre de Timochenko est généreuse. S’il l’acceptait, cela donnerait à l’Ukraine qui aspire à entrer dans l’UE le gouvernement stable, efficace et démocratique dont elle a besoin pour cela, alors qu’elle négocie actuellement un traité de libre-échange avec les instances européennes. Les pays européens qui ont favorisé une issue pacifique et démocratique à la révolution Orange de l’Ukraine doivent intervenir une fois de plus pour lui éviter une impasse politique. *Elmar Brok, Jas Gawronski et Charles Tannock sont tous trois membres du Parlement européen et appartiennent respectivement au Parti chrétien-démocrate allemand, à Forza Italia et au Parti conservateur britannique. © Project Syndicate, 2008. Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz
par Elmar BROK, Jas GAWRONSKI et Charles TANNOCK*

En politique, rien n’est plus déprimant que de voir un leader politique qui se cramponne désespérément au pouvoir et entraîne son pays à la perte. Par son comportement récent, le président ukrainien Victor Iouchtchenko rejoint la longue cohorte des dirigeants qui ont sacrifié l’avenir de leur pays simplement pour...