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Actualités - OPINION

La crise politique et le dérapage sécuritaire vus par les lecteurs

La chute de tous les dieux faits de paille Si les jeunes du Hezbollah, qui sont descendus, masqués ou non, dans la rue, avaient pris la peine d’interroger leurs parents sur les événements survenus il y a un quart de siècle, en 1982, ces derniers leur auraient raconté qu’ils avaient lancé du riz sur le passage de l’armée israélienne qui envahissait le Sud. La communauté chiite en avait ras le bol des abus des fedayins qui avaient transformé leur région en une colonie palestinienne. Mais les communautés confessionnelles ne retiennent pas les leçons que leur fournit généreusement leur expérience, tout autant d’ailleurs que l’expérience des autres ! Les trains de l’histoire passent tout près de nous, les civilisations au-dessus de nos têtes. Les secousses qui se succèdent n’engendrent aucune réflexion. Nous n’apprenons et ne retenons rien. En 1958, les marines de la VIe Flotte américaine débarquaient au Liban et étaient accueillis par le carillon des cloches de la montagne chrétienne. L’union syro-égyptienne menaçait, en effet, le pouvoir de la communauté maronite partisane du pacte de Bagdad et de la doctrine Eisenhower. En 1975, la communauté sunnite pensait que les organisations palestiniennes lui serviraient d’armée pour s’emparer du pouvoir. Le résultat a été que l’armée du pays s’est divisée, le pays s’est divisé et Béchir Gemayel s’est fait aider par Israël pour que la route de la Palestine ne passe pas par Jounieh et Ouyoun el-Simane. Personne n’a remporté la victoire. En 1958, les cloches ont sonné, mais on a fini par «?ni vainqueurs ni vaincus?». En 1975, on a lancé du riz et on a fini à Taëf. L’histoire, l’homme et la raison ont été foulés aux pieds et certains continuent même de croire que le soleil se lève très, très bas, sous les chaussures. Ni l’année 1958 ne s’est achevée par la prise de pouvoir d’une communauté ni l’année 1975 n’a vu la prise de pouvoir par une autre. Si le Hezbollah s’entête en son refus de profiter des expériences de 58 et 75, beaucoup de poignées de riz seront lancées et beaucoup de cloches sonneront encore, quel que soit celui qui voudra, comme Bachir Gemayel, empêcher le passage de la Résistance par Tarik-Jdidé, Mousseitbé, la corniche de Mazraa, Barbir, Ras el-Nabeh… À moins que le Hezbollah ne dispose d’un plan «?divin?» lui permettant de vaincre l’histoire et les vérités de l’histoire. Le problème, depuis l’indépendance, en 1943, ne réside ni dans la formule politique, ni dans le pacte national, ni dans l’abus de la formule «?ni vainqueurs ni vaincus?», ni dans Taëf. Le problème, depuis 1943, est le suivant : toutes les fois où une communauté a le sentiment que la conjoncture régionale et internationale lui est favorable et lui permet de s’approprier le pouvoir, elle s’empresse de recourir à une force ou un soutien étranger, fût-il une flotte, un groupe d’organisations ou, plus simplement, de l’argent frais. On essaye alors de cacher le ciel avec des petits mouchoirs. Tantôt c’est la doctrine Eisenhower, tantôt c’est le pacte de Bagdad, tantôt c’est la libération de la Palestine, tantôt c’est la défense de l’Iran… Qu’importe, l’argent frais est toujours là pour servir. Les motifs sont nombreux, mais le but est unique : c’est l’accaparement du pouvoir. Il se trouve toutefois que la communauté maronite a généré des hommes qui ont dit «?non?» à cet accaparement, non au pacte de Bagdad, non à la doctrine Eisenhower. Elle a généré des hommes qui ont dit des choses ayant la senteur du parfum : Hamid Frangié, Raymond Eddé, le patriarche Méouchy. La communauté sunnite, elle, n’a pas engendré, en 1975, des hommes qui disent non aux Palestiniens, à part, peut-être, quelques volontaires de second rang qui n’ont pas craint le «?non?» de rupture, qui n’ont eu peur ni de l’acteur ni de l’instrument, qui ont été grands à l’époque des nains. Les crimes qu’on leur a attribués étaient de beaux crimes parce qu’ils consistaient en un refus de voir le Liban piétiné et humilié. Ils avaient élevé la voix pour que la lumière l’emporte sur les ténèbres géniteurs de l’obscurantisme. Ce sont eux qui ont subi tous les maux et dont l’histoire n’a pas encore reconnu les mérites, ce sont eux dont l’attitude n’a pas encore été reconsidérée en dépit de tous les repentirs exprimés depuis l’assassinat de Rafic Hariri. Où sont les hommes de la communauté chiite qui disent au Hezbollah : non. Celui-ci a bâti son État dans la banlieue, le Sud et la Békaa. Il l’a armé et lui a aménagé des tribunaux, des réseaux téléphoniques et d’électricité, des banques. L’argent frais était là pour servir. Où sont les hommes de premier rang de la communauté sunnite que nous avons tant recherchés en 1975?? Faut-il aller les chercher chez les chiites ? Où sont les hommes de deuxième rang chez les chiites et ceux qui ont défié les organisations chez les sunnites ? Où sont les chevaliers ? L’argent frais a-t-il brûlé leur orgueil, leurs ailes et leurs cordes vocales ? Si toutes les communautés avaient honoré et décoré les chrétiens de premier rang qui avaient dit non au pacte de Bagdad en 1958, aux hommes de deuxième rang de la communauté sunnite qui avaient dit non aux organisations palestiniennes, le Hezbollah aurait trouvé beaucoup de gens qui disent non dans la communauté chiite et il se serait heurté à des barrages aussi hauts que ceux qu’il dresse sur la route de l’aéroport. Et peut-être ne serait-il pas lancé dans sa troisième tentative d’accaparement du pouvoir. Il faut que des voix chiites s’élèvent pour que les voix de l’érudit Hassan el-Amir et d’Ahmad el-Assaad ne soient pas les seules audibles chez les sages. La crise a beau se prolonger et la guerre d’accaparement du pouvoir a beau continuer, le résultat est connu d’avance. En 1958, les marines américains se sont retirés, Fouad Chéhab a été élu et aucune communauté n’a pu s’approprier seule le pouvoir. En 1975, les organisations palestiniennes se sont retirées, nous avons eu Taëf et aucune communauté n’a pu s’imposer au détriment des autres. Le Hezbollah se cache aujourd’hui derrière son titre saint et les robes de ses imams. Après la sortie des Syriens par la porte et leur retour par la fenêtre (en charmante compagnie iranienne), la bataille, quelle que soit sa durée et quels que soient les espoirs du Hezbollah et de la communauté chiite, aura le même résultat, connu. Une grande injustice et un énorme préjudice ont été subis par cette communauté, mais cette injustice ne justifie pas l’extorsion du pouvoir, son accaparement et l’oubli des leçons de l’histoire. La tentative est vaine et de réalisation impossible. Elle coûtera ce qu’ont coûté les guerres des autres communautés, et la communauté chiite découvrira, mais trop tard, qu’elle ne peut détenir seule le pouvoir. Après l’ivresse viendra le temps de la réflexion, mais les dommages seront énormes et la communauté chiite se retrouvera plus faible, bien plus faible qu’elle ne l’était lors de la bataille. L’histoire en est témoin. Chaque fois que nous faisons nos adieux à une résistance, nous parvient une autre «?résistance?». Alors même que les pays arabes ont conclu la paix avec Israël et que la Syrie négocie pour le faire, le Hezbollah veut que les jolies roses se mettent en treillis, que les épis portent la cuirasse, que la religion revête la tenue de combat et que le pain emballe le revolver. Il veut que la fleur que nous cueillons dans le jardin nous menace par une arme, que l’ouvrage que nous achetons chez le librairie explose entre nos doigts. N’attendez des Arabes que des paroles et des lettres d’amour, des discours, de la belle grammaire, de la belle littérature, des rêves doucereux, de l’enchantement musical. N’est-il pas temps que nous mangions du pain non imprégné de peur et de larmes ? Depuis 1943, nous marchons sur des épines et des bris de verre. Les affectueux frères de chaque communauté nous clouent sur le mur de la haine toutes les fois qu’ils en ont le désir. Ils nous tiennent prisonniers de la tristesse qu’ils créent en essayant d’assouvir leur envie de pouvoir. Le Liban ne peut hésiter encore. Les communautés ne peuvent plus aujourd’hui être tolérantes, pardonner et permettre. La tendresse du Christ ne nous convient plus à présent. Ce pays ne peut plus désormais se cacher, se déguiser, se montrer encore poli et diplomate. Il est engagé dans une bataille où l’on s’est permis de le dénuder en public et de le violer. Nous ne pouvons pas attendre encore mille années-lumière. Il est temps d’essayer de dessiner une patrie ayant un Parlement qui tienne ses réunions, un président et un gouvernement, une patrie où fleurissent les roses et le jasmin et qui n’est pas sous la coupe des organisations et des religieux ! Il est temps que nous retrouvions notre vie. Ils ont effacé les plus belles lignes dans le livre de la vie. Toutes les idolâtries arabes et musulmanes sont tombées ou sont en faillite. Tous les dieux faits de brindilles sont tombés et il n’est plus d’immunité pour personne. Il n’y a plus de tabous, plus de choses qui peuvent être dites et d’autres qui ne peuvent être dites. Il n’y a plus d’idoles qui ne peuvent être lapidées. Il est temps de ne plus avoir peur de la vérité. Les vérités par correspondance sont une industrie ancienne, arriérée, qui n’est plus acceptable à l’ère des cerveaux électroniques, du franchissement du mur du son et de la chute du mur de Berlin. Il est temps que nous ayons une patrie et que nous lui conservions son orgueil. Il est temps que le Liban devienne une patrie dont le sol donne naissance à du blé et des prophètes. Il est constitué, depuis 1943, d’énormes amas d’éclats provenant de l’utilisation des armes, mais l’étonnant est que le vent le rassemble chaque fois qu’il souffle. L’histoire ne dérogera pas cette fois à la règle. Abdel Hamid EL-AHDAB Avocat Preneur d’otages récidiviste À l’heure où les jasmins embaument notre atmosphère printanière, il est devenu quasi habituel qu’un piège nous soit tendu par notre ennemi intérieur, celui qui se fait un point d’honneur de saboter nos saisons d’été répétitivement, parce que le soleil, ça lui est indifférent du moment qu’il ne le voit pas, terré dans son QG quelque part dans son territoire divin, du côté de la banlieue sud, égrenant son arsenal en guise de passe-temps en attendant le moment où il déclenchera War of the Worlds version live 2008 sur une capitale dont il prétend être l’un de ses fils. Terriblement tentant de verser dans un remake de la guerre des 33 jours, avec cette fois-ci une variante parano encore plus dopante?: tourner ses armes contre ses compatriotes. Effet montée d’adrénaline garanti?! Et pourquoi pas leur imposer un blocus du moment que les tests préliminaires de juillet-août 2006 ont été concluants quant à leur effet traumatique sur une population qui a vécu ces durs moments en apnée?? Une pincée de perversion supplémentaire en faisant le siège de Beyrouth, répétant les mêmes gestes que ses bourreaux sionistes qu’il abhorre, et voilà que le chef du parti de Dieu verse tout droit dans une schizophrénie identitaire. Syndrome de Stockholm peut-être?? Car il semble se languir des sévices encourus en 2006 et de peur que ses armes ne se rouillent en attendant une improbable agression ennemie, le voilà qui les retourne contre ses pairs, ses frères de sang, sous prétexte qu’on a été un peu trop regardant sur son arrogance à établir un État dans l’État?! Oui, son réseau de communication a sa raison d’être, bien sûr que ses armes sont une ligne rouge infranchissable, et gare à celui qui oserait évoquer l’idée qu’il puisse un jour s’en séparer?! Parce que sa vengeance sera digne d’une épopée. Et puis bloquer l’accès d’un aéroport relève de la désobéissance civile la plus élémentaire, non?? Paralyser un centre-ville devenu fantôme par ses soins aussi, tout comme la récidive d’une prise d’otages à l’échelle d’un pays?! En 2006, il l’a provoquée, en 2008, c’est lui qui est le producteur, réalisateur, scénariste et interprète du plus mauvais feuilleton que les Libanais devront vivre les jours qui suivent. Cela, s’ils survivent aux assauts d’un assoiffé de pouvoir qui est partisan de la terre brûlée et pour qui semer la mort, celle des autres tout comme celle des siens est un acte anodin du moment que le paradis et ses délices attendent ses bombes humaines qui y croient dur comme du fer. Ce qui est sûr, c’est qu’aujourd’hui, pour nous tous, otages non consentants d’un pseudo faiseur de destin, l’enfer se trouve, par ses soins divins, désormais propulsé sur terre?! Belinda IBRAHIM La politique des vitres cassées et l’armée libanaise La politique de sécurisation de la ville de New York, une des villes considérées comme les plus dangereuses dans les années 90, a été inspirée par deux théories?: la politique des vitres cassées (broken windows policy) et la théorie de la tolérance zéro (zero tolerance). Dans la première, ses concepteurs ont décidé de réparer les fenêtres cassées de ceux qui voulaient se repentir et se subordonner à la loi, et jamais réparer celles dues aux actes de vandalisme de ceux qui voulaient se soustraire à la loi. Il suffisait de se contenter de les encercler. Or en regardant les images horribles de morts, de cris, de pleurs et de désolations, atterrée dans un coin devant l’écran de la télé, je ne pus m’empêcher de saluer la sagesse et le courage du commandant en chef de l’armée libanaise qui nous a évité une fissure et une guerre autrement plus meurtrière si l’armée s’était désintégrée. La politique des fenêtres cassées a limité les dégâts déjà immondes et intolérables. Quel ne fut mon choc de voir ces petits politiques argumenter sur la crédibilité d’une institution qu’ils ont eux-mêmes délibérément affaiblie, meurtrie et humiliée suite à leurs divisions endémiques criminelles et honteuses, alors qu’elle a mené des combats glorieux et saigné à blanc dans des combats inégaux de Nahr el-Bared suite à leurs erreurs de calculs politiques, leur concurrence effrénée et leur mauvaise foi. Quel culot de s’enorgueillir et de prétendre que les rumeurs sur la politique non milicienne des partis ont été largement prouvées, dépassées et révolues durant ces derniers jours ! Il aurait été plus franc et judicieux de constituer des milices armées et disciplinées au lieu d’endoctriner nos jeunes enfants et de les envoyer se faire tuer sans aucune raison, sans aucune logique, sans idéologie autre que celle mesquine de marquer des coups bas politiques et de concurrencer déloyalement l’armée libanaise qu’ils prétendaient défendre en jurant qu’elle était l’unique force de coercition sur le territoire national. L’unique milice partiellement mais officiellement tolérée depuis Taëf étant la Résistance armée du Hezbollah que les membres de ce gouvernement et de ses précédents ont largement contribué à renforcer, à promouvoir et à légaliser jusqu’à l’inclure dans une déclaration ministérielle, l’instaurant comme condition au bon fonctionnement de la République bananière dont nous sommes citoyens. Que reproche-t-on à l’armée libanaise qui a sagement enterré ses décapités de Nahr el-Bared sans broncher, qui enterre depuis 2005, ici et là, ses jeunes soldats au coin des rues de la capitale ou ailleurs par le fait des francs-tireurs, des célébrations armées, des règlements de comptes, de guerres des autres, des émeutiers, suite aux erreurs de ceux qualifiés par Marcel Ghanem de « sans vision » nationale, sans vision d’avenir, sans vision aucune. Seulement mus par leurs intérêts financiers et rancuniers, leur cupidité et leur «?déloyalisme?» national. Il aurait mieux valu offrir en martyrs nos jeunes soldats et les déplacer comme pions gratuits sur l’échiquier de la mort que de voir périr les fruits de leurs lauriers. Peut-être pensaient-ils que la mère d’un soldat est moins fragile, le frère d’un soldat plus résistant, le père d’un jeune soldat beaucoup plus stoïque… Ou encore que la vie d’un soldat est sans valeur aucune… Aujourd’hui, après tant de haine affichée, de mots creux, de morts vaines, de vengeances et de revengeances, il est peut-être temps d’appliquer à la lettre la deuxième étape de la politique new-yorkaise, celle de la tolérance zéro, qui suppose des peines alourdies sans appel, des sanctions immédiates à la moindre infraction?: détention d’armes, fournitures d’armes, pourvoi d’armes et cela sans discrimination aucune. Car c’est insulter notre intelligence que de prétendre que ces armes étaient personnelles alors que la jeunesse se noie dans une crise de paupérisation croissante, montrant des poches vides, incapables de subvenir aux besoins les plus essentiels, à qui l’on se contente de distribuer mitraillettes à tuer et canons à terroriser. Il est temps de faire prévaloir le droit à la vie. C’est notre droit sacré. Il est temps de construire ce pays au lieu de continuer à nous entre-tuer. Les formules ne manquent pas. Il suffit d’être de bonne foi. Claude D. « Vivre» à Beyrouth-Ouest Malgré les recommandations de mes parents et amis, nous avons voulu passer la nuit dans notre maison de la rue de Verdun, où ma femme et moi, Libanais septuagénaires, avons nos commodités et nos habitudes. C’était une nuit d’enfer. Dès 17?heures, des rafales intermittentes de kalachnikov déchirent l’air et créent une angoisse qui nous rappelle les moments terribles des années 1975-1976, quand les coups de feu étaient un bruit insolite à l’oreille des non-initiés que nous étions alors. Dans notre maison toute vitrée qui faisait notre fierté lors de notre mariage, il y a 48 ans, la vitre représente aujourd’hui un danger de plus, et notre première réaction, quand il s’agit de bombardements ou de rafales insolites, c’est de nous éloigner des vitres au plus vite. La soirée a été assez animée entre les rafales de mitraillettes, les RPG effrayants et bruyants, et les discours des leaders des deux bords, comme autant de bombes minutées qui n’ont pas encore éclaté. Heureusement qu’il y avait les programmes des chaînes françaises et italiennes, qui vous font sentir que vous êtes encore vivants, et que vous ne faites pas partie du royaume des morts, où nos chers politiciens nous entraînent chaque jour. Il faut reconnaître que les nouvelles du Liban ne sont pas très brillantes et les appels désespérés de nos amis à l’étranger nous montrent que notre pays fait la une des journaux et télévisions du monde entier. Mais bien entendu, cela n’est pas à l’avantage de notre tourisme qui va en régression de jour en jour. Aéroport fermé, points de passage à la merci de tireurs isolés qui attendent avec délectation le «?client?» éventuel qui aurait la mauvaise idée de traverser les deux zones, ou quelque rue mal éclairée. L’accord est parfait entre ces assassins qui, du haut de leurs toits, font la chasse aux Libanais, en choisissant pour cibles les personnes âgées et les femmes sans défense. Je suppose que chaque jour, à l’heure du bilan, ils doivent se glorifier de leur tableau de chasse. J’espère que dans un proche avenir, quand la paix sera revenue, les psychiatres se pencheront pour analyser ce comportement d’êtres humains s’attaquant à d’autres hommes de croyances ou de communautés différentes, en essayant de leur imposer par la force leur façon de voir et leur façon d’aimer. Pour clôturer cette nuit tragique, l’électricité fait défaut et presque toute la région est dans le noir. Et comme tout le reste, nous avançons dans la nuit. Raymond NAHAS L’explication Une question trottait dans ma tête depuis la déclaration faite l’après-midi du lundi 12 mai, dans laquelle Michel Aoun se targuait d’avoir, grâce à la signature du traité de Mar Mikhaël, épargné les régions chrétiennes. Pourquoi le général a-t-il attendu aussi longtemps avant de nous tranquilliser ? La réponse n’a pas tardé à venir. Quelques heures plus tard, dans la soirée, un responsable du Hezbollah annonçait que ces derniers suspendaient l’emploi de leurs armes et maintenaient la désobéissance civile pacifique. Je crois qu’ils ont bien compris que, stratégiquement, les milices du Hezb n’avaient plus intérêt à intervenir militairement auprès des forces du 8 Mars dans les régions Est, car elles perdraient trop et qu’une confrontation solitaire entre le CPL et les forces du 14 Mars n’allait pas aboutir à un résultat qui leur serait favorable. Ce n’est pas grâce à vous, général, que nos régions ont été épargnées. Vous nous avez trop longtemps induits en erreur. Nous ne sommes pas tous des imbéciles. Nicole PASPALIS Quelles leçons ? Quelles leçons peut-on tirer du fait que les miliciens du Hezbollah, au lieu de tourner leurs armes contre l’ennemi sioniste, ont choisi de les braquer contre leurs confrères libanais ? Peut-être que les politiques arabes, voire libanais, avec leurs langues de bois vont continuer à parler de paix civile et d’interminables compromis qui ne font en fin de compte que renforcer la position du parti de Dieu et de ses patrons syriens et iraniens. Mais les communautés non chiites ont sans doute déjà tiré leurs conclusions toutes logiques et sécuritaires des derniers événements, lesquels démontrent clairement qu’on ne peut plus faire confiance au Hezbollah et qu’il devient de plus en plus difficile de supporter ses interminables demandes téléguidées par la Syrie et l’Iran, et servant les intérêts de ces derniers. Cette logique sécuritaire et communautaire, qui fait suite aux derniers événements, serait donc la suivante : puisque l’armée libanaise est démissionnaire dès qu’il s’agit de protéger les citoyens libanais contre le déchaînement armé de Hezbollah ; puisque les diktats et la mainmise du Hezbollah sur la situation politique et sécuritaire du pays ne font qu’augmenter ; et puisque les armes que le Hezbollah devait légitimement tourner contre l’ennemi sioniste menacent désormais le reste des Libanais, la conclusion qui s’impose pour les communautés non chiites est que désormais elles devraient s’armer tout comme Hezbollah, et ceci, hélas, pour se protéger moins contre un ennemi extérieur que contre un ennemi intérieur que le Hezbollah désormais incarne. Le Hezbollah saura-t-il être suffisamment raisonnable, au vu du précipice effroyable qui pourra engloutir tous les Libanais, ou continuera-t-il sur sa lancée jusqu’au-boutiste qui sert moins les intérêts des autres Libanais que ceux des tyrans syriens et iraniens ? De cette réponse dépendra sans doute, dans l’immédiat du moins, la paix ou la guerre au Liban. Jacques SALEH, PhD Ancien professeur de philosophie politique et morale Baruch College, City University of New York Action ! Ce qui se passe actuellement au Liban est un film d’horreur interdit aux moins de 18 ans. Contenu du scénario : combats et meurtres. Le générique n’est pas près d’être lu car les réalisateurs ne semblent pas être dérangés de tourner des scènes violentes qu’ils rajoutent au fur et à mesure que les acteurs entrent dans la peau de leur personnage. Pourtant les figurants, placés malgré eux dans ce paysage sinistre, en ont assez : des écoliers sont sans apprentissage, empêchés de circuler sur les routes enflammées. Des touristes ne peuvent plus rentrer dans leur pays à la date qu’ils avaient prévue à cause de la fermeture de l’aéroport. Par ailleurs, et pour la même raison, des Libanais partis pour du travail ou des vacances ne peuvent plus revenir. Chers collaborateurs (pays voisins et plus lointains), vous qui participez à ce film soit en le finançant, soit en le produisant, soit même en le regardant, vous encouragez de plus en plus l’équipe technique ainsi que les acteurs à persévérer dans leur rôle criminel. Dépensez plutôt votre argent sur des films de réconciliations et d’amour. Ghislaine ASSAF Élève de 4e au Collège Louise Wegmann Question d’éducation Je n’avancerai pas des arguments que l’on ressasse depuis des jours, tel?: le Hezbollah a menti en disant que ses armes ne seront braquées que sur l’extérieur. Je ne paraphraserai pas non plus sur tout ce que vous pouvez lire dans la presse. Moi, c’est un cri du cœur que je tiens à pousser aujourd’hui. Humiliée, sciée, révoltée, meurtrie. Vous avez une petite idée de ce que l’on peut ressentir quand, non Libanais, pour le compte d’un pays étranger, on vient voler, violer une région, un quartier qui n’est pas uniquement celui de votre enfance, mais qui a vu naître du temps où le tramway passait encore par là, au milieu d’une débauche de mûriers, de lauriers roses et de chèvrefeuilles en fleurs, les grands-parents de vos parents. Prendre l’initiative de venir, comme ça, gratuitement, en quelques heures, ternir à coups de haine et surtout d’envies refoulées tant de souvenirs parfumés… Ils ont des doigts levés, nous manions des plumes fières?; ils ont la rue, nous évoluons dans des salons littéraires?; ils ont les armes, nous jouons de notre raffinement inné, doublé de civilité. Notre dernier mot que nous n’avons pas encore dit, ils n’en saisiront hélas pas même le sens?: un monde et toute une éducation nous séparent. De même consonance il est vrai, mais nous les prions de croire que pour nous, quantité n’a jamais rimé avec qualité. Lina SINNO Crise de foi « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire. » Le dépit, la peur et la colère nous font parfois regretter notre confiance dans les préceptes des Lumières. L’impuissance et l’humiliation nous submergent… « Au diable Voltaire ! Au diable la tolérance ! » Et on en a assez de lutter contre la voix qui nous répète cela à longueur de journée. Comment ne pas se résigner, comment être constructifs et démocratiques lorsque tenter de bâtir est un crime ? Comment continuer à écouter l’autre, lui donner la chance de nous convaincre, de nous changer, quand son arme est pointée sur notre tempe et qu’il faut, de surcroît, le remercier de faire semblant de nous écouter et faire mine de croire à ses promesses et contre-promesses ? Comment ne pas vouloir quitter la scène, abandonner patrie et maison, et brûler les souvenirs d’un pays qui n’a jamais vraiment vécu ? Mais disposons-nous d’une autre voie, ou d’une autre voix ? Dédaigner une cause à laquelle nous nous sommes consacrés corps et âmes au moment où tout nous pousse à le faire serait prouver à nos détracteurs que leurs cagoules et leurs canons ont eu raison de nos idées et de nos idéaux. Ce serait oublier que vouloir dominer l’autre par la force, tenter de le bâillonner, c’est s’exposer au péril de vaincre sans gloire, c’est s’engager dans un fratricide combat qui n’a d’autre issue que la paix… Et que Dieu me pardonne si je crois voir en ces pseudofuturs martyrs le manque de clairvoyance, nocturne et passager, d’un ivrogne qui ignore qu’il va, aux premières lueurs de l’aube, se réveiller et se mettre à penser. Qu’il va devoir s’expliquer, user de la plus fine de ses rhétoriques pour justifier l’injustifiable ou pas, sans doute. Peut-être que c’est nous qui sommes ivres d’avoir trop bu au rêve de la liberté et d’avoir trop voulu croire que l’artillerie n’est pas le plus persuasif des porte-parole. Buvons et croyons, puisque c’est notre unique raison d’être, puisque notre existence est notre argument, notre force la plus incontestable. Défendons l’autre jusqu’à mourir par le couteau qu’il nous enfonce dans le cœur et soyons fidèles à nos paroles lorsqu’il ne l’est pas. Espérons. Exhortons l’autre à la coexistence car le jour où il comprendra que certaines idées, certaines conceptions sont insubmersibles, il sera notre salut… Samer SABRI 16 ans De quel droit ? De quel droit s’approprie-t-on notre branlant quotidien pour le jeter en pâture aux lendemains incertains?? De quel droit prend-on en otage un citoyen paisible, soucieux, anxieux, traînant avec courage et ténacité le gros fardeau économique qui se resserre autour de son cou?; vaquant à son boulot bon gré, mal gré?; croulant sous le stress mais toujours stoïque et vaillant?? De quel droit aliène-t-on la scolarité des enfants, les examens des universitaires, leurs projets, les voyages d’affaires, les stocks des commerçants et leurs énormes dettes, les fluctuations de l’immobilier, les réservations d’hôtels, le pain quotidien?? De quel droit fait-on reculer les aiguilles de la montre nous damnant à nous replonger à notre corps défendant dans l’horreur qu’on croyait crédulement dépassée, de la maudite guerre dite civile qu’on a toujours beaucoup de mal à évoquer et dont les plaies – béantes – ne se sont jamais complètement refermées?? De quel droit s’érige-t-on maîtres de notre quotidien, de notre avenir, au nom de quoi, au nom de qui, pour quoi et pour qui?? De quel droit nous oblige-t-on à nous remettre en question, à s’embraser de remords et de regrets pour s’entendre hurler de l’intérieur que le soleil brûle plus sereinement ailleurs?? L’inquiétude gronde certes, mais moins fort que la colère, la rage et le dégoût, moins fort que le sentiment brûlant d’injustice et d’impuissance, moins fort surtout que la honte. La honte d’avoir à expliquer à ses propres enfants que la chair de notre chair nous séquestre, nous terrorise, nous viole notre tranquillité et nos assises, et poignarde en plein cœur et de plein fouet cette foi en l’autre, cette confiance, cet attachement, ce respect, ce patriotisme, cet avenir unique et commun que nous construisons tous avec conviction et ardeur depuis dix-huit ans. Quelle honte! May SALHA
La chute de tous les dieux faits de paille

Si les jeunes du Hezbollah, qui sont descendus, masqués ou non, dans la rue, avaient pris la peine d’interroger leurs parents sur les événements survenus il y a un quart de siècle, en 1982, ces derniers leur auraient raconté qu’ils avaient lancé du riz sur le passage de l’armée israélienne qui envahissait le Sud. La...