Rechercher
Rechercher

Actualités

Une saison estivale qui semble commencer tôt pour les hôteliers, les restaurateurs et les supermarchés L’espace d’un long week-end, Broummana a vécu au rythme des réfugiés

Broummana, hier matin. De part et d’autre de l’artère principale, les nombreuses voitures garées attestent de la reprise de l’activité dans la station estivale. Aux portes des supermarchés, c’est le rush habituel d’une pleine saison d’été, mais sans bousculade, sans embouteillage. Dans les parkings des hôtels, des voitures sont en partance. D’autres, toujours sur place, témoignent d’une certaine activité. C’est depuis jeudi soir, à l’issue des débordements sécuritaires à Beyrouth-Ouest, que le village de Broummana s’est subitement rempli, retrouvant l’animation des beaux jours d’été. Le week-end présageait un excellent début de saison pour la station, ses pubs, ses restaurants, ses hôtels et ses appartements meublés. La rue principale grouillait d’ailleurs de vie, samedi soir. Mais avec le retour du calme dans les quartiers de Beyrouth, une bonne partie des réfugiés a déjà préféré rentrer chez elle. D’autres, plus prudents, attendent un peu, alors que de nombreux estivants qui possèdent des maisons dans ce village du Metn se sont déjà installés, pour passer l’été. Au supermarché Béchara, l’animation règne. La clientèle fait ses emplettes. Certains chariots débordent de vivres, d’autres sont à moitié vides. Une femme, accompagnée de son employée de maison philippine, remplit un chariot, liste à la main. Cette habitante de Broummana avoue qu’elle a doublé le volume de ses achats, depuis le début des affrontements. « J’achète en quantité les produits que nous consommons le plus à la maison. J’ai des enfants et je ne voudrais pas qu’ils manquent de quoi que ce soit », explique-t-elle. « Dès la fermeture de l’aéroport, les gens se sont rués sur les produits alimentaires de première nécessité et sur les aliments non périssables », précise Khalil Béchara, l’un des propriétaires du supermarché. « Une panique s’est en effet emparée des gens durant les deux premiers jours, mais aujourd’hui, les choses semblent rentrées dans l’ordre », explique-t-il. « Le travail reste relativement important, mais les gens ne se jettent heureusement plus sur les aliments. C’était fou. Aujourd’hui, c’est comme si la saison d’été avait commencé avant l’heure », dit-il encore, ajoutant que les ventes sont de 10 % plus importantes que durant la saison estivale. « De plus, la clientèle est relativement plus importante, de 20 % environ. Ce sont les habitants de Beyrouth-Ouest qui ont trouvé refuge à Broummana », constate-t-il. Taux d’occupation entre 30 et 75 % Selon l’agent immobiliser Habib Batrouni, une certaine clientèle s’est habituée à se réfugier à Broummana en période de crise. « Ils sont revenus cette année, après être venus en juillet 2006 », précise-t-il. « Mais vu que le conflit semble de courte durée, ils ont préféré s’installer à l’hôtel ou dans des appartements meublés. Nombre d’appartements sont toujours vides et attendent des acquéreurs pour la saison estivale », tient-il toutefois à souligner. Du côté des hôtels, le week-end dernier a vu un important taux d’occupation. L’hôtel Printania était fermé pour la saison d’hiver. Il ne devait devenir opérationnel qu’à la mi-juin. Mais il a décidé d’ouvrir ses portes jeudi dernier, dans l’urgence. « Nous avons pris la décision rapidement et transféré le personnel de l’hôtel Monroe, qui appartient au même propriétaire, à Broummana », précise le responsable, Ghassan Naaman. « Durant le week-end, des affrontements à Beyrouth, l’hôtel Printania a ainsi affiché un taux d’occupation de 35 % », affirme-t-il, indiquant que les familles venaient de Hamra, Moussaytbé ou Jnah. « Mais aujourd’hui, de nombreuses familles ont réintégré leurs maisons, alors que d’autres hésitent encore face à l’instabilité de la situation », ajoute-t-il. « Certaines personnes se sont même renseignées sur les conditions pour le transfert de leur activité professionnelle à l’hôtel, mais elles ont jugé qu’il était prématuré de prendre une telle décision. Celle-ci dépendra de l’évolution de la situation », estime-t-il. Quelques mètres plus bas, le Garden Hotel a accueilli, dès vendredi dernier, une dizaine de familles de Ras el-Nabeh, Tarik Jedidé ou Hamra. Mais la situation est loin de ressembler à celle de juillet 2006 où l’hôtel affichait complet. « Nous avons affiché les prix de la saison morte », observe le propriétaire de l’établissement, Philippe Salem, insistant sur la nécessité de porter assistance aux réfugiés en temps de crise et de faire preuve de solidarité. Aujourd’hui, alors que quelques familles ont déjà plié bagage, une partie de la clientèle opte pour la prudence. « Cela pourrait être le début d’un important conflit, d’une guerre de rues », lance un homme d’affaires, penché sur son ordinateur. « Je ne pense pas que les choses se termineront ainsi et je ne suis pas convaincu que la sécurité règne du côté de Hamra où j’habite », ajoute cet habitué de l’hôtel. « Je serais capable de passer tout l’été ici, s’il le faut, tant que je peux gérer mes affaires. » Tous en faveur d’une stabilité Quelques ruelles plus loin, un homme quitte l’hôtel Le Crillon où il a profité d’un séminaire pour loger sa famille durant les affrontements du week-end. « Je redescends aujourd’hui à Koraytem. Qui sait ? Cela pourrait bien être le tour des régions chrétiennes. Alors mieux vaut être chez moi, dans mon quartier où le calme semble être revenu », lance-t-il, visiblement inquiet. Au début du village, le Bellevue Palace affiche toujours 32 % d’occupation, alors qu’en week-end, il a atteint un taux d’occupation de 75 %. « Les gens ont encore peur, ils sont dans l’incertitude et certains ne sont pas pressés de retourner chez eux », constate Daniel Daniel, directeur des ventes et de la réception. À l’instar des hôtels, les appartements meublés ont eux aussi affiché un taux d’occupation relativement important, durant le week-end dernier. Mais à l’unanimité, tous ces hôteliers se disent en faveur d’une situation sécuritaire stable, leur permettant de travailler régulièrement tout au long de l’année, de recevoir des touristes, des hommes d’affaires et des conférenciers, et pas seulement des réfugiés. Alors qu’ils ont affiché complet durant tout le week-end, les restaurateurs, de leur côté, se veulent optimistes pour le reste de la saison. « Nous avons affiché une hausse de 35 à 40 % de notre chiffre d’affaires », explique Georges Kachouh, directeur de la branche de Broummana de Crepaway. « La clientèle était principalement composée d’étrangers et de Beyrouthins de l’Ouest », ajoute-t-il, tout en estimant que malgré le départ des étrangers, il semble que les estivants aient décidé de s’installer pour l’été. « Nous sommes parés pour les accueillir, mais espérons surtout que le calme reviendra dans tout le pays », conclut-il. Alors bon début de saison pour Broummana ou éphémère illusion, le temps d’un long week-end d’affrontements ? Seul l’avenir le dira, dans l’espoir que les réfugiés cèdent la place aux touristes. Anne-Marie EL-HAGE
Broummana, hier matin. De part et d’autre de l’artère principale, les nombreuses voitures garées attestent de la reprise de l’activité dans la station estivale. Aux portes des supermarchés, c’est le rush habituel d’une pleine saison d’été, mais sans bousculade, sans embouteillage. Dans les parkings des hôtels, des voitures sont en partance. D’autres, toujours sur...