Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

« Étonnants voyageurs » : la littérature jeunesse a quitté son « confort ouaté »

Longtemps cantonnée dans un « confort ouaté », la littérature jeunesse, largement représentée au festival « Étonnants voyageurs » à Saint-Malo, aborde désormais tous les sujets, réduisant le fossé qui la séparait jadis de la littérature « noble » pour adultes. Pendant des années, la littérature jeunesse était « dans une sorte de confort ouaté », avec une obligation de « happy end », estime le grand écrivain britannique Michael Morpurgo, traduit dans une trentaine de langues. L’écrivain jeunesse était « lié » par les contraintes sociales. « Aujourd’hui, la société est plus fluide, plus souple, on peut écrire sur n’importe quoi (...) du moment qu’un adolescent est au cœur de l’histoire », considère cet homme de 64 ans, à la créativité exceptionnelle, qui écrit depuis plus de 30 ans. Traduit en une douzaine de langues, Jean-Claude Mourlevat, Français récompensé par de multiples prix, est lui aussi une star de la littérature jeunesse. « Aujourd’hui, je dis beaucoup plus les choses au lieu de me contenter de les suggérer. Avant, j’étais plus elliptique. J’avais une pudeur, une réserve. Maintenant, j’accepte d’aller à l’émotion », confie l’auteur de Combat d’hiver (Gallimard jeunesse). Pour Jean-Philippe Arrou-Vignod, directeur de collection chez Gallimard jeunesse, « on est passé du livre pour enfants à une véritable littérature jeunesse, des textes riches, forts, bien écrits (...), une littérature qui doit beaucoup aux enseignants en raison de leur degré élevé d’exigence ». Le phénomène Harry Potter a marqué un tournant. Les éditeurs ont observé que, contrairement à une idée reçue, les jeunes lecteurs n’avaient pas peur des « pavés » de plusieurs centaines de pages. Conséquence : les textes se sont densifiés, les intrigues complexifiées. « On assiste également à une explosion des genres en jeunesse : du policier au fantastique, en passant par l’historique, la science-fiction et l’ouverture sur les cultures étrangères », constate l’éditeur. Œuvre de l’Australienne Lian Hearn, Le clan des Otoris, censé se dérouler dans le Japon médiéval, connaît, parmi d’autres, un succès international. Les auteurs n’hésitent pas non plus à aborder des sujets d’actualité, nationaux ou internationaux. Paru tout récemment, Véro en mai (École des loisirs) raconte mai 68 au travers des yeux d’une petite fille de huit ans. À l’origine de ce projet, Jean-Claude Pommaux, lui-même un des auteurs jeunesse français majeurs, constate : « J’ai envie de surprendre les enfants (...) Dans le même temps, je sens que j’ai évolué presque instinctivement vers plus d’ouverture. » Chacun reconnaît que, depuis quelques années, la distance entre littératures jeunesse et adulte est de plus en plus mince. « Pour moi, écrire pour les adultes n’est ni un but à atteindre ni une progression », assure Jean-Claude Mourlevat. Et de conclure par une réflexion économique : « En adulte, je vendrais 1 500 ou 2 000 exemplaires. Là, j’en vends plusieurs dizaines de milliers (600 000 pour L’enfant océan en Pocket Junior). Les livres jeunesse se vendent sur des années. Leur sort n’est pas scellé sur quelques semaines comme en littérature adulte ! » Clarisse LUCAS (AFP)
Longtemps cantonnée dans un « confort ouaté », la littérature jeunesse, largement représentée au festival « Étonnants voyageurs » à Saint-Malo, aborde désormais tous les sujets, réduisant le fossé qui la séparait jadis de la littérature « noble » pour adultes. Pendant des années, la littérature jeunesse était « dans une sorte de confort ouaté », avec une...