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Actualités - ANALYSE

Éclairage Le conflit interchiite en Irak tourne au face-à-face Téhéran-Washington

La rivalité entre courants chiites, qui alimente depuis des semaines une violence meurtrière en Irak, a évolué en une nouvelle et périlleuse confrontation entre Téhéran et Washington, estiment des analystes. Les deux ennemis ont annoncé qu’ils renonçaient à une nouvelle session de pourparlers sur la sécurité en Irak, péniblement engagés en 2007 et seul canal de dialogue entre les deux pays depuis la révolution islamique de 1979. Mercredi, le ministre irakien des Affaires étrangères Hoshyar Zebari a confirmé le report sine die de ces discussions, du fait notamment de la sanglante bataille de Sadr City, à Bagdad. Téhéran a accusé les Américains d’y « massacrer » des Irakiens, tandis que Washington a répété que des services iraniens finançaient, entraînaient et armaient des « extrémistes qui tuent des soldats américains ». Présentées d’abord comme une mise au pas de « criminels » dans le Sud, les opérations militaires irakiennes et américaines visant des miliciens chiites ont tourné à la guérilla urbaine contre les partisans du chef radical antiaméricain Moqtada Sadr. Le bastion sadriste, Sadr City, dans le nord-est de la capitale, est dorénavant isolé du reste de la ville, visé par des bombardements et théâtre d’accrochages quotidiens. Quelque 1 000 personnes y ont été tuées depuis le début des violences fin mars. Pour Joost Hiltermann, expert du Moyen-Orient à l’International Crisis Group, gouvernement irakien et commandement américain « veulent déconsidérer le mouvement sadriste en les faisant passer pour des voyous avant les élections régionales d’octobre ». Ces élections sont déterminantes pour arbitrer le conflit d’influence dans la communauté chiite, majoritaire en Irak, entre le courant du Premier ministre Nouri al-Maliki, qui a choisi la coopération avec Washington, et la mouvance radicale symbolisée par Moqtada Sadr. Face à la prolongation de cette confrontation, les deux protagonistes majeurs en Irak, l’Iran et les États-Unis, se sont retrouvés sur le devant de la scène. L’armée américaine est en première ligne à Sadr City, et bien qu’elle se refuse à l’admettre, elle est dorénavant engagée contre l’Armée du mahdi de Moqtada Sadr, qui respectait depuis août 2007 un cessez-le-feu unilatéral. « Ce qui se passe a Sadr City, c’est que l’Armée du mahdi est délibérément visée », souligne Nabil Younès, un professeur de relations internationales à l’Université de Bagdad. « Si le gouvernement s’en prend à toutes les milices, alors cela ressemblera à une stratégie. Mais si Sadr est le seul a être visé, il peut lever son cessez-le-feu, et ce sera pire pour l’Irak », prévoit-il. Cet engagement intervient en outre au mauvais moment pour le commandement américain qui veut poursuivre la réduction de son contingent en arguant d’une stabilisation du pays censée refléter les progrès dans la réconciliation politique, notamment entre communautés chiite, sunnite et kurde. M. « Maliki a attiré les Américains dans la bataille pour donner du crédit à la stratégie du gouvernement selon laquelle il pourchasse des criminels. Mais les Américains eux-mêmes sont surpris », souligne M. Hiltermann. Les combats et leur coût en vies humaines ont également contraint l’Iran, théocratie chiite dont le destin est lié à celui de son voisin par la religion, la politique et l’histoire, à dénoncer l’usage de la force, par les Américains mais aussi par le gouvernement irakien. Sans prendre parti pour Moqtada Sadr, qui revendique une arabité dont les Iraniens se méfient, Téhéran a dû rappeler à l’ordre M. Maliki et son grand allié, le chef chiite conservateur et consensuel, Abdel Aziz Hakim – tous deux étroitement liés à la hiérarchie politique et religieuse iranienne –, sur l’usage incontrôlé de la force. Privés du seul forum où ils pouvaient débattre de leurs différends en Irak, Iraniens et Américains doivent gérer les conséquences d’une guerre intestine qu’ils n’ont pas engagée. Et « la situation peut échapper à tout contrôle », prévient M. Hiltermann.
La rivalité entre courants chiites, qui alimente depuis des semaines une violence meurtrière en Irak, a évolué en une nouvelle et périlleuse confrontation entre Téhéran et Washington, estiment des analystes.

Les deux ennemis ont annoncé qu’ils renonçaient à une nouvelle session de pourparlers sur la sécurité en Irak, péniblement engagés en 2007 et seul canal de...