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Actualités - OPINION

LE POINT Hara-kiri électoral Christian MERVILLE

Elle rayonne et pavoise : « C’est un grand pas en avant qui va transformer le paysage. » Il louvoie et botte en touche : « Nous pouvons être un parti qui dit ou fait tout pour gagner, ou nous pouvons nous focaliser sur pourquoi gagner. » Transformer une victoire acquise d’avance en tsunami ou considérer une semi-défaite comme une simple leçon à retenir, les « spin doctors » connaissent cela qui se sont mis à l’œuvre au soir de ce mardi 22 avril, à peine connus les résultats de « la mère des batailles ». Plutôt que les stratèges des urnes, capables de faire prendre des vessies passablement dégonflées pour des lanternes magiques, il importe de laisser parler les chiffres des primaires démocrates de Pennsylvanie, en rappelant que là aussi, la guerre se jouait à la proportionnelle. Selon un premier décompte, en remportant 55 pour cent des voix populaires, Hillary Clinton empoche 80 délégués contre 66 à son adversaire, alors que douze délégués restent à désigner dans les heures à venir. L’arithmétique demeure favorable au sénateur de l’Illinois (1 714,5 – 1 589,5), mais tous deux sont éloignés du chiffre requis (2 024) pour obtenir l’investiture du parti lors de la convention de Denver. En clair : le combat continue, avec pour étapes suivantes, le 6 mai, l’Indiana et la Caroline du Nord. Le gouverneur de l’État, Edward G. Rendell, et le maire de Philadelphie, Michael Nutter, peuvent bien clamer que le vent tourne, il reste à le prouver, même si dans les heures qui ont suivi la proclamation des résultats leur protégée a engrangé, en donations pour sa campagne, trois millions de dollars. Hélas, là aussi, la réalité est bien amère : en mars, Barack Obama a pu réunir 42 millions de dollars, soit le double de la somme levée par l’ex-First Lady, celle-ci demeurant « dans le rouge », avec un passif de 10,3 millions. Non pas que les donateurs se montrent avares – les lobbyistes clintoniens qui font circuler entre eux l’escarcelle appartiennent aux majors du monde de la finance et de l’industrie – ; c’est plutôt la gestion qui s’est révélée calamiteuse. Sur un dollar reçu, ont calculé des spécialistes, la sénatrice dépense 1,10 dollar – et la pile des factures impayées atteint des sommets himalayens, selon un témoin –, alors que son adversaire n’en engage que 70 cents. Un comble pour une femme qui prétend défendre les victimes de l’Alena et de la mondialisation et a déjà mis en branle, en prévision de la prochaine étape, une campagne publicitaire axée sur le thème de l’emploi. Mardi soir dans la bouche de Mme Clinton, les mots fight, fighter, fighting revenaient à intervalles réguliers. Reconnaissons-lui donc ce mérite : c’est une fonceuse. Un peu trop sans doute, bien que cette fois la tactique ait été payante. Il faut dire que les Américains adorent les battants ; cela leur rappelle les grandes épopées des siècles passés écrites au colt et au lasso par d’intrépides cow-boys. Estimant sans doute que, comme pour les attelages, on ne change pas un style qui paie, elle va continuer à taper sur le même clou, comprendre l’affaire Jeremiah A. Wright, ce pasteur illuminé qui fut un temps le mentor spirituel d’Obama, alliance hautement inflammable de Malcolm X et de Louis Farrakhan, qui demandait jadis à Dieu de maudire l’Amérique. Son ancien (et occasionnel) disciple lui a tourné le dos il y a longtemps. Il faut croire cependant qu’il est des ombres qui ne vous lâchent pas, quand ce ne sont pas des amis pas toujours bien intentionnés qui se chargent de les tirer de l’oubli pour les enrôler au service de leur cause. Rien pour l’heure n’indique que la mayonnaise prendra. Au contraire. Ils sont de plus en plus nombreux, les moguls du parti, à voir dans la représentante de l’État de New York un facteur de division de leurs rangs, ce qui ne peut que réjouir leurs alter ego du Grand Old Party. Mark Salter, principal lieutenant de John McCain, conseille, patelin, aux démocrates de « prendre leur temps et de ne pas se presser ». Décrypté, le message signifie : « Continuez à vous étriper, cela fait notre affaire. » L’autre effet de cette lutte fratricide est une série sans précédent de défections dans les rangs des proches de Hillary. Dans la pratique, tout le réseau des amitiés patiemment tissé au fil des deux dernières décennies par l’ancien couple présidentiel est en cours de décomposition. Le dernier en date des rats à quitter le navire en perdition aura été la superdéléguée Nancy Larson, passée dans le camp obamiste et qui relate sa brève conversation avec une Chelsea Clinton ne cessant de lui répéter, comme s’adressant à elle-même : « Pourquoi ? Mais pourquoi ? » Simplement parce que les quelques centaines de grands représentants capables de faire pencher la balance ont entrepris d’écouter la voix des électeurs. Dans sa pub mettant en lice Oussama Ben Laden, Hillary Clinton cite une phrase célèbre de Harry Truman : « If you can’t stand the heat, get out of the kitchen. » Elle vient de prouver qu’elle pouvait supporter la fournaise électorale. Le Parti démocrate pourra-t-il en dire autant ?
Elle rayonne et pavoise : « C’est un grand pas en avant qui va transformer le paysage. » Il louvoie et botte en touche : « Nous pouvons être un parti qui dit ou fait tout pour gagner, ou nous pouvons nous focaliser sur pourquoi gagner. » Transformer une victoire acquise d’avance en tsunami ou considérer une semi-défaite comme une simple leçon à retenir, les « spin doctors...