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Actualités - CHRONOLOGIE

Le Bolchoï s’ouvre à la langue française avec un «Carmen» international

Carmen de Bizet est l’un des opéras les plus populaires au monde et le grand théâtre de Moscou, le Bolchoï, l’a programmé plus de 1 000 fois en moins d’un siècle. Pourtant la première, prévue hier mardi, a brisé un tabou inédit en ce lieu mythique : l’emploi de la langue française. L’enjôleuse Carmen, malgré sa notoriété, n’avait plus agité ses castagnettes sur les planches du Bolchoï depuis les années 80, si bien que cette nouvelle mise en scène avait, quoiqu’il advienne, peu de chances de ressembler aux précédentes. Et de fait, le spectateur en quête de sensations ne sera pas déçu par cette production plutôt extravagante où se croisent des «?pom-pom girls?» en rose vif et paillettes, un engin élévateur brandissant l’effigie du «?toreador?» et des contrebandiers d’inspiration vaguement sado-maso, arborant cuir, tatouages et matraques. Aussi, la gitane ne s’exprime plus en russe, comme ce fut le cas jusqu’au début des années 90, l’ancienne politique du Bolchoï exigeant la traduction de tous les opéras étrangers. Si la troupe moscovite a depuis déjà à son actif quelques opéras dans d’autres langues, c’est la première fois qu’elle s’essaie à celle de Molière. Autre changement notable, la mise en scène fait une croix sur les dialogues chantés utilisés jusqu’ici, leur préférant des échanges parlés, conformément au souhait de Georges Bizet lui-même. De quoi réjouir l’oreille par un bel éventail d’accents puisque la principale interprète de Carmen, Nadia Krasteva, est une Bulgare, et celui de Don José, Gerard Powers, un Américain. Cette huitième production de Carmen au Bolchoï – ou en l’occurrence sur la scène provisoire qu’il occupera encore jusqu’en novembre 2009 en attendant la rénovation de ses locaux historiques – a été confiée à deux invités : le chef d’orchestre péterbourgeois Iouri Temirkanov et le metteur en scène britannique David Pountney. Le premier, principal invité du théâtre moscovite actuellement, est souvent présenté comme conservateur, tandis que le second est «?célèbre pour sa façon de bousculer la tradition?», souligne-t-on au Bolchoï. Iouri Temirkanov n’a d’ailleurs pas fait mystère devant la presse qu’il trouve personnellement?«?bête?» de présenter un opéra dans une langue inconnue du public, mais admet que «?telle le veut la mode des 50 dernières années?» et qu’en outre «?il ne serait pas bien de corriger Bizet?». David Pountney, pour sa part, se défend d’être un metteur en scène «?radical?», estimant qu’il y a dans le monde de l’opéra «?des gens bien plus fous que (lui)?» et se félicite que le retour aux dialogues parlés restitue «?la vie théâtrale particulière et rythmée entre les personnages?» voulue par l’auteur lors de sa présentation initiale à l’Opéra Comique de Paris en 1875. Mais avec ce retour aux sources, il ne craint pas de bousculer un peu le spectateur, par des décors très confinés et surtout en présentant une gamme de costumes déconcertante, de la très sage Michaëla déguisée en Alice au pays des merveilles à Carmen ultrasexy dans une robe de dentelle noire transparente et de longues bottes de cuir. La principale intéressée, Nadia Krasteva, qui a chanté de nombreuses fois Carmen ne se montre pas du tout décontenancée par cette approche, même si elle reconnaît qu’elle est «?plus avant-gardiste, plus moderne?» que ce qu’elle a pu faire dans le passé. «?Ce personnage m’est proche?», explique-t-elle. Et cette héroïne, créée par l’écrivain français Prosper Mérimée au XIXe siècle, a encore bien des choses à dire sur la société d’aujourd’hui et sa vision de la liberté, notamment en Russie où le corps de la femme s’affiche partout dans la rue, mais n’est qu’une pâle version commerciale de la vraie liberté incarnée par Carmen, souligne David Pountney.
Carmen de Bizet est l’un des opéras les plus populaires au monde et le grand théâtre de Moscou, le Bolchoï, l’a programmé plus de 1 000 fois en moins d’un siècle. Pourtant la première, prévue hier mardi, a brisé un tabou inédit en ce lieu mythique : l’emploi de la langue française.
L’enjôleuse Carmen, malgré sa notoriété, n’avait plus agité ses castagnettes...