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Actualités - OPINION

Impression Manger-bouger

Pendant que nous sommes occupés à compter les buts entre opposition et majorité, une image furtive passe aux informations internationales : pénurie de riz en Turquie. Les gens font la queue. Voilà bien longtemps que l’hémisphère Nord n’a pas connu de famine. Il souffre même de suralimentation. D’où la prolifération de sites du genre www.manger-bouger. Si les nutriments stockés dans l’organisme ne sont pas convertis en kilomètres sur vélo d’appartement, on n’a plus qu’à étouffer dans sa graisse. Consommons donc, mais consumons. Aliments/énergie, voilà un binôme qui a vite fait d’inspirer les docteurs Folamour de la planète. On manque de pétrole ? Il y a trop à manger ? Mais c’est bien sûr ! Il n’y a qu’à convertir les betteraves, le maïs et autres fritures en gasoil. Quand on a passé les repas de son enfance en batailles de petits pois et sculptures de purée, rien d’étonnant qu’on en arrive à transformer les céréales en biocarburants. Ce n’est pas au Bangladesh qu’aurait germé une telle idée. Oublié le temps où nos aïeux bénissaient les aliments, où l’on voyait dans un grain la promesse d’un épi, où il fallait finir son assiette parce qu’il n’y avait rien d’autre, et où, surtout, il était scandaleux de jouer avec la nourriture. Car le Nord a d’abord besoin de bouger. Bouger inerte, s’entend. Bouger motorisé. Avec une telle priorité, tout ce que produit la terre est candidat au patouillage génétique. Avec ou sans plomb, tout ce qui peut finir dans une pompe se transforme en or, pauvre alchimie ! C’était compter sans l’émergence de ces pays du Sud, dont la pauvreté était bien commode aux Nordiques. Leurs populations, naguère habituées à l’austérité, augmentent, s’enrichissent, consomment à leur tour et réclament une meilleure qualité de vie. Mais il y a déjà moins de riz pour tout le monde et les terres arables ne nourrissent plus que les moteurs. À mi-chemin du Nord et du Sud, les Turcs font la queue pour le riz. La terre vient de donner un signal. Elle exige qu’on y retourne, qu’on la retourne, mais qu’on la respecte. Qu’on ne lui fasse pas pousser n’importe quoi. Mère, elle refuse d’engendrer des monstres. Nourricière, elle refuse le sein aux gaspilleurs, aux blasés, aux repus. Manger ou bouger, nous faudra-t-il choisir ? Fifi ABOU DIB
Pendant que nous sommes occupés à compter les buts entre opposition et majorité, une image furtive passe aux informations internationales : pénurie de riz en Turquie. Les gens font la queue.

Voilà bien longtemps que l’hémisphère Nord n’a pas connu de famine. Il souffre même de suralimentation. D’où la prolifération de sites du genre www.manger-bouger. Si les...