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Actualités - CHRONOLOGIE

Une petite île aux paysages grandioses perdue dans l’Atlantique-Nord Bjoern Patursson, dernier « Robinson heureux » de Koltur

Stoïque, le regard scrutant la mer, Bjoern Patursson est le dernier « Robinson heureux » de l’archipel des Féroé, dans l’Atlantique-Nord, tombé amoureux depuis dix ans de son île, qu’il ne veut quitter à aucun prix. À la différence de Crusoe, Bjoern, la cinquantaine, visage d’acteur d’une série d’Hollywood, dit « avoir fait naufrage volontairement » à Koltur, petite île au panorama grandiose et aux falaises abruptes qui tombent à pic dans l’océan, paradis des macareux, cormorans huppés, sternes arctiques et goélands. Il habite depuis 1997 avec sa femme, Lükka, sur cette terre volcanique, battue par les vents, souvent noyée par le brouillard, où pas un seul arbre ne pousse, et égayée par les seuls cris des oiseaux et le bruit des vagues. Pour leur tenir compagnie, 170 moutons, un chien berger, 26 vaches des Highlands écossais, un taureau et une dizaine de poules perdus dans une île de 2,7 km2, où le mont Uppi à Oyggj culmine à 477 mètres au-dessus de la mer. Dans leur maison en bois du XIXe siècle, au confort douillet, Lükka et Bjoern se disent « comblés », « occupés par leur élevage de moutons et bœufs qui leur procure de la laine et de la viande bio vendue aux habitants des autres îles ». « Comme éleveurs, on ne roule pas sur l’or, mais avec l’apport des touristes, on y arrive », confie Lükka, une jolie quinquagénaire blonde aux yeux bleus. Koltur est « unique » selon les historiens, car seul endroit de l’archipel de 18 îles à abriter un site classé dans son environnement naturel : des maisons en pierre, au toit couvert de tourbe herbue, à la forme d’un drakkar renversé, rappelant la période des premiers envahisseurs vikings vers l’an 900-1000. Selon les écrits remontant à 1584, deux familles habitaient l’île, et jusque dans les années 1800, 40 personnes y résidaient avant de déserter peu à peu pour la ville, attirées par l’industrialisation de la pêche. En 1990, les derniers insulaires quittaient Koltur, propriété de l’État. Quatre ans plus tard, Bjoern, alors directeur financier dans une laiterie avec un salaire de 40 000 couronnes danoises par mois (5 370 euros), voit un reportage sur cette île fantôme. « J’ai grandi dans une ferme et aime bien cette vie dans la nature, c’était une occasion de réaliser mon rêve », pense-t-il. Il demande au gouvernement de se charger de Koltur et s’engage à restaurer et préserver son patrimoine culturel. Sa femme, 50 ans, secrétaire, le suit. Le couple laisse leurs deux filles alors âgées de 14 et 16 ans chez la famille en ville. Bjoern « savoure chaque jour cette liberté, d’être le seul maître à bord, de montrer aux touristes (son) royaume, qu’il compte transformer » en parc national, le premier de l’archipel. Le couple paie au gouvernement la location de son exploitation à un prix « raisonnable » et reçoit « un peu de subsides pour restaurer les maisons » du XVIe siècle de l’île, grande attraction touristique. Dans son bureau, des portables traînent à côté de l’ordinateur : « J’ai la télé, l’Internet à haut débit grâce à une parabole sur le toit pour capter les signaux d’un émetteur placé en haut de la montagne de l’île en face. Sans communication avec le monde extérieur, je ne serais pas resté », assure-t-il. « Moi non plus. Je suis une “Vendredi” primitive, mais qui aime un peu de confort », répond Lükka, la bergère, qui organise sur la toile ses rendez-vous chez le coiffeur, le médecin ou y commande « notamment légumes, fruits et céréales » au supermarché. Trois fois par semaine, le couple peut faire appel à l’hélicoptère de l’État pour aller en ville, moyennant 170 couronnes (22,8 euros) le voyage aller-retour, « soit le prix d’une liaison par bateau entre les autres îles ». Mais le couple a ses « crises aussi... être face à face 365 jours par an, cela crée parfois des étincelles », avoue Lükka. Alors, elle « claque la porte et va faire un tour sur la falaise pour rejoindre Gleen, son chien, et ses moutons, le temps que l’orage passe... ».
Stoïque, le regard scrutant la mer, Bjoern Patursson est le dernier « Robinson heureux » de l’archipel des Féroé, dans l’Atlantique-Nord, tombé amoureux depuis dix ans de son île, qu’il ne veut quitter à aucun prix.
À la différence de Crusoe, Bjoern, la cinquantaine, visage d’acteur d’une série d’Hollywood, dit « avoir fait naufrage volontairement » à Koltur,...