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Actualités - CHRONOLOGIE

Visite de la demeure familiale d’Abouna Yaacoub, à Ghazir Le père Jacques sera proclamé bienheureux le 22 juin au Liban Sandra NOUJEIM

Entrer dans la demeure du père Jacques. Les vieux murs respirent le recueillement. Par la fenêtre se détache le paysage captivant de la mer que le balcon surplombe. Entrer, recevoir la bénédiction de ce lieu de paix qui a vu naître et grandir un homme d’amour et de générosité. Le père Jacques, de son nom initial Boutros el-Haddad, est né en 1875 à Ghazir, ce beau village du Kesrouan perché au flanc de la montagne qui domine la baie de Jounieh. La visite guidée de sa maison familiale – à l’intention spéciale de la presse – se fait sous la direction de sœur Marie Makhlouf, supérieure générale des sœurs de la Croix, et Mgr Béchara Rahi, archevêque maronite de Jbeil. Il s’agit de mieux faire connaître la figure de ce grand capucin, qui va être déclaré bienheureux le 22 juin prochain. Sœur Marie Makhlouf nous sert de guide dans cette demeure libanaise authentique, dans cette demeure qui a vu naître une si riche vocation à la sainteté. Après de brillantes études scolaires, Boutros Haddad voyage en Égypte où il devient professeur d’arabe au Collège Saint-Marc à Alexandrie. C’est la rencontre d’un prêtre indigne qui, soudain, lui révèle sa vocation religieuse : « Je serai prêtre pour racheter ses fautes », décide-t-il. De retour au Liban, il confie à son père sa volonté d’entrer comme novice au couvent des capucins Saint-Antoine-de-Padoue, proche de Ghazir. Malgré la forte opposition du milieu familial, il finit par rejoindre le couvent, où il prend le nom de Jacques. Au premier jour, il promet à Dieu : « J’y entre vivant, je n’en sortirai que mort. » Commence sa vie de dévotion à l’Église qui, progressivement, va atteindre l’héroïsme. Abnégation, piété, charité, obéissance, humour marquent sa vie, raconte un film relatant sa vie, projeté à l’occasion de notre visite. Ordonné prêtre en 1901, ses Supérieurs du Couvent du Kreih le nomment économe général de leurs couvents à Beyrouth et dans la montagne. En 1905, il deviendra directeur des écoles des capucins au Liban. C’est alors que Abouna Yaacoub décide de créer plusieurs petites écoles réparties dans les diverses régions du pays, au lieu d’un seul grand établissement pour de nombreux élèves. Son talent d’administrateur et d’organisateur fait merveille. D’admirables célébrations de la première communion sont ordonnées par lui. « Semez des hosties, vous récolterez des saints », annonçait-il. « Son charisme de prédication » fait merveille. Il écrira plus de 8 000 pages de sermons divers. Conscient de l’importance de la presse, il crée en 1913 la revue mensuelle L’Ami de la famille qui s’occupe jusqu’en 1939 de questions religieuses et morales sous la direction des capucins. Il fonde aussi le Tiers Ordre franciscain qui essaimera dans tout le Liban. En 1914, la Grande Guerre éclate. Ses supérieurs, obligés de quitter le Liban, lui confient la mission des capucins. Quatre ans plus tard, sa constance est récompensée. Les pères français, de retour au Liban, le chargent des orphelinats qu’ils ont fondés la même année en y aménageant des ouvroirs pour les jeunes filles et femmes des villages. Courage et perspicacité caractérisent le travail du père Jacques, quelles que soient les fonctions dont il s’acquitte. Au fond du cœur, une image ne le lâche pas : celle d’une croix gigantesque élevée sur une colline du Liban, un espace « qui serait un lieu de rassemblement pour les tertiaires, (une sphère) de prière pour ceux qui ont décédé pendant la guerre sans accompagnement spirituel ni sépulture et (un foyer) de prière pour les émigrés libanais (…) ». Ce rêve se réalisera et « le couvent de la Croix », où son corps repose aujourd’hui, verra le jour. Il demeure, jusqu’à nos jours, la fondation la plus connue de ce bâtisseur qui a rendu un service unique à l’Église. Il construisait au fur et à mesure que l’argent venait. Il détestait s’endetter, raconte le film sur sa vie. Un jour, se heurtant à de grandes difficultés financières, on lui conseille de s’adresser à une « grande bienfaitrice » vivant en France. Il s’exécutera et recevra... un franc. Une obole qui deviendra son petit fétiche. Une aide infinie Choqué par la précarité d’un vieux prêtre malade placé dans un hôpital public et qu’il devait confesser, le père Jacques l’amène au couvent de la Croix. Progressivement, d’autres prêtres âgés et malades l’y rejoignent et « le grain de blé germe ». Et un jour, réalisant qu’il fallait « des bras et des cœurs » pour assumer le travail de la miséricorde, le père Jacques décide de fonder une congrégation. Assisté par les sœurs franciscaines de l’Immaculée Conception de Lons-le-Saunier, il forme quelques jeunes filles parmi les tertiaires et les institutrices de ses écoles. En 1930, la première unité de la congrégation des franciscaines de la Croix voit le jour. Cette congrégation est aujourd’hui en charge de multiples écoles et hôpitaux. Les statuts de cette congrégation reflètent l’obsession de la solidarité propre au père Jacques, et notamment « l’hospitalisation des prêtres empêchés de continuer leur ministère par suite d’infirmité ou de vieillesse » . Ce sera le couvent du Christ-Roi. Les statuts prévoiront aussi « le soin des malheureux, aveugles, estropiés, anormaux, vieillards, voire les infirmes incurables oubliés par leurs familles et par les hôpitaux ; le soin et l’éducation des orphelins ; et quand nécessaire, l’apostolat par les écoles dans les localités où les sœurs ont une résidence, et à défaut d’une autre congrégation enseignante pouvant assurer ce service ». Un grand homme À l’heure de sa mort, le père Jacques avait déjà créé de nombreuses écoles (notamment le Val Père Jacques – Bkennaya), et de multiples hôpitaux pour handicapés, malades mentaux et personnes âgées. Lors de ses obsèques, en 1954, le nonce apostolique Mgr Joseph Beltrami louera le père Jacques comme « le plus grand homme que le Liban de son temps ait donné ». Proclamé vénérable par le pape Jean-Paul II en 1992, père Jacques, grâce à un miracle attribué à son intercession, va être proclamé bienheureux. Il incarne un idéal de sainteté active, plongée dans le monde, très différente de celles d’un saint Charbel ou d’autres figures monastiques maronites. Notre visite à Ghazir sera par ailleurs marquée par une courte conférence de Mgr Rahi qui a mis en rapport l’esprit pragmatique prédominant dans les milieux journalistiques et l’esprit contemplatif, même au milieu de l’action, de la vocation sacerdotale. L’univers de la presse et celui de la foi religieuse : deux monde apparemment sans rapports, mais qui ont en commun la quête de la vérité, a dit l’archevêque maronite de Jbeil.
Entrer dans la demeure du père Jacques. Les vieux murs respirent le recueillement. Par la fenêtre se détache le paysage captivant de la mer que le balcon surplombe. Entrer, recevoir la bénédiction de ce lieu de paix qui a vu naître et grandir un homme d’amour et de générosité.
Le père Jacques, de son nom initial Boutros el-Haddad, est né en 1875 à Ghazir, ce beau village...