CONCERT - À l’église Saint-Sauveur (Monnot) Avec le quatuor Trait d’union, non à la guerre, oui à la vie…

Un public relativement nombreux a applaudi le quatuor Trait d’union à l’église Saint-Sauveur (Monnot), à l’acoustique remarquablement belle et sans conteste d’une efficace résonance aux sanglots longs des violons, comme dirait le poète… Un concert organisé par ?Event Leb en collaboration avec les Amis de Sourat et dont les bénéfices iront à des associations caritatives. Avec, comme exergue sur le carton d’invitation et le programme, cette phrase-citation de Jean Jaurès?: « L’humanité est maudite si, pour faire preuve de courage, elle est condamnée à tuer éternellement.?» On l’aura compris, il s’agit surtout, par le biais de la musique, de dire non à la guerre, à la destruction, à la mésentente violente et de dire oui à la vie, à la joie, à l’harmonie… Des foudres du dieu Mars aux charmes de la muse Euterpe, la vie reprend toujours ses droits… Devant la superbe iconostase illuminée, quatre musiciens?: aux violons Claude Chalhoub et Marie Belin, à l’alto Raphaëlle Bellanger et au violoncelle Xavier Richard. Au menu, concis et dense, deux œuvres seulement de compositeurs russes, Borodine et Chostakovitch, jetant la lumière sur l’amour et le souvenir des victimes de la guerre… Ouverture avec le Quatuor n°2 en ré majeur d’Alexandre Borodine dont l’œuvre maîtresse reste Le prince Igor. Narration colorée d’un art délicat, tout en demi-teintes et d’une finesse romantique. Quatre mouvements (allegro moderato, scherzo allegro, notturno andante et finale, andante-vivace) pour traduire les intermittences de cœur de celui qui immortalisa la lourde marche des caravanes Dans les steppes de l’Asie centrale et mis le feu, avec un brio inégalable, aux célèbres Danses polovtsiennes. Pour la femme aimée, cet opus chargé de tous les élans du cœur et des ambitions sentimentales d’un couple tendant au bonheur. Du désir d’une rencontre nocturne à un air de valse ondoyant, en passant par le plaisir tonique et chargé de tous les espoirs d’un lever du soleil, la musique de Borodine a le pouvoir de presque tout dire…En touches subtiles, alliant avec dextérité accents modernes et mélodies éternelles empreintes de l’émotion la plus vive. Petit entracte et place au Quatuor n°8 en do mineur op 110 de Dimitri Chostakovitch, musicien témoin de son temps. Cinq mouvements pour traduire le deuil qu’on peut porter aux souvenirs des morts, victimes des horreurs de la guerre. Grande faucheuse injuste, la mort est ici l’axe central d’une œuvre qui secoue les consciences et réveille les notions d’équité, de liberté et de lumière… Des cordes plaintives des violons, du lamento de l’alto, du «?raclement?» du violoncelle se dégage une atmosphère sourde, enrobée de mélancolie et de méditation pour une douleur insupportable. Riche et grave narration d’une vibrante intensité, avec parfois une certaine retenue comme pour ne pas tomber dans des jérémiades sans fonds, mais où pointe constamment la fervente dénonciation des abus du pouvoir de l’homme. Salve d’applaudissements d’un public religieusement recueilli et concerné par cette prestation érigée en un véritable cérémonial contre la violence gratuite et démentielle. En bis, sur l’insistance de l’auditoire, une courte œuvre de Claude Chalhoub, tel un menuet galant, frais et enjoué, avec de charmants éclats vivaldiens baroques, qui tranche sur l’univers sombre et tendu de Chostakovitch. Plaisir de découvrir le talent de compositeur du violoniste libanais Claude Chalhoub qui, embrouillé avec ses cheveux longs aux mèches rebelles, tire sa révérence (avec tous les autres interprètes d’ailleurs), en toute modestie et timidité, dès que sa prestation est finie. Edgar DAVIDIAN