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CORRESPONDANCE - Grande rétrospective de l’artiste portugaise à Washington Qui a peur des femmes croquées par Paula Rego ? WASHINGTON, d’Irène MOSALLI

Figurative, naïve, narrative, engagée, illustrative, naturaliste… la peinture de Paula Rego est tout ceci à la fois. Et Paula Rego est une artiste portugaise, connue et célébrée au Royaume-Uni et ailleurs en Europe. Elle est moins connue aux États-Unis, qui ont voulu combler cette lacune. Ainsi, le Musée national des femmes à Washington lui consacre actuellement une rétrospective groupant une centaine de ses œuvres couvrant une période étalée sur cinquante ans. Née à Lisbonne en 1935, l’artiste fréquente d’abord la St. Julian’s School à Carcavelos (Portugal), puis la Slade School of Art en Angleterre. Là, elle fait la connaissance de son futur mari, le peintre Victor Willing, avec qui elle a vécu de 1957 à 1963. Considérée comme l’un des peintres les plus en vue sur la scène internationale, Rego (aujourd’hui 73 ans) se distingue par une esthétique nourrie d’expériences personnelles et de plusieurs courants artistiques. De même qu’elle s’inspire d’œuvres littéraires, notamment Jane Eyre, Alice au pays des merveilles, Les Bonnes de Jean Genet, l’opéra de Verdi, Rigoletto. À certains moments, elle trempe ses pinceaux dans une douceur enivrante, à d’autres dans une agressivité impressionnante. Entre fausse naïveté et fausse « narrativité », elle commence ses toiles par une histoire, un événement, un titre et finit par brosser la complexité de l’existence et la précarité des émotions, notamment du côté de l’univers féminin. Et si les corps des femmes qu’elle peint sont bien en chair, c’est pour dire le poids d’une existence qui n’est pas à leur avantage. L’environnement où elle les place est également fait d’éléments écrasants : tissus lourds et autres accessoires massifs traités en couleurs fortes. Une tension sans relâche Ses toiles sont surprenantes par leur réalisme sarcastique, qui veut dépasser les apparences et recherche la vérité du sujet. Pour cela, elle s’adonne souvent à des mises en scène à la fois réfléchies ou coups de poing pour renforcer la dramatisation de la composition. À noter que les visiteurs de l’exposition ont droit à une audio qui permet d’écouter la présentation des toiles par la voix de l’artiste. Présentation qui révèle son processus créatif. Ainsi, de sa toile intitulée Le singe rouge qui bat sa femme, elle dit : « Il est furieux parce que sa femme, adultère, est revenue avec un bébé qui n’est pas le sien. Comme rapporté par mon mari qui a été longtemps dans l’armée, c’était là le sujet d’une pièce de théâtre qu’on montait entre soldats. » Une autre blessure féminine, celle de Regarder vers l’extérieur. Amoureuse d’un prêtre dont elle devient enceinte, une femme est condamnée à rester dans une chambre. Son seul passe-temps, se mettre à la fenêtre : les passants ne pourront voir que son buste car, « à partir de la taille, elle est marquée par le sceau de la honte ». Il y a aussi une évocation des Bonnes de Jean Genet, qu’elle lit ainsi : « Dans cette image surréaliste, il y a toutes les femmes. » Sa Jane Eyre, qu’elle « admire et qu’elle trouve brave et courant vers son destin », est saisie sous cet aspect. Dans Les autruches dansantes, inspiré par le film Fantasia de Walt Disney, les oiseaux longilignes deviennent des ballerines costaudes ployant sous la fatigue. Et ce qu’elle appelle un Ange, c’est une femme aux aguets et sur la défensive, tenant une épée. Le pinceau de Rego se laisse aller à ces renversements de situation qui créent une tension sans relâche, qui mènent à se demander, à la manière d’Edward Albee, qui a peur des femmes croquées par Paula Rego ?
Figurative, naïve, narrative, engagée, illustrative, naturaliste… la peinture de Paula Rego est tout ceci à la fois. Et Paula Rego est une artiste portugaise, connue et célébrée au Royaume-Uni et ailleurs en Europe. Elle est moins connue aux États-Unis, qui ont voulu combler cette lacune. Ainsi, le Musée national des femmes à Washington lui consacre actuellement une...