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CONFÉRENCE À l’Instituto Cervantes, Maruja Torres et Joumana Haddad discutent de « Presse et littérature » Double plumes et double « Je »

Entre écriture journalistique et littéraire, leur cœur balance. En fait, c’est surtout le cas de Maruja Torres, journaliste espagnole, correspondante du quotidien El País à Beyrouth, et romancière à ses heures perdues. Pour Joumana Haddad, poète, journaliste, traductrice et responsable de la page culturelle du quotidien an-Nahar, il n’y a pas d’hésitations : c’est la poésie qu’elle préfère. Le journalisme est pour elle uniquement une activité alimentaire, « un boulot pour survivre », affirme-t-elle crûment. Très crûment même, car l’incandescente poétesse a utilisé la métaphore extraconjugale pour qualifier sa relation aux deux genres d’écritures qu’elle pratique. Invitées par l’Institut culturel espagnol et l’ambassade d’Espagne à témoigner de leurs expériences à la fois similaires et différentes, Maruja Torres et Joumana Haddad ont exposé le rapport qu’elles entretiennent chacune avec ces deux domaines d’écriture que sont l’article journalistique et l’œuvre de fiction. Pour la première, qui a entamé sa carrière en 1964, le journalisme est « la passion » de sa vie. « C’est la rue, le terrain, la vie. Dans ce domaine, c’est surtout ce qu’on voit qui est important, le témoignage qu’on va en rapporter. Ce n’est pas le style qui compte le plus dans un article de presse, mais les faits racontés en toute objectivité, la réalité de ce que j’écris. Je dois m’assurer que je n’ai rien inventé », soutient-elle. « Tandis que la littérature, c’est la maison. C’est l’écriture intime, personnelle, ciselée comme un bijou. C’est l’imagination, la liberté du sujet, du choix des idées... » Même si entre l’écriture journalistique et littéraire, la différence existe pour Maruja Torres – auteur de plusieurs romans, dont Oh, es él (Oh, c’est lui), inspiré du chanteur Julio Iglesias, d’un roman à caractère autobiographique, Un calor tan cercano (Une chaleur si proche), ainsi qu’en 1999 de ses mémoires de reporter de guerre au Liban et au Panama sous le titre Mujer en guerra : Más Masters da la vida) – le clivage n’est sans doute pas aussi tranché qu’il ne l’est pour Joumana Haddad. En effet, la journaliste et poète libanaise avoue une certaine schizophrénie dans ses allers-retours permanents entre les deux univers, a priori antinomiques, que sont la presse et la poésie. Même si, selon elle, « cette idée que la différence entre presse et littérature est la différence entre ce que nous vivons et ce que nous imaginons n’est pas très juste. En poésie aussi, il s’agit de capter un certain vécu et de le reproduire en vers ». Le mari, l’amant, la rue et la maison Pour ces deux plumes, qui taquinent l’une la muse, l’autre la prose romanesque, le seul point de rapprochement est leur conviction partagée que la pratique journalistique peut enrichir, dans un certain sens, le vocabulaire du romancier et même du poète, par l’attention soutenue qu’elle accorde aux mots, qui doivent être concis, précis, adaptés. Pour le reste, si l’une avoue préférer « regarder, regarder et regarder encore pour retranscrire la vérité de la réalité dans mon compte rendu, même si, souligne-t-elle, il est parfois plus facile de dire la vérité de la vie dans un roman », la seconde confesse devoir se retenir, « faire preuve de force, de persévérance et de pragmatisme pour ne pas me consacrer totalement et de manière suicidaire à la poésie ». Cette poésie que Joumana Haddad pare de tous les attraits d’un « amant brun, latino, excitant, qui a une Harley, qui trouve toujours des manières de me stimuler et de me provoquer ». Alors qu’elle compare – poétiquement ? – le journalisme « à un mari, blond, anglais, qui porte des cravates, écoute Mozart 24h sur 24, préfère suivre le match de football le dimanche après-midi plutôt que de me faire l’amour. En résumé, un mari ennuyeux, prévisible, pesant, bureaucratique et monotone, avec qui je reste parce qu’il faut que j’aie un mari ». Une conférence sous forme de confidences, qui aura peut-être apporté à certains, notamment par le biais de questions posées par le public, un léger éclairage sur les différentes facettes de la pratique de l’écriture. Z. Z.
Entre écriture journalistique et littéraire, leur cœur balance. En fait, c’est surtout le cas de Maruja Torres, journaliste espagnole, correspondante du quotidien El País à Beyrouth, et romancière à ses heures perdues. Pour Joumana Haddad, poète, journaliste, traductrice et responsable de la page culturelle du quotidien an-Nahar, il n’y a pas d’hésitations : c’est la...