COLLECTIONS Printemps-été grenade pour Rabih Kayrouz Page réalisée par FIFI ABOU DIB

On en connaît peu qui aient à ce point le goût du risque. Rabih Kayrouz est un cascadeur de la haute couture. Plaira, plaira pas ? Ce jeune styliste qui a fourbi ses armes chez les plus grands, de Chanel à Dior, n’en fait qu’à sa tête. Si ça ne l’amuse pas, c’est pas bon. Aussi, chaque saison, il y a suspense à l’atelier. Quand Kayrouz déboule avec tissus et cartons, c’est moins une collection qu’un défi qui commence. Défi de la gravité, défi des principes de la couture, défi contre les tendances, les déjà-vu, le prévisible et l’attendu. S’il fallait trouver un fil conducteur pour donner cohérence à ses délires, il serait assurément dans cet Orient des années cinquante, qui du Caire à Beyrouth reflétait Paris avec un je-ne-sais quoi d’exotique. Ce printemps, il a dit « grenade ». Cette pomme surmontée d’une couronne : une mendiante déguisée en reine. Ce fruit vermeil, dont la robe se décline du rouge à l’or, en passant par les roses, a quelque chose de solaire qui le rend irrésistible. Pour Kayrouz, il est la tentation biblique, et qui dit tentation dit séduction. Avec la complicité de la designer Rania Sarakibi, la grenade se décline en colliers, en broderies, en mousselines trempées dans l’eau de rose, en coulées de paillettes rouges dont l’effet liquide évoque un jus sucré-acide. Des pliages origamis évoquent la corolle de la grenade sur des robes noires à l’architecture mystérieuse. Un zeste de vert anis fouette les couleurs sombres sur des dentelles complexes qui adhèrent à la peau comme un tatouage. Et que fera-t-on de ce rouleau de plastique imprimé ? Plastique ? Une soie laquée commandée en Suisse, à faner les fleurs de jalousie. Qui dit grenade, dit explosion. Comme toujours, il y aura de la joie, un brin de folie, un air d’Asmahan et d’Oum Kalsoum, quelque chose d’explosif et de libérateur contenu dans le fruit fétiche. Qu’on se le dise, c’est du grand Kayrouz qui nous est proposé ce printemps.