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Actualités - OPINION

L’ÉDITORIAL de Issa GORAIEB À double tranchant

À malappris, malappris et demi, c’est rigoureusement de bonne guerre. Par conséquent, le Liban prendra tout son temps pour examiner la question sous tous ses angles, le Liban se fera prier avant de faire connaître la suite qu’il donnera à la tardive, la tortueuse, la cavalière invitation à prendre part au sommet arabe du 29 mars que lui a adressée le pays hôte, la Syrie. Pour montrer le peu de cas qu’elle fait de notre pays, cette dernière n’aura pas ménagé ses effets : libellée par le chef du gouvernement (et non de l’État) syrien, colportée par une vague estafette, l’invitation n’a pas été remise directement, comme on sait, à son destinataire, le Premier ministre Fouad Siniora. Cette intolérable corvée a été laissée à un ministre des Affaires étrangères s’entêtant à gérer de la plus étrange des manières une démission vieille de quinze mois déjà : tantôt absent, tantôt présent (et même omniprésent !) on peut se demander comment le brave Monsieur Salloukh arrive à s’y retrouver lui-même. Une chose est certaine : c’est bien l’absent qui s’est complaisamment chargé de parachever l’affront syrien en faisant suivre à son tour le courrier par porteur, au lieu de le remettre en mains propres à son destinataire. Mais trêve de lamentations sur les bonnes manières qui se perdent, même si nombreux sont ceux qui voient dans la grossièreté du procédé une raison plus que suffisante de bouder le sommet de Damas. Si le gouvernement libanais a opté pour l’expectative, c’est principalement parce qu’il attend d’être fixé sur ces deux points : l’issue, bien que tristement prévisible, de cette convocation du Parlement, la 17e du genre, à un scrutin présidentiel programmé pour le 25 courant ; et le niveau de représentation qu’adopteront, pour leur part, les ténors du camp modéré arabe. À ces incertitudes s’ajoute cependant le fait que les violons sont loin d’être accordés sur la question, au sein même du 14 Mars. Les arguments invoqués par les partisans du boycottage, et à leur tête Walid Joumblatt et Samir Geagea, ne manquent certes pas de poids. Les sommets arabes n’ont jamais rien réglé en profondeur, et ne sont guère davantage que l’occasion de laborieux compromis sitôt réalisés, sitôt oubliés. Un Liban sans président y ferait, irrémédiablement peut-être, figure de parent pauvre. Mieux encore, qu’il soit ou non doté à temps d’un président, il serait aberrant et même choquant que la victime se rende chez son tortionnaire, du moins aussi longtemps que celui-ci n’aurait pas fait amende honorable, qu’il ne se serait pas résigné une fois pour toutes à l’idée d’un Liban indépendant, souverain, maître de ses destinées et doté lui aussi de frontières sûres et reconnues : formule concédée depuis des décennies déjà à l’ennemi israélien, mais obstinément refusée au pays frère que le nôtre est supposé être... Mais en revanche, ce sommet n’est-il pas précisément, pour le Liban, une occasion rêvée d’aller clamer son droit là même où il lui est dénié, d’exposer ses griefs, d’étayer ceux-ci de preuves irréfutables, de le faire qui plus est en prenant à témoin l’ensemble de la communauté arabe ? Quelle portée aurait une absence libanaise qui serait bien la seule ? Et quel allié du Liban pourrait-il, mieux que le Liban lui-même, avec autant de sincérité, de conviction et de détermination qu’y mettrait le Liban, mettre le doigt sur la plaie qui le ronge ? C’est dire que si la désinvolture syrienne avait pour objet d’embarrasser les Libanais (et il faut convenir qu’elle y a passablement réussi), la meilleure des parades devrait consister à faire d’un témoignage libanais devant le sommet un motif de gêne encore plus sérieux pour la Syrie. Issa GORAIEB
À malappris, malappris et demi, c’est rigoureusement de bonne guerre. Par conséquent, le Liban prendra tout son temps pour examiner la question sous tous ses angles, le Liban se fera prier avant de faire connaître la suite qu’il donnera à la tardive, la tortueuse, la cavalière invitation à prendre part au sommet arabe du 29 mars que lui a adressée le pays hôte, la Syrie....