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À Tyr, Tebnine, Bint Jbeil et Rmeich, on prépare les stocks de nourriture et les passeports Pour les habitants du Sud, la guerre avec Israël est devenue une obsession

Les habitants du Liban-Sud se préparent à une éventuelle guerre avec Israël. À Tyr, Tebnine, Bint Jbeil et Rmeich, les habitants craignent le pire. Ils s’inquiètent et prennent – dans la mesure du possible – leurs précautions. Beaucoup ne savent pas où ils se réfugieraient s’il y avait une offensive israélienne, d’autres ont renouvelé leurs passeports, notamment les habitants de Bint Jbeil et de Tebnine, qui ont de la famille à l’étranger. Il y a aussi ceux qui ont loué des maisons loin du Liban-Sud. Dans certaines localités, les habitants ont commencé à faire des stocks alimentaires, c’est le cas de Rmeich, qui avait reçu des milliers de réfugiés durant la guerre de juillet 2006. Tyr était une ville coupée du monde durant la dernière offensive israélienne. Dans la zone industrielle de la localité, trois hommes disent qu’ils attendent « les Israéliens de pied ferme ». Tous les trois sont libanais, mais l’un d’eux porte la nationalité suédoise alors que les deux autres sont nés à Berlin et détiennent la nationalité allemande. Ces Européens d’origine libanaise soutiennent jusqu’au bout le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, et vouent comme leurs autres camarades de Tyr et du Liban-Sud une grande admiration pour le chef du CPL, le général Michel Aoun. Faouzi, qui est né à Berlin, montre sa carte d’identité libanaise et ses photos en kalachnikov et en treillis militaire. « J’étais là durant la guerre de juillet 2006. Je ne suis pas parti en Allemagne. Et s’il y a encore des combats, je me battrai », dit-il. Les femmes et les enfants des trois hommes, qui travaillent dans le commerce de voitures, se trouvent actuellement en Suède et en Allemagne. Un peu plus loin, toujours dans la zone industrielle de Tyr, des hommes et des femmes prennent ensemble le café. Khadigé, qui porte un foulard à fleurs, s’inquiète. « S’il y a la guerre, on ne sait pas où aller. En juillet 2006, nous avons été reçus à Beyrouth. Cette fois-ci, serons-nous aussi bien accueillis ? » se demande-t-elle. « Sincèrement, si la guerre éclate, nous aurons peur de nous rendre dans la capitale », ajoute-t-elle. Tayssir indique : « Nous nous sommes habitués à la guerre. La dernière fois, nous avions fui… jusqu’à Tripoli, mais aucun membre de ma famille n’a été en Syrie. » La route sillonne les localités de Tyr, arrive jusqu’à Tebnine, premier village du caza de Bint Jbeil et village natal du président de la Chambre Nabih Berry. Ici, la plupart des habitants ont de la famille aux États-Unis. Et beaucoup ont renouvelé leurs passeports. Vider le Sud de ses chiites Ali, qui possède plusieurs magasins, indique : « Ici tout le monde a peur de la guerre, et celui qui raconte le contraire ment. La guerre est devenue notre obsession. Nous ne pensons plus qu’à ça. » Ali, qui vit avec sa femme et ses deux fils, a une fille au Canada. « Si la guerre éclate, je ne veux pas quitter ma maison. J’ai passé 34 jours à Beyrouth, entre juillet et août 2006. Je ne veux plus être humilié, je ne veux plus être accueilli chez des gens même si ces personnes sont des parents à moi. Je veux rester chez moi », martèle-il. Ali s’inquiète de beaucoup de choses, de stocks qu’il n’arrive pas à faire à cause de la crise économique et des abris dont le Liban-Sud n’est pas pourvu. « Si nous voulons faire la guerre, il nous faudra des abris, contre les bombes de l’aviation israélienne… Ce que nous n’avons malheureusement pas », dit-il. Un peu plus loin à Tebnine, dans un restaurant qui vend des falafel, Ahmad raconte qu’il a fui au 18e jour de la guerre en 2006. « Cette fois-ci je ne partirai pas. Israël et le gouvernement libanais ont un plan. Ils veulent vider la zone de ses chiites. Vous savez, nous sommes une minorité au Moyen-Orient… Les femmes et les enfants auront la liberté de partir… Si jamais ils ne sont pas reçus au centre-ville, nous riposterons et il y aura une confrontation entre les chiites et les sunnites », dit-il convaincu. Ahmad raconte que beaucoup de ses voisins ont commencé à louer des appartements hors du Liban-Sud, « mais pas au Chouf… Vous savez, dans certains villages là-bas, on ne loue pas aux chiites », dit-il. Samira a de grands yeux verts. Elle tient une cédéthèque. Elle raconte que beaucoup de ses voisins ont déposé des demandes de passeports alors que d’autres ont loué des maisons hors du Liban-Sud. « Mes parents habitent Beyrouth. J’ai fui chez eux durant la guerre de 2006 », raconte-t-elle. « Je ne veux plus fuir, je ne veux plus être humiliée. Certains disent que le Hezbollah a fait face à Israël ; que l’on ne se leurre pas, nous avons perdu la guerre… Je voudrais savoir à quoi a servi toute cette destruction », s’insurge-t-elle. Elle raconte encore : « La Finul a peur. Nous pensions qu’elle nous protégeait. Il faut voir les soldats… C’est comme s’ils avaient besoin d’être protégés… » De la farine, des bougies et de l’eau Un peu plus loin se dresse Bint Jbeil, chef-lieu de caza. La localité avait été quasiment détruite par les bombardements israéliens en juillet 2006. Aujourd’hui, elle est en pleine reconstruction, grâce aux fonds versés par le Qatar. Dans cette ville, symbole de la résistance pour le Hezbollah, beaucoup d’habitants ont préparé leurs passeports pour partir en cas d’offensive israélienne. Certains iront chez des parents aux États-Unis, d’autres en Égypte. Hassan a trois enfants âgés de 6 à 13 ans. Il a fait cinq passeports, il y a trois semaines, pour lui, sa femme et ses enfants. S’il y a la guerre, il partira. « Ma maison se trouve à l’orée du village, en face d’Israël. Il y a deux ans, je suis parti à Souk el-Gharb. La prochaine fois, je quitterai le pays », dit-il résolu. Hassan, à l’instar d’autres personnes du village, s’inquiète. Assis avec un groupe d’amis, il se demande quel sort réservera-t-on aux habitants du Liban-Sud. Kamar indique : « La dernière fois, je suis partie en pantoufles de chez moi. Je me suis réfugiée dans le Chouf. Je ne veux plus quitter ma maison. Je veux vivre tranquille. » À côté d’elle, Fatmé, septuagénaire, enchaîne : « Ma maison a été détruite à trois reprises. En 1978, en 1982 et en 2006. J’habite chez mon fils, en attendant la reconstruction de ma maison. Je veux rester chez moi une fois pour toutes. Je veux me reposer. J’en ai ras-le-bol des guerres », soupire-t-elle. Son fils, Nidal, n’est pas du même avis. Il dénonce « une guerre menée contre sa propre communauté, un plan visant à vider le Sud de ses chiites », et assure que « cette fois-ci, en cas de guerre, les Libanais appartenant à d’autres communautés n’accueilleront peut-être pas les chiites à bras ouverts… » Sa mère lui coupe la parole. « J’ai habité le Chouf en 2006, chez les druzes, nous avons été très bien accueillis, très bien traités. Si jamais nous sommes obligés de partir, les autres communautés nous accueilleront comme ça a toujours été le cas. Nous sommes tous libanais », dit-elle. Rmeich est situé sur la ligne bleue. Ce village exclusivement maronite de la bande frontalière avait accueilli plus de 20 000 déplacés venant des localités voisines durant la guerre de juillet 2006. La localité, qui compte en été 15 000 habitants, avait manqué de tout, notamment d’eau, de bougies, de pain et d’autres aliments nécessaires durant les 34 jours de guerre israélienne contre le Liban en 2006. Ici, les gens sont amers. « Nous ne nous préparons pas à la guerre. Regardez, Israël est en face de nous, nous sommes habitués au combat », indique Élie, montrant la montagne voisine. « Nous resterons attachés à notre terre, nous ne partirons pas. Nous accueillerons encore des déplacés d’autres communautés, nous résisterons, et l’on nous accusera quoi que l’on fasse d’être des agents d’Israël », s’insurge-t-il. Depuis quelques semaines, les habitants de Rmeich, qui viennent d’encaisser les recettes du tabac, utilisent ces sommes pour faire des stocks. Yvonne, mère de trois garçons, raconte que chaque famille a acheté au moins un sac de farine de 50 kilos. Les habitants stockent aussi de l’eau potable, du sucre, du riz, du lait, des bougies. « Les supermarchés sont vides. À chaque arrivage de Beyrouth, les rayons se vident en quelques heures », dit-elle, alors que ses amies acquiescent . Et s’il n’y pas la guerre, que fera la population de tous ces stocks ? Les habitantes de Rmeich assurent que ça ne sera pas du gâchis. Patricia KHODER
Les habitants du Liban-Sud se préparent à une éventuelle guerre avec Israël. À Tyr, Tebnine, Bint Jbeil et Rmeich, les habitants craignent le pire. Ils s’inquiètent et prennent – dans la mesure du possible – leurs précautions. Beaucoup ne savent pas où ils se réfugieraient s’il y avait une offensive israélienne, d’autres ont renouvelé leurs passeports, notamment...