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Actualités - ANALYSE

ÉCLAIRAGE L’Irak écarté, pour longtemps, du jeu régional

L’ambition historique de l’Irak d’être une puissance régionale est en ruine, cinq ans après l’intervention américaine, et les troupes turques traversent impunément ses frontières tandis que son voisin iranien joue un rôle prééminent dans son avenir. Pour que ce pays, jadis si soucieux de son indépendance, puisse faire respecter ses frontières et retrouve sa place dans une des zones les plus instables de la planète, il faudrait que les violences communautaires cessent et qu’un nouveau sentiment d’unité nationale émerge, estiment des experts. « Il est très difficile pour le moment d’imaginer un rôle régional pour l’Irak », commente le professeur Nabil Younes, du Centre des études stratégiques de l’université de Bagdad. Outre la souveraineté limitée de l’État irakien consacrée par le déploiement d’un contingent de quelque 160 000 soldats américains, la faiblesse des institutions nées après la chute de Saddam Hussein assure son absence sur la scène régionale. « Nous avons besoin de construire un vrai système politique basé sur la démocratie et sur la participation, si nous voulons réaliser des progrès », souligne le Pr Younes. Pourtant depuis des siècles, cette région baignée par deux fleuves, le Tigre et l’Euphrate, qui ont assuré la richesse de son agriculture et la facilité de ses échanges commerciaux, a joué un rôle déterminant dans l’histoire agitée de cette zone de fractures, aux confins des mondes arabe, perse et ottoman. À l’époque du califat abbasside, du VIIIe au XIIIe siècle, Bagdad était le centre du monde islamique et la ville bénéficiait d’un vaste rayonnement culturel, économique et politique. À la chute de l’Empire ottoman, les puissances dominantes de l’époque, la Grande-Bretagne et la France, ont rassemblé au sein d’un seul État trois provinces aux caractères divers : le nord, habité par des populations kurdes, le centre, dominé par Bagdad, siège du pouvoir sunnite, et le sud, région majoritairement chiite. Face à la puissance coloniale britannique, ces différentes communautés se sont liguées dans le soulèvement nationaliste de 1920. Et après la révolution de 1958, qui a chassé la monarchie et mis un terme à l’influence directe des Britanniques, l’Irak s’est installé dans un rôle d’acteur régional incontournable. Frontalier de l’Iran et de la Turquie, rempart stratégique pour l’Arabie saoudite et les monarchies du Golfe, le pays allait rapidement devenir une puissance militaire et développer grâce au pétrole son pouvoir économique. Cette évolution allait conduire les régimes qui se sont succédé à Bagdad à chercher à établir la prééminence d’une nation, forte d’un vaste territoire et d’une population relativement nombreuse. Ainsi, dès son arrivée au pouvoir en 1958, le colonel nationaliste Abdel Karim Qassem allait revendiquer le Koweït comme 19e province du pays. En 1990, Saddam Hussein envahissait le petit émirat, ouvrant pour son pays une période désastreuse qui conduirait à sa ruine. Le contrôle des eaux du Shatt el-Arab, un bras de mer entre l’Iran et l’Irak, allait être une source de contentieux entre les deux voisins pendant des décennies, avant que Saddam Hussein ne l’utilise, en 1980, comme prétexte d’une guerre de huit ans qui allait saigner les deux pays. De même, la concurrence idéologique entre les deux nations tenant du baassisme, la Syrie et l’Irak, allait miner les efforts d’unité du monde arabe, tout comme l’hostilité entre le Caire et Bagdad, à l’époque où Gamal Abdel Nasser se voulait le héraut d’un panarabisme qui mourrait avec lui, en 1970. L’Irak, qui a abrité dans les années 50 le Parti communiste le plus puissant de la région, a également été un des enjeux de la guerre froide et les États-Unis ont appuyé dès 1963 le parti Baas pour éliminer ceux qu’ils voyaient comme des alliés de Moscou. Et il faudra attendre l’effondrement de l’URSS à la fin des années 80 pour que ce risque disparaisse aux yeux des stratèges de Washington. Carlos HAMANN (AFP)
L’ambition historique de l’Irak d’être une puissance régionale est en ruine, cinq ans après l’intervention américaine, et les troupes turques traversent impunément ses frontières tandis que son voisin iranien joue un rôle prééminent dans son avenir.

Pour que ce pays, jadis si soucieux de son indépendance, puisse faire respecter ses frontières et retrouve sa place...