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Actualités - CHRONOLOGIE

Le gouvernement et le ministère du Travail sont tenus de respecter scrupuleusement le code de Sécurité sociale Le conseil d’administration de la CNSS reste en place suivant le principe de la continuité du service public Georges KHADIGE

La Caisse nationale de Sécurité sociale (CNSS) risque-t-elle réellement la paralysie, maintenant que le mandat de son conseil d’administration a pris fin ? À cette question, Me Georges Khadige, ancien président du conseil d’administration de la CNSS, répond sans hésitation par la négative en expliquant le mode de fonctionnement de la Caisse en tant qu’« établissement autonome ». M. Khadige insiste particulièrement sur le principe de la continuité du service public, mais relève que le ministère du Travail a créé un nouveau problème en se contentant de convoquer les employeurs pour élire leurs représentants au sein du conseil d’administration de la CNSS, alors qu’il est supposé convoquer également les salariés afin qu’ils puissent eux aussi élire leurs délégués. Voici du reste les précisions apportées par Me Khadige à propos de la Caisse nationale de Sécurité sociale. Depuis quelque temps, les médias répercutent des informations concernant la situation de la Caisse nationale de Sécurité sociale et présentent cette dernière comme menacée de paralysie et de suspension de ses prestations. Ils parlent aussi de tiraillements politiques et de conflits divers, autant de sujets qui ébranlent la confiance des gens en cette institution vitale pour des millions d’assurés et fondamentale dans la vie sociale du pays. Quelle est la réalité des problèmes que connaît aujourd’hui la Sécurité sociale au niveau de son conseil d’administration et quelles en sont les causes ? La question devrait être traitée loin des interférences politiques et des querelles politiciennes ainsi que des rumeurs qui circulent quant aux velléités de mainmise sur la Caisse ou de projets qui seraient en gestation, tels que sa privatisation et son adjudication à des compagnies d’assurances. L’essentiel est donc pour le moment de clarifier la situation du conseil d’administration et d’indiquer les solutions qui doivent lui être apportées. Or, de l’examen des dispositions du code de Sécurité sociale et spécialement de ses articles 1 et 2, ainsi que des décrets d’application dudit code, il apparaît clairement ce qui suit : 1- La Caisse nationale de sécurité sociale est un « établissement autonome » à caractère social, soumis aux dispositions de sa loi de création et jouissant de la personnalité morale et de l’autonomie financière et administrative. Ce qui veut dire que la Caisse est soumise uniquement à la loi qui l’a créée et qu’on ne peut lui appliquer par analogie aucune autre loi, qui concerne les administrations ou les établissements publics ou même les offices autonomes. C’est précisément pour cette raison que le législateur a pris soin de qualifier la CNSS « d’établissement autonome » et non « d’office autonome », comme cela était courant au moment de sa création, sur base des dispositions du D-L n° 150 du 12/6/1959, et de ne lui donner aucune autre appellation, qui pourrait prêter à confusion, telle que celles qui servaient à désigner les établissements publics. De plus il a pris également soin d’en écarter la qualification « d’établissement public », qu’il ne manquait jamais de préciser pour tous les offices autonomes, tels que l’EDL, qualifiée explicitement à l’article 1 de sa loi de création « d’établissement public » et tous les autres offices ou établissements créés à ce moment-là. De plus, le premier projet de code de Sécurité sociale ainsi que l’exposé de ses motifs disposaient explicitement que la Caisse est un « établissement public », mais dans le texte qui a finalement été promulgué cette mention a été supprimée de même qu’elle l’a été de l’exposé des motifs lui-même, ce qui veut dire que le législateur a délibérément voulu en écarter le caractère d’établissement public, avec toutes les conséquences de droit et lui conférer un statut « particulier » et un « particularisme » qu’il n’est pas possible d’ignorer dans toutes les questions l’intéressant, spécialement quand il s’agit de déterminer l’étendue des pouvoirs d’intervention de l’État dans les affaires internes de la CNSS et de préciser les limites très strictes de ces pouvoirs, telles que fixées par la loi. 2- Partant de là, et ceci est fondamental dans toute étude juridique, la tutelle du ministère du Travail ainsi que celle du Conseil des ministres auxquelles la loi a soumis la CNSS ne peuvent donc s’exercer, selon les termes mêmes de l’article 3 que dans les limites précitées et que la tutelle ne peut être étendue par analogie à d’autres domaines que ceux explicitement fixés et énumérés par la loi et ce conformément à l’adage célèbre, « Odiosa restringenda sunt » et à la doctrine et à la jurisprudence en la matière, qui prévoient clairement que tous les textes restrictifs de pouvoirs, de libertés ou de prérogatives doivent être interprétés restrictivement. 3- Sur base également de ce qui précède, il apparaît clairement que les dispositions du code de Sécurité sociale sont les seules à régir les affaires de la CNSS, à l’exclusion de toutes autres, et que le ministère du Travail ainsi que le Conseil de ministres se doivent de s’en tenir strictement à ces dispositions et qu’en dehors d’elles, ils ne jouissent d’aucune prérogative par rapport à la Caisse et d’aucun pouvoir sur elle. 4- Or le code de Sécurité sociale dans son article 1er, paragraphe 4, confie la gestion de la CNSS à trois organes, à savoir : le conseil d’administration, la commission technique et le secrétariat, qui est soumis à l’autorité d’un directeur général. 5- Le conseil d’administration est l’autorité suprême à la CNSS et le seul détenteur du pouvoir délibératif. Il est constitué selon le procédé dit de la gestion mixte, qui associe les intéressés (patrons et salariés) et l’État dans la gestion de la Caisse, mais dans des proportions très expressives, puisque les intéressés disposent de 20 représentants alors que l’État n’en dispose que de 6, l’ensemble des 26 membres constituant alors une entité indivisible et indissociable. Quant à la désignation des 26 membres du conseil d’administration, elle se fait selon un processus clair, défini par la loi, à savoir que les employeurs et les salariés choisissent leurs représentants au nombre de dix pour chacun des deux groupes et selon une procédure fixée par décret. L’État nomme également par décret ses 6 représentants au dit conseil. Le mandat du conseil est de 4 ans. Il ne peut être ni prorogé ni écourté pour quelque motif que ce soit, mais le nouveau conseil doit être obligatoirement constitué dans les deux mois qui précèdent la fin du mandat en cours, pour éviter toute vacance et permettre au nouveau conseil d’entrer en fonction immédiatement après la fin du mandat de son prédécesseur. De tout ce qui précède, il apparaît clairement que les prérogatives du Conseil des ministres ainsi que celles du ministère du Travail en ce qui concerne la marche de la CNSS sont définies et limitées par les dispositions explicites du code de Sécurité sociale et qu’elles ne peuvent en aucun cas être étendues que par une loi, ce qui veut dire que ni le Conseil des ministres ni le ministère du Travail ne peuvent proroger le mandat du conseil d’administration. Mais ceci ne veut pas dire pour autant, et contrairement à ce qui a été rapporté à tort et qui a provoqué un désarroi chez les assurés, qu’à l’expiration du mandat du conseil et la non-mise en place d’un nouveau conseil, la Caisse est paralysée et ses prestations arrêtées et qu’un vide s’y installe, qui menacerait son existence et exposerait les intérêts des assurés à la perdition. Cela parce que la continuité du service public est un principe sacro-saint du droit administratif, absolument intangible, confirmé par la doctrine et la jurisprudence. Il a d’ailleurs été repris par deux fois par le service des avis au ministère de la Justice en 1974 et en 1987 et le conseil d’administration, dont le mandat s’était terminé en 1974 puis en 1987, sans qu’un nouveau conseil ait été formé, est demeuré en place, sans besoin de décret, d’arrêté ou de décision, jusqu’à la formation d’un nouveau conseil. Cela avait duré du 26 mai 1987 à mai 1988. Ce qui veut dire aussi que l’actuel conseil – et abstraction faite du recours mentionné au paragraphe 8 ci-dessus – dont le mandat a expiré le 26 juin 2007 aurait dû tout simplement demeurer en place et n’aurait jamais dû être « prorogé » à deux reprises par décret jusqu’au 26/12/2007 puis jusqu’au 26/2/2007, de telles prorogations n’étant pas conformes aux dispositions de la loi et ne pouvant pas conférer une légitimité au conseil, cette légitimité résultant du principe impératif de la continuité du service public et non d’un décret pris en dehors des compétences légales en la matière. Dans ces conditions, et comme cela aurait dû l’être dès le 26 juin 2007, l’actuel conseil d’administration a non seulement le droit, mais il a le devoir, de demeurer en place, jusqu’à ce qu’un nouveau conseil puisse lui succéder et aucun décret ou autre ne devrait plus lui proroger son mandat afin de demeurer en conformité avec la loi et avec les principes qui en découlent. Pour se retrouver cependant dans une situation normale, et ne plus avoir à se baser sur le seul principe de continuité, il faudrait faire au plus vite, ce que le ministère du Travail aurait dû faire dès avril 2007, à savoir se conformer aux dispositions de l’article 3 du décret n° 2390 du 25/4/1992, qui stipule explicitement que « le directeur général du ministère du Travail doit, dans les deux mois qui précèdent la fin du mandat du conseil d’administration, convoquer les instances représentatives des employeurs et des salariés à élire leurs représentants au conseil » . Le ministère vient en fait de le faire, mais en ne convoquant que les employeurs et non les salariés, il a créé un nouveau problème, qui a donné lieu à des contestations et des recours en annulation et suscité des polémiques et des malentendus, dont les médias se sont fait, et parfois tapageusement et à coup d’articles ou de gros titres, les échos, au grand dam des citoyens et surtout des assurés. La solution est donc claire et simple et elle est la seule à pouvoir faire de nouveau régner le calme, à apaiser la tempête, à faire cesser les polémiques stériles et à rassurer tous les intéressés : se conformer intégralement et scrupuleusement aux dispositions de l’article 3 susmentionné. Tout rentrera alors dans l’ordre. Mais de là à parler de vide et de paralysie, ceci est tout à fait hors de propos et ne peut avoir que des retombées négatives sur la CNSS et des méfaits, dont on se passerait volontiers. Les autres problèmes suffisent aux citoyens et il est inutile d’en rajouter gratuitement. Quant à la situation de la CNSS à proprement parler, aux réformes qui doivent y être impérativement faites, à l’informatisation à y introduire, au rôle réformateur qui y est demandé à la Banque mondiale et qui, lui aussi, est objet de polémique au sein de la CNSS, ainsi que les autres problèmes qu’affronte cette institution vitale et inéluctable, ce sont de toutes autres questions, qui doivent être traitées indépendamment du problème du jour et des polémiques qu’il a suscitées et qu’il ne cesse de susciter et auxquelles il faut absolument mettre fin au plus vite pour le plus grand bien de l’institution et encore plus pour celui de tous les assurés. Georges KHADIGE Ancien président du conseil d’administration de la CNSS
La Caisse nationale de Sécurité sociale (CNSS) risque-t-elle réellement la paralysie, maintenant que le mandat de son conseil d’administration a pris fin ? À cette question, Me Georges Khadige, ancien président du conseil d’administration de la CNSS, répond sans hésitation par la négative en expliquant le mode de fonctionnement de la Caisse en tant qu’« établissement...