Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

Le retour de la résistance culturelle ? Amine ASSOUAD

Je n’ai pas souffert que l’on ait enlevé la vie à Imad Moghniyé, mort comme il a vécu, par le glaive. Ce n’est pas non plus avec un quelconque agrément que j’ai appris son assassinat. On ne se réjouit pas de la mort d’un homme, quel qu’il ait été, même si je comprends parfaitement le cri de justice de plus d’une mère. Peut-être aussi que les partisans du Hezbollah qui ont distribué des baklawas dans la banlieue sud le jour du meurtre de Gebran Tueni regrettent-ils leur acte. Je ne veux polémiquer sur l’histoire de ce combattant du Hezb maintenant qu’il a quitté notre monde pour rejoindre « cette région où les attachements sont éternels ». J’avoue avoir même un sentiment de désolation pour Moghniyé car il faut convenir que la vie qu’il a menée n’en est pas une et que, au fond de lui, il était plus désillusionné qu’on ne le pense, en proie à des doutes comme tout un chacun, aussi forte cette image de lui que l’on cherche à projeter, lâché par ses anciens protecteurs et victime d’une logique incontournable, celle qui veut que le sang appelle le sang. Cependant, le heurt moral que nous fit le dépôt d’une gerbe sur la tombe de Moghniyé à Ghobeyri par des étudiants aounistes de l’Université Saint-Joseph m’a poussé à réagir. Le fait d’avoir voulu un rassemblement autour des cendres de Moghniyé pour fleurir sa sépulture, en s’accommodant d’un procédé quelque peu abusif ; celui d’avoir usé du statut d’« étudiants de l’USJ » alors qu’ils ne tirent leur légitimité d’aucune amicale élue, en dit beaucoup sur leur instinct démocratique. Certes, ils sont libres de leurs actes, de leurs convictions (pour ne pas dire de leurs cultes) et de leurs héros. Mais s’ils tiennent à ce point à être associés à la douleur du Hezbollah, ils auraient pu le faire en leurs seuls noms, en nous épargnant une surenchère inutile parce que je ne peux me persuader qu’ils aient été si affligés par la perte du responsable hezbollahi, et sans susciter l’indignation d’autres étudiants de l’USJ, anciens et professeurs, qui doivent leurs choix moraux à leur seule liberté intellectuelle, qui ne se reconnaissent pas dans le discours enrégimenté du CPL, et qui ne voient dans la vie de Moghniyé aucun exemple. On ne peut prétendre défendre la dignité humaine en usant d’écarts de violence et de moyens qui justement sont tout le contraire de la dignité humaine. Jérusalem n’est pas à ce prix. Aucune cause, aussi noble soit-elle, n’est à ce prix. Après tout, c’est en cela que résident en partie la théologie jésuite et la résistance culturelle initiée par le père Abou sur les campus durant les années d’occupation. Faut-il rappeler qu’à aucun moment, et parmi nous des « étudiants CPL de l’USJ », nous n’avions privilégié des actions de subversion comme méthode de résistance. Ce qu’il y a de plus choquant encore dans l’initiative aouniste, c’est le fait d’avoir voulu associer le nom de l’USJ en portant atteinte à la mémoire même de cette université, en particulier à celle de l’un de ses anciens professeurs. Une affaire proche de l’insulte à la conscience et qui ne fait que remuer une blessure restée au cœur de la rue Huvelin. Je laisse les agissements passés de Moghniyé au procès de l’histoire. Elle seule, avec le recul nécessaire, fera la lumière sur l’époque où le bruit des armes était assourdissant. Mais je voudrais simplement poser une question aux « étudiants CPL de l’USJ » qui se sont rendus à Ghobeyri : « Avez-vous eu, au moment où vous vous penchiez pour déposer au pied de la sépulture de Moghniyé votre couronne de fleurs, une pensée pour Michel Seurat, ce sociologue français venu enseigner en Orient, à l’Université Saint-Joseph, car plus passionné et plus tourné vers Jérusalem que nous tous ? » Je ne leur en veux pas, ces étudiants qui n’ont certainement pas connu Moghniyé et qui, pour la plupart d’entre eux, ont appris son nom à l’annonce de sa mort. Je ne porte aucune rancune à leur égard car je savais déjà qu’un abîme séparait désormais nos convictions. Michel Aoun n’avait d’ailleurs trouvé rien de mieux à dire, le jour de la découverte de la dépouille de Michel Seurat, pour commenter les enlèvements d’otages au Liban, durant les années 1980, et qui ont terni pour longtemps l’image du pays, que ces mots : « Ces étrangers n’étaient pas tous des innocents. » C’est au contraire avec beaucoup d’amour et de soulagement que j’attends leur réponse, car je sais à présent que jamais la pensée de l’auteur de l’État de barbarie, et après lui son alter ego Samir Kassir, autre professeur assassiné de l’USJ, n’a été aussi prégnante. Plus de vingt ans écoulés n’ont pas altéré le souvenir de Seurat. Mais je n’ai à aucun moment imaginé que nous aurions besoin encore d’une résistance culturelle après le retrait syrien. Une grave leçon à tirer : les étudiants de l’USJ ne devraient pas baisser toute vigilance. Nos anciens amis ne nous aurons en effet pas épargnés une atteinte à la mémoire. Amine ASSOUAD Avocat Article paru le mardi 11 mars 2008
Je n’ai pas souffert que l’on ait enlevé la vie à Imad Moghniyé, mort comme il a vécu, par le glaive. Ce n’est pas non plus avec un quelconque agrément que j’ai appris son assassinat. On ne se réjouit pas de la mort d’un homme, quel qu’il ait été, même si je comprends parfaitement le cri de justice de plus d’une mère. Peut-être aussi que les partisans du...