Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

Signature - Demain au campus des sciences humaines (USJ), à partir de 18h30 « De l’identité et du sens » de Sélim Abou Par le Pr Mounir CHAMOUN

Où situer le livre que Sélim Abou signera demain mardi dans le hall du campus des sciences humaines de l’USJ ? Est-il dans le registre de l’anthropologie politique, de l’anthropologie interculturelle, dont l’auteur est un éminent spécialiste, ou de la haute réflexion philosophique ? Inutile de choisir parce que le livre est tout cela à la fois. Le recteur émérite en est à son onzième ouvrage et couronne ainsi par cette nouvelle publication ses recherches en anthropologie culturelle, centrées, depuis près d’un demi-siècle, sur les problèmes de l’identité, préoccupation née, comme il se plaît à le dire lui-même, « de la difficulté d’être libanais ». Quand l’ami Sélim avait achevé sa neuvième production, il me l’avait offerte en me disant que ce serait peut-être son dernier titre. J’avais salué à l’époque ce « peut-être » qui laissait la porte ouverte à sa créativité scientifique. Aujourd’hui, c’est chose faite avec cette admirable vue de Sirius sur la chose anthropologique à la dimension de la planète, où s’expriment à la fois sa maîtrise incontestable de la discipline et son inestimable sagesse dans l’appréciation des phénomènes culturels et de leurs interactions universelles. Pour moi, ce livre tient de l’anthropologie politique avec ses nombreuses retombées sur le plan de la culture et des cultures avec, en place centrale, les valeurs humaines fondamentales recouvertes, sous-tendues ou impliquées dans l’investissement du sujet et de son agir au sein des communautés auxquelles il peut appartenir. Ce livre, dont le projet est né dans une chambre d’hôpital, comme l’avoue son auteur, au moment où le corps trahit l’esprit ou le met en défaut en posant avec acuité le problème du sens, constitue véritablement l’une des approches les plus profondes de la question de l’identité et de ses multiples significations. L’auteur nous livre son analyse dans quinze chapitres courts, organisés en trois parties symétriques, chacune dévolue à une thématique particulière. Ces chapitres sont très fortement documentés et s’appuient sur des écrits de politologues, de philosophes ou d’anthropologues, tous décryptés à l’aune de la critique personnelle de l’auteur et de son sens aigu du discernement. Le champ d’application de cette réflexion est coextensif aux quatre coins du globe, à l’ère de la mondialisation, partout où naissent des conflits identitaires et où la définition de soi en tant que sujet devient difficile en engendrant des déchirures. Les grands ensembles et les regroupements de pays ou de nations y sont traités : les États-Unis et l’Europe, l’Asie, avec le Japon, la Chine, l’Inde, les trois Afriques anciennement colonisées et forcément acculturées, certains États multinationaux ou binationaux, et j’en passe. Dans cette première partie, Sélim Abou analyse en particulier l’articulation du politique et de l’anthropologique et souligne l’effet de certaines dérives de l’idéologie sur la conception même des nations et des États. Comme il souligne que les pays les plus grands du monde « sont des fédérations d’ethnies, de nations ou d’États, où le pouvoir central s’accommode d’autonomies régionales » (p. 133). Inutile donc de rêver à l’homogénéité ou de vouloir éradiquer diversité et particularismes. Cela entraîne nécessairement un examen affiné des « Métamorphoses des concepts identitaires », sujet de la deuxième partie de l’ouvrage. Tous ceux qui connaissent le recteur Abou, ses collègues, ses étudiants, ceux qui ont écouté, au fil des ans, ses discours de la Saint-Joseph, regroupés dans un volume intitulé Les Libertés, savent parfaitement l’ampleur de l’aptitude de l’auteur à manier les concepts avec la plus grande clarté et la précision la plus aiguë. Après avoir discuté le problème du lien de la citoyenneté et de la nationalité, il aborde des problèmes majeurs dont il est difficile de rendre compte dans cette brève présentation tels que : l’acculturation et les difficultés qu’elle entraîne, l’humanisme et sa critique, et particulièrement la question du retour du sujet en dépassement d’une anthropologie structurale, profondément matérialiste. Pour moi, chacun des chapitres de cette partie constitue une leçon magistrale d’anthropologie critique tramée autour des droits de l’homme, de sa dignité et de sa liberté. Continuant dans un crescendo d’importance et de profondeur, la réflexion de l’auteur se concrétise dans la troisième et dernière partie intitulée « Le sens de l’angoisse identitaire ». C’est tout simplement le sens de la vie du sujet et des collectivités qui y est abordé, dans une facture explicitement philosophique. Il y est question des aspirations profondes de l’être humain, depuis les problèmes liés à la sexualité et à la mort, Éros et Thanatos, la position de l’homme face à la transcendance et son aspiration à l’infini et surtout le problème de la reconnaissance si cher à l’auteur depuis le temps où il commente et transmet ce concept essentiel de la pensée de Hegel, philosophe dont Sélim Abou maîtrise si bien la doctrine. Puis de mal en souffrance, l’être humain ainsi décrit tente de parfaire sa nature et de maîtriser sa finitude. Si le lecteur est tenu en haleine dès les premières lignes de ce remarquable ouvrage, c’est qu’il ne peut que se sentir concerné projectivement par la problématique évoquée, celle de son destin propre et celui de l’humanité. Ici, la préoccupation reste essentiellement métaphysique, parce que Sélim Abou, quoi qu’il fasse, quoi qu’il écrive, reste impunément philosophe. Comment alors s’étonner que la dernière phrase de son livre, clôturant le sous-chapitre intitulé « L’espoir », lui le digne fils de saint Ignace, soit pleinement de la veine augustinienne la plus pure et sonne comme un testament : « La vie ne s’arrête pas à la mort : l’espoir s’ouvre à l’espérance et anime l’engagement des hommes et des femmes en faveur de la justice, de la solidarité, de l’amitié et de l’amour. L’amour ne mourra pas. » (p. 305).
Où situer le livre que Sélim Abou signera demain mardi dans le hall du campus des sciences humaines de l’USJ ?
Est-il dans le registre de l’anthropologie politique, de l’anthropologie interculturelle, dont l’auteur est un éminent spécialiste, ou de la haute réflexion philosophique ? Inutile de choisir parce que le livre est tout cela à la fois.
Le recteur émérite en est à son...