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Actualités - REPORTAGE

Hommage - Femme de lettres courageuse et artiste iconoclaste Mai Ghossoub : un météore qui a illuminé le paysage culturel arabe

Éditrice, écrivain, journaliste, sculptrice et dramaturge, Mai Ghossoub (2 novembre 1952-17 février 2007) a traversé la vie tel un météore. Rapidement, fougueusement, illuminant tout sur son passage. Une superwoman comme on n’en fait qu’à New York est née à Beyrouth. Indépendante, créative, audacieuse, Ghossoub illustre parfaitement une autre caractéristique des femmes new-yorkaises : la capacité à encaisser les coups et à se relever sans se détourner de ses idéaux. Quelle meilleure icône pouvait choisir l’Institut des études féminines dans le monde arabe (IWSAW) pour célébrer la Journée internationale de la femme ? Une réunion entre amis, un partage de souvenirs plutôt qu’un hommage officiel « à la granda ». C’est de cette manière que Dima Dabbous-Sensenig, directrice de l’IWSAW, a voulu célébrer, en cette Journée mondiale de la femme, la mémoire de Mai Ghossoub, une intellectuelle partie trop tôt. Ainsi, tour à tour, ce sont les témoignages de Cris O’Connor (représentant l’ambassadrice de Grande-Bretagne, Frances Guy), d’Amada Burrell (directrice du British Council), de Maggie Gee (écrivain), de Abbas Beydoun (poète) et de Roseanne Khalaf (professeur à l’AUB) qui ont raconté la vie et l’œuvre d’une femme qui a vécu « un pied ancré dans l’Occident et l’autre dans l’Orient ». Une femme préoccupée par les problèmes de son temps : la guerre, la politique, le sexisme, le martyre, les arts, la censure, l’exil et la ville. Pour illustrer la manière de penser de Ghossoub, Joseph Jabbra, président de la LAU, a raconté l’histoire suivante : « Vers la fin des années 60, une employée de maison a balancé son propre bébé du haut du neuvième étage. Traitée de monstre par les médias, cette mère infanticide est apparue aux yeux du monde comme l’exemple type de l’horreur et de l’opprobre. Mais pour Mai Ghossoub, qui avait 18 ans à l’époque, cette histoire méritait qu’on s’y attarde un peu, qu’on explore les raisons qui ont poussé la mère à accomplir cet acte. Après maintes investigations, elle a découvert que la jeune femme avait été violée par son employeur, et voulant expier la honte qui la torturait, elle a tué l’enfant qui est né de cette union forcée. Révoltée, Mai Ghossoub a écrit l’histoire de cette jeune femme et l’a proposée aux journaux de l’époque qui ont refusé, à l’unanimité, de la publier. Pourquoi ? Parce que notre pays était en ce temps-là une société dominée par l’homme et il était inconcevable que ce dernier puisse commettre un péché, ou à Dieu ne plaise, un viol. » Selon Jabbra, cet incident aurait profondément marqué Mai Ghossoub. Dès lors, elle n’aura de cesse de défendre les opprimés, certes, mais aussi de montrer l’autre côté du miroir. Ainsi, dans son travail d’éditrice, elle choisissait des thèmes aussi antagonistes qu’avant-gardistes ou provocateurs. Ardente gardienne de la liberté d’expression, Mai Ghossoub brisait les tabous du racisme, de la discrimination, de l’hypocrisie sociale et politique. « Une véritable force créative », a souligné Amanda Burrell, directrice du British Council. « Elle incitait les êtres humains à se juger, à se comprendre d’égal à égal », a noté Cris O’Connor. « Elle seule a eu le courage de publier mon roman qui dénonce le racisme d’une famille blanche british », a témoigné Maggie Gee. « Elle a posé un regard sur ce monde, avec humour et compassion, qui restaure notre foi en l’humanité », a précisé Dima Dabbous-Sensenig. « Femme profondément patriote, elle a réussi à rester égale à elle-même, sans compromis et sans perdre sa compassion », a indiqué Abbas Beydoun. « S’il m’arrive de ne plus croire en un Liban uni, je ne peux m’empêcher d’avoir la foi en Beyrouth », a chuchoté Mai Ghossoub à son amie Roseanne Khalaf quelques jours avant de partir pour un monde sûrement meilleur... Éléments biographiques Née au Liban, Mai Ghossoub est diplômée en lettres de l’Université américaine de Beyrouth (AUB). En 1979, elle s’installe à Londres où elle étudie la sculpture au Morley College. Cet écrivain artiste est également cofondatrice de la maison d’édition « Dar el-Saqi ». Ses sculptures ont été exposées en Europe essentiellement. Nous retiendrons la série de sculptures en fer « Divas » qu’elle a créée en hommage à 5 chanteurs internationaux et qu’elle a exposée en 2001 à Zicco House : Joséphine Baker, Oum Kalsoum, Billie Holiday, Janis Joplin et Édith Piaf. Elle a de même édité plusieurs ouvrages dont Leaving Beirut : Women and the Wars Within (Dar el-Saqi, 2001), un mélange de fiction et d’essai autobiographique. Plus récemment, elle a coédité Imagined Masculinities (Dar el-Saqi, 2006), et a collaboré à l’ouvrage Lebanon, Lebanon (Dar el-Saqi, 2006), ce dernier étant un assemblage de textes de plusieurs auteurs, publié dans le but de collecter des fonds pour les réfugiés libanais de la guerre de juillet 2006. Mai Ghossoub s’est éteinte sur son lit d’hôpital, à la suite d’une opération supposément bénigne, le 17 février dernier. Les hommages dans la presse « Parmi les femmes les plus remarquables de notre temps » (The Independent). « Une femme libre d’esprit, courageuse et rebelle » (The Times). « Un véritable tour de force dans le monde de la littérature et des lettres arabes. Écrivain, artiste et éditrice, elle a communiqué sa passion pour la vie, ses controverses et ses pensées féministes aux rues de Beyrouth et de Londres » (The Guardian). « Mai Ghossoub a réussi un savant mélange entre des éléments de son héritage culturel arabe et une tendance à faire des déclarations provocatrices et hardies, et cela à travers son œuvre d’éditrice, d’auteur, de sculptrice, de journaliste et de dramaturge » (The New York Times). « On la voyait déambuler entre les expositions, les concerts ou les festivals, à Londres ou à Beyrouth, telle une Debbie Harry à New York » (Daily Star). Maya GHANDOUR HERT
Éditrice, écrivain, journaliste, sculptrice et dramaturge, Mai Ghossoub (2 novembre 1952-17 février 2007) a traversé la vie tel un météore. Rapidement, fougueusement, illuminant tout sur son passage. Une superwoman comme on n’en fait qu’à New York est née à Beyrouth. Indépendante, créative, audacieuse, Ghossoub illustre parfaitement une autre caractéristique des femmes...