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Actualités - REPORTAGE

TRAVAUX PUBLICS - Les voitures au Liban ne roulent pas, elles slaloment... Voies impraticables, crevasses profondes, embouteillages monstres : le réseau routier atteint un seuil critique. À qui la faute ?

Au Liban, les voitures ne roulent pas. Elles slaloment entre les nids-de-poule, les crevasses profondes et les caniveaux à ciel ouvert et à grand débit d’eaux usées qui éclaboussent les chaussées, entre les détritus, les branches d’arbres, les collines de gravats et les terres charriées par les eaux pluviales, ou encore entre les carcasses de chiens ou de chats qui jonchent la voie rapide de Baabdate, par exemple. Dans le Grand Beyrouth, plusieurs routes sont coupées à la circulation depuis des mois, et sur certains chantiers, il n’y a presque pas trace d’ouvriers. En résumé, le réseau routier a atteint un seuil critique : ce ne sont que voies impraticables, dangereuses pour les automobilistes, ce ne sont aussi qu’embouteillages monstres. Entre-temps, l’État exige des citoyens de respecter le calendrier de contrôle mécanique alors que tout est fait pour que leur voiture arrive à l’examen dans un état piteux. De sorte qu’à la limite, ce serait plutôt aux autorités concernées de payer aux automobilistes des indemnités pour les graves dommages causés aux véhicules du fait du délabrement des routes… Les négligences sont devenues récurrentes et l’indifférence affichée par les responsables prend des proportions alarmantes. À qui la faute ? C’est au Conseil du développement et de la reconstruction (CDR) que revient la responsabilité de l’exécution du « Projet de développement du transport urbain », lequel englobe l’élargissement des voies publiques et la construction de nouveaux ouvrages dans 19 secteurs du Grand Beyrouth. Quant au ministère des Travaux publics, il est en charge de l’entretien de toutes les voies publiques du pays, c’est-à-dire les routes classifiées internationales, primaires, secondaires et locales, leur réparation et le renouvellement des couches de surface. Les routes dites intérieures relèvent des municipalités. M. Fadi Nammar, directeur général des Travaux publics, indique que les cratères dus aux travaux en cours ne relèvent d’aucune façon du ministère. Celui-ci n’est responsable des voies aménagées par le CDR qu’« un an après leur finition ». De toute manière, « il n’a pas le budget pour réparer toutes les routes défoncées du pays. On fait ce qu’on peut avec une enveloppe annuelle de 20 millions de dollars alors que le coût de la maintenance du réseau routier aurait besoin d’un budget minimal de 120 millions de dollars. On fonctionne avec le dixième du budget nécessaire », ajoute-t-il. Quant à M. Alain Cordahi, vice-président du CDR, il tient à rappeler que l’« immense chantier » lancé par le gouvernement vise à optimiser les capacités de l’infrastructure routière, notamment à travers les aménagements des entrées est, nord et sud de la capitale, et à installer de nouvelles conduites d’eau et d’électricité. Celles-ci datant des années 60 doivent être remplacées selon les besoins actuels de la capitale, dont la densité de population a atteint le seuil de saturation. Il n’en reste pas moins que sur le plan pratique, rien n’est vraiment fait pour sortir d’une situation inextricable dont les citoyens font les frais au quotidien. D’Achrafieh à Antélias en passant par le Musée, le secteur du Palais de justice et Dora, les travaux provoquent des bouchons, suscitent des encombrements, perturbent la circulation et exacerbent la colère. « L’on est certes conscient du fait que les travaux qui se déroulent dans des zones à forte densité urbaine incommodent la population, mais tout cela sera oublié quand on verra les résultats dans les mois à venir », signale M. Cordahi, ajoutant que « l’opération exige du temps et de la patience ». Il souligne aussi que la série des projets est exécutée par des sociétés sérieuses répondant à tous les critères de qualification, qu’elles assurent une prestation complète et maîtrisée, sauf qu’en hiver, à cause de la flotte, « le rythme est ralenti ; il faut un délai de trois à quatre mois entre les couches de bitume pour éviter les ondulations et les fissurations dans l’asphalte ». Il faudra donc attendre le printemps pour déposer « la couche finale » à Achrafieh, ainsi que sur la route Nahr el-Kalb-Faraya ou sur le dernier tronçon de la route Atchane-Baabdate, pour ne citer que quelques exemples. Quant aux constructions massives (béton armé), « elles n’ont jamais été interrompues », même si « parfois des problèmes techniques entraînent des retards dans leur exécution : modification dans le tracé d’un projet ou retard dans la livraison d’un équipement matériel, notamment les câbles de télécommunications pour le tunnel du Musée-Palais de justice ». Signalons qu’une des voies du tunnel a été récemment ouverte à la circulation, et la fin des travaux dans ce secteur est prévue en avril. L’aménagement des deux ponts jumeaux d’Antélias se poursuit. De 400 mètres de long chacun, ils devraient être ouverts au trafic en août 2008. L’opération n’évolue pas aussi vite côté Dora. Les travaux de construction du deuxième pont sont arrêtés. Non pas à titre de « sanctions prises contre les régions opposées à la politique du gouvernement », comme l’a prétendu (étrangement) un député du Bloc du changement et de la réforme, mais à cause d’un litige entre le CDR et l’entrepreneur, lequel, en raison de la hausse des coûts des matériaux, réclame des « rallonges budgétaires ». « C’est un cas de force majeure dû aux variations dans les coûts d’exécution. Le dossier a été examiné et nous aboutissons à une solution juridique et financière. Le pont, dont un tiers des travaux est terminé, sera achevé avant l’été », assure le vice-président du CDR. Les citadins ne seront pas pour autant au bout de leur calvaire. La modernisation de l’infrastructure ciblera bientôt d’autres secteurs de Beyrouth, comme Tayouneh, Sami el-Solh, Sodeco, Béchara el-Khoury-avenue de l’Indépendance, Barbir-Mazraa, l’axe Chiyah-Mar Mikhaël. Mais aussi Jal el-Dib, Zalka, Nahr el-Mott ainsi que les corridors est de la capitale : Mkallès, Dékouané et Galerie Semaan. Cet effort de la part du gouvernement de développer le réseau routier dans les différentes régions du pays est, certes, louable et indispensable. Le problème ne se pose donc pas au niveau de l’opportunité de ces projets, mais plutôt dans leur programmation qui devrait tenir compte des impératifs de la circulation et de la nécessité de ne pas provoquer des perturbations d’une manière concomitante dans les principaux quartiers de la capitale. Une municipalité sinistrée La municipalité de Beyrouth n’a « aucun pouvoir de décision, aucun droit de regard sur les travaux en cours au niveau du réseau routier. Notre rôle se limite à dévier la circulation, à la demande de l’entrepreneur », déclarent MM. Michel Assaf et Abdel Nasser Saad, responsables, respectivement, de la gestion de la circulation et de la maintenance. « Comment peut-on intervenir rapidement quand on manque de matériel, de moyens humains, financiers et techniques ? Nous étions 800 fonctionnaires et employés avant la guerre, nous ne sommes plus aujourd’hui qu’une dizaine. Tout le monde est allé à la retraite et aucune décision n’a été prise pour les remplacer. Notre équipe réduite travaille 7 jours sur 7. Nous sommes à pied d’œuvre pour entreprendre les travaux d’urgence, comme réparer des nids-de-poule ou une fuite d’eau, repaver une section de rue ou de trottoir, écurer un puisard, entretenir les jardins publics et les bâtiments appartenant à la municipalité », soulignent à l’unisson MM. Assaf et Saad qui indiquent, par ailleurs, qu’en raison de la superficie de la ville, du manque de parkings et de la vétusté du transport en commun, il est très difficile de gérer l’afflux d’un million de voitures par jour qui convergent vers la capitale. May MAKAREM
Au Liban, les voitures ne roulent pas. Elles slaloment entre les nids-de-poule, les crevasses profondes et les caniveaux à ciel ouvert et à grand débit d’eaux usées qui éclaboussent les chaussées, entre les détritus, les branches d’arbres, les collines de gravats et les terres charriées par les eaux pluviales, ou encore entre les carcasses de chiens ou de chats qui jonchent...