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Actualités - CHRONOLOGIE

FESTIVAL AL-BUSTAN - Une heure de recueillement avec un répertoire chrétien antique Iégor Reznikoff, intra-muros

C’est dans une atmosphère de silence solennel mais ô combien cathartique de l’église Saint-Jean-Marc de Byblos, que le soliste Iégor Reznikoff, spécialiste de l’art et de la musique antiques, a partagé, avec une audience nombreuse, une heure de recueillement (si rare de nos jours) prouvant encore une fois que la musique et le chant ne sont que prières. Les voûtes arrondies de la cathédrale romane, construite au XIIIe siècle par les croisés dans la ville de Byblos, brillaient de mille feux. L’éclairage d’abord électrique (pour les besoins d’un film) allait laisser la place à une multitude de bougies éparpillées dans la nef. Ce qui faisait dire au soliste : « À chant antique, lumière antique. » Face au tabernacle, puis se retournant vers l’audience, le musicologue, tel un prêtre, allait célébrer la grande messe…du son. Auparavant, il avait pris le soin de situer ce chant antique chrétien occidental dans le temps et l’espace. « Il ne s’agit pas seulement de chants grégoriens comme il est d’usage de les appeler, a-t-il précisé, mais d’une diversité de chants liturgiques appartenant à différentes régions européennes dont le pape Grégoire le Grand était fier. » Il a ensuite ajouté qu’il n’est pas dans les traditions occidentales de chanter des Alleluia en temps de Carême mais, en Orient, les coutumes sont différentes. Avant d’entamer son premier chant, le soliste a détaillé son répertoire. Il allait interpréter trois Alleluia, un Offertoire et un Magnificat. Solennité et prière La voix d’Iégor Reznikoff allait bientôt s’élever. Simple, chaude, humble. Sous les voûtes, entre les allées et dans les recoins de l’église, il allait sonder les murs, être à l’écoute des pierres, lesquelles, à leur tour, se réveillaient en lui rendant son écho. En quête du son juste, l’interprète prolonge ou raccourcit la tonalité. Tantôt évanescent, se dissimulant dans la froideur des pierres, et tantôt guttural comme provenant du tréfonds de soi, le tempo est rythmé par les battements du cœur et ses « résonances » ne sont plus que soubresauts de l’âme. C’est un dialogue intérieur qui s’instaure peu à peu entre la salle et l’artiste. Sublime, purificateur, libérateur. Que ce soit le premier Alleluia qui illustre les lamentations de Rachel pleurant ses enfants disparus mais glorifiant néanmoins le Seigneur, ou l’élévation du dernier Magnificat, où la voix du soliste devient l’écho d’elle-même, tout n’est plus que détachement et offrande. Iégor Reznikoff avoue d’ailleurs avoir choisi cet Alleluia à dessein, pour ce pays qui a eu tant d’occasions de pleurer ses fils et ses filles. Dans le second Alleluia, ce sont les saints qui se réjouissent de la gloire du Très-Haut. Quant au troisième, il s’agissait du bon pasteur qui reconnaît ses brebis. Enfin, l’offertoire est à l’image d’un bouclier car la vérité du Seigneur protège. Et l’on se met à penser à toutes ces légions de moines longeant les allées des abbayes à la recherche d’une seule vérité, unique et supérieure. Dans la voix de Reznikoff, on retrouve les milles chants de ces moines et, dans son souffle, les milliers de prières. D’un geste discret, le soliste rappelle à l’audience de ne pas applaudir durant les pauses, l’invitant ainsi à le rejoindre dans les replis du silence, générateurs de nouveaux sons. C’est à ce professeur d’histoire de l’art, d’archéologie et de philosophie, à ce mystique des temps modernes, qu’on doit la notion de patrimoine architectural sonore. A-t-il retrouvé la parfaite résonance des gammes antiques dans les murs de cette cathédrale au style roman ? Peu importe, l’atmosphère était bonne et le recueillement au rendez-vous. Loin des bruits assourdissants de la ville, par sa voix intérieure, Iégor Reznikoff a réussi à donner un souffle nouveau qui aide à lutter contre la cacophonie envahissante du monde extérieur. Colette KHALAF
C’est dans une atmosphère de silence solennel mais ô combien cathartique de l’église Saint-Jean-Marc de Byblos, que le soliste Iégor Reznikoff, spécialiste de l’art et de la musique antiques, a partagé, avec une audience nombreuse, une heure de recueillement (si rare de nos jours) prouvant encore une fois que la musique et le chant ne sont que prières.
Les voûtes...