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Actualités - CHRONOLOGIE

ENVIRONNEMENT Arcenciel traite dorénavant les déchets dangereux de 40 % des hôpitaux du Liban Suzanne BAAKLINI

Alors que le pays se trouve embourbé dans un enchevêtrement interminable de crises successives et simultanées, l’environnement est sans nul doute, et de manière assez compréhensible, relégué au second plan. Mais certains problèmes environnementaux n’arrêtent pas de s’aggraver pour autant, notamment celui des déchets en tout genre. L’effondrement de tonnes d’ordures du dépotoir de Saïda depuis quelques jours en est un éclatant exemple. On serait, dans ces circonstances, soulagé d’apprendre qu’il y a des initiatives pour régler certains des aspects du problème, surtout s’il s’agit de déchets hospitaliers infectieux, parmi les plus dangereux produits par l’homme. La campagne de panneaux publicitaires récemment menée par l’association arcenciel pour promouvoir le traitement des déchets hospitaliers infectieux est venue rappeler son rôle dans le règlement de ce dossier, qui avait suscité de nombreuses polémiques par le passé : protestation d’habitants contre la pollution générée par les incinérateurs d’hôpitaux, panique causée par la découverte de seringues et autres objets tranchants contaminés sur des plages… La campagne d’arcenciel est évidemment destinée aux hôpitaux, afin de convaincre ceux qui sont encore récalcitrants à se joindre à ce réseau national de traitement des déchets hospitaliers, mais aussi au grand public qui est concerné par cette question alliant les notions d’environnement et de santé publique. En quoi consiste le programme de cette ONG ? Fadi Mojaès, directeur d’arcenciel, et Joseph Boustany, directeur du programme d’environnement, expliquent que l’action de l’association dans ce domaine a consisté en la création de quatre centres de traitement fixes à ce jour et un centre mobile dans un camion. Les quatre centres se trouvent l’un dans la Békaa, à l’hôpital de Rayak (2003), un autre pour Beyrouth à l’Hôtel-Dieu (2005), un troisième au Mont-Liban (2006) et un quatrième, le dernier-né de la série, à Zghorta pour le Liban-Nord (2008). La technique utilisée est celle de l’autoclavage, qui consiste à placer les déchets tels quels dans le stérilisateur, les broyer et les stériliser à la vapeur jusqu’à ce qu’ils soient assimilables aux déchets ménagers. Cette technique est valable pour 90 % des déchets à risque de l’hôpital, les 10 % restants étant traitables soit par incinération (certaines institutions ont toujours des incinérateurs mais les utilisent moins), soit par carbonisation (à une température encore plus haute, pour les médicaments toxiques notamment). Comme cette dernière technique est encore inexistante au Liban, ces médicaments sont actuellement stockés. Pourquoi cette association, surtout connue pour ses activités sociales, notamment auprès des handicapés et de la jeunesse, s’est-elle lancée dans ce domaine ? « Arcenciel s’est positionnée en tant qu’agent de développement durable, parce qu’elle a été convaincue du fait que la réalisation de ce concept, nouveau au Liban, pourrait mener au règlement de nombre de ses crises, explique M. Mojaès. Notre présence dans différentes régions nous a permis d’être en contact avec les besoins des communautés. À la Békaa, nous avons identifié le problème des déchets hospitaliers comme étant un casse-tête majeur avec lequel les gestionnaires de la décharge contrôlée de la ville ne savaient comment se comporter. Nous sommes intervenus auprès de l’hôpital de Rayak pour nous occuper de la gestion de l’autoclave qu’il avait déjà et le rendre accessible aux autres établissements. Cet accord avec l’hôpital a été possible grâce aux efforts de la municipalité. » Du succès de cette première initiative est née l’idée de créer un réseau national, avec un ou plusieurs centres de traitement dans chaque mohafazat. Aujourd’hui, avec ses quatre centres et son centre mobile, arcenciel dessert environ 40 % des hôpitaux du Liban, mais, comme ceux-ci comptent parmi les plus grands du pays, la proportion de lits dont les déchets sont traités est encore plus impressionnante. Ainsi, l’association s’occupe de 1 470 des 1 921 lits de Beyrouth et jusqu’à 75 % des lits de la Békaa. Le centre de Zghorta vient d’être mis en place à l’hôpital Notre-Dame et devrait desservir les hôpitaux du Nord. Sa création a été retardée par la guerre de Nahr el-Bared. Dans ce réseau national, il reste le Sud. « Pour ce mohafazat, nous avons deux possibilités, indique M. Boustany. Ce sera soit la création d’un centre de traitement dans la future station de tri qui sera construite à Saïda, soit un centre à Abbassiyé, dans la région de Tyr, qui bénéficie déjà d’un financement européen. Nous pourrions opter pour les deux. Mais ces projets sont considérablement retardés. » Selon lui, ces centres ne serviront pas seulement leurs régions respectives, mais pourront jouer le rôle de back-up en cas de panne dans l’un d’eux. Des pertes compensées par un financement international Comment une ONG finance-t-elle un tel projet, et quel est le système adopté ? M. Mojaès explique qu’arcenciel, bien qu’étant une organisation à but non lucratif, vend ses services aux hôpitaux afin d’assurer la pérennité du projet. « Mais nous opérons à perte pour garder un prix bas et sommes couverts par des organisations internationales », précise-t-il. Ses partenaires sont principalement le programme LIFE de l’Union européenne, et l’Agence espagnole de coopération internationale (AECI). Le financement international se termine cependant dans un an et l’association réfléchit déjà aux moyens de retrouver des sources pour la seconde étape de son projet. M. Mojaès ne se déclare pas trop inquiet, puisque le projet suscite beaucoup d’enthousiasme, selon lui, auprès des acteurs concernés. Pour l’instant, le prix est fixé à 0,55 dollar la tonne. Il y a encore des hôpitaux qui n’ont pas adhéré au système dans les régions desservies, peut-être en raison des difficultés économiques par lesquelles passent les établissements de santé. M. Boustany rappelle cependant qu’il existe au Liban un décret imposant la nécessité de traiter les déchets infectieux des hôpitaux, le décret 8006 adopté en 2002, amendé par le décret 13389 en 2004. Le bon fonctionnement d’un système de traitement des déchets infectieux passe par la mise en place d’un système de tri au sein même de l’hôpital, afin que les différentes sortes de détritus ne se mélangent pas avant d’accéder au centre (puisque l’établissement produit aussi des ordures ménagères). Pour cela, arcenciel a assuré des sessions de formation du personnel de l’hôpital, notamment les agents de nettoyage, les infirmières et les techniciens de laboratoires. Avec l’aide de l’association, un module supplémentaire a été ajouté par la faculté des sciences infirmières de l’Université Saint-Joseph concernant la manipulation des déchets ménagers. Par ailleurs, arcenciel assure la collecte et le transport des déchets vers les centres de traitement, dans des camions spécialisés. Les quelque 157 hôpitaux du Liban (et autres institutions de santé) produisent par jour une affaire de dix tonnes de déchets hospitaliers dangereux, ce qui n’est pas négligeable. Avec l’initiative d’arcenciel, une partie de ces déchets est décontaminée avant d’atteindre sa destination finale. Mais il faut savoir que les autres finissent le plus souvent dans la nature, devenant des vecteurs de maladie pour l’homme et des sources de pollution indirecte de l’environnement.
Alors que le pays se trouve embourbé dans un enchevêtrement interminable de crises successives et simultanées, l’environnement est sans nul doute, et de manière assez compréhensible, relégué au second plan. Mais certains problèmes environnementaux n’arrêtent pas de s’aggraver pour autant, notamment celui des déchets en tout genre. L’effondrement de tonnes d’ordures...