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Actualités - REPORTAGE

Sur le marché de la Faucheuse, le m2 d’une concession vaut 10 000 dollars à Beyrouth De la nécessité d’une sérieuse « assurance funérailles » pour reposer en paix

Préparez votre départ. Économisez de l’argent, réservez l’endroit où vous souhaitez reposer. Le coût d’un enterrement aura un sérieux besoin d’« assurance funérailles » puisqu’il s’élève à un minimum de trois mille dollars et peut aller jusqu’à 10 000 dollars, et bien au-delà pour ceux qui sont soucieux de « vouloir trop bien faire » et surtout pour ceux qui doivent régler l’acquisition d’une concession funéraire dont la disponibilité limitée (rareté) et le coût prohibitif posent problème. En effet, chez les chrétiens comme chez les musulmans, les cimetières de Beyrouth sont surchargés et pour trouver le lieu de repos éternel, il faut compter entre 6 000 et 10 000 dollars le prix d’un mètre carré. Un homme d’affaires a déjà préparé son gîte ultime, au cimetière des Martyrs, pour 35 000 dollars, stèle non comprise. Un autre a dû faire une donation de 90 000 dollars au wakf et à l’œuvre sociale d’une église afin d’obtenir une concession pour 50 ans, à Achrafieh. Comme eux, beaucoup d’autres s’emploient à installer sur terre des préfigurations du paradis. De tout temps, la gloire éphémère de l’homme s’est exprimée en splendides demeures funéraires : les pyramides d’Égypte, le Taj Mahal, le mausolée d’Halicarnasse ne sont rien que des tombeaux. À une échelle plus modeste, aujourd’hui plus que jamais, il faut de l’argent pour mourir. Même si le royaume des élus ne connaît ni pauvres ni riches, sur terre on conserve une organisation hiérarchique. Ceux qui n’ont pas de caveau familial reposeront dans des tiroirs. Dans la capitale, certains sont loués temporairement, au mois, et le prix de la location peut atteindre les 3 000 dollars/an. Car les tiroirs manquent. « Ils sont pleins. En raison de l’insécurité pendant la guerre civile, les morts n’ont pu être enterrés dans leur circonscription communautaire. Après 1990, nous avons demandé à leurs proches de transférer les dépouilles dans les villages d’origine, mais l’opération n’a pas été souvent possible. Aussi, chaque quelque temps, les restes sont déposés dans une fosse commune, pour laisser place aux nouveaux cadavres », explique le RP Germanos, de Notre-Dame de la Dormition, (Sayidat al-Niyah), rue Makhoul, ajoutant que « la paroisse peut disposer du caveau d’un particulier au bout de quarante ans s’il n’existe plus trace de descendants directs de la famille ». Quant au coût de l’enterrement, officiellement dans toutes les communautés, il n’y a aucune charge pour les nécessiteux. Du reste, en principe, pour tout venant, il n’y a pas de tarif fixe et les prix sont dits facultatifs. Aussi est-il étonnant de constater le malaise que suscite, dans ce domaine, toute enquête comptable auprès des pompes funèbres qui sont et restent les seuls vendeurs sur le marché de la « Faucheuse ». Interrogés, ils se braquent, éludent les questions comme s’il était impudique de regarder la réalité, pour triste qu’elle soit. Ils finissent cependant par exposer solennellement tous les services qu’ils proposent : les démarches administratives auprès du moukhtar et du ministère de l’Intérieur, l’impression des faire-part, la publication de l’annonce nécrologique dans les journaux, la toilette du mort, le cercueil, la pierre tombale, le transport par corbillard avec une équipe de professionnels de l’hôpital ou du domicile à l’église ou à la mosquée, la mise à disposition d’une table et registre à signatures, les couronnes de fleurs, le service religieux, la mise en bière, le repas d’adieu, « particulièrement chez les musulmans où la nourriture, considérée comme un devoir à la mémoire du mort, doit être copieuse ». Certains établissements se chargent aussi de la commande de la stèle personnalisée en marbre ou en granit et proposent la pyrogravure mécanisée qui permet la reproduction de photos en couleur dans la pierre ou la gravure par sablage. La sculpture assistée par ordinateur permet de donner à la pierre la silhouette du trépassé. En ce qui concerne les frais funéraires, on croit comprendre que « le coût d’un grand enterrement, service religieux non compris, peut aller de cinq mille à dix mille dollars. Pour ouvrir le caveau familial et le nettoyer, il faut payer au responsable entre 200 et 300 $. Pour faire célébrer l’office par un évêque, il faut compter 500 à 700 dollars, et ajouter 400 $ pour les prêtres de la paroisse et les diacres qui l’accompagnent ». Pour recevoir les condoléances, la location d’un salon d’église ou d’une maison de culte vaut entre 150 à 1 000 dollars/jour. Le prix d’un cercueil se situe dans une fourchette de 300 dollars à 5 000 dollars, selon qu’il soit en bois local ou en chêne. Pour honorer ses morts, il faut en avoir les moyens. Le crâne à 200 dollars Certaines rumeurs ont fait état de récupération de cercueils dans les cimetières de Beyrouth, mais évidemment aucun préposé aux caveaux n’avoue un tel sacrilège de même qu’ils nient tout commerce d’os de squelette vendus aux étudiants en médecine. Mais ces derniers confirment : « Un crâne est vendu 150 à 200 dollars. » Depuis la préhistoire Les plus anciennes sépultures datent du Neandertal, il y a 80 000 ans. Les gens enterraient leurs morts sous des pierres plates et posaient à côté d’eux des armes, des outils et des aliments. Peut-être croyaient-ils à une seconde existence ? Au paléolithique supérieur, les homo sapiens honoraient leurs défunts en perfectionnant les rites funéraires (visages tournés vers le Soleil Levant et squelettes alignés dans le sens est-ouest). Puis la structure des tombes évolue. La pierre est employée et les tombes s’enrichissent d’objets divers enterrés avec les corps : os travaillés, coquillages perforés, colliers, armes diverses, figurines, etc. Plus tard, les morts sont ensevelis dans des « chambres » funéraires rassemblées dans des sites qui préfiguraient nos cimetières. Puis sont apparues les hautes pierres d’un seul bloc, érigées verticalement : les menhirs. Ces pratiques usitées depuis des temps aussi éloignés témoignent du respect des hommes pour la dépouille et perpétuent le souvenir de ceux qui meurent. L’incinération au lieu de l’inhumation Pratiquée couramment par les hindous et les bouddhistes, l’incinération reste le moyen le plus économique en termes d’obsèques. Mais cette procédure n’est pas répandue au Liban où l’on ne signale que deux ou trois incinérations par an. Elle est « hors question » et « strictement interdite » chez les grecs-orthodoxes, indique le RP Germanos. De même, dans l’islam, seule l’inhumation est autorisée. En France, la crémation est légalisée depuis 1889. Mais ce n’est qu’à partir de 1963 que l’Église tolère cet usage qui se développe dans tous les pays latins. De 15 % en 1998, le nombre de crémation en France est passé à 26 %. Dans les pays de tradition protestante, on observe des proportions nettement plus importantes : 71 % en Grande-Bretagne ; 63 % en Suisse et en Suède, où les funérailles sont normalement célébrées à l’église avant l’incinération. La crémation répond essentiellement aux différentes évolutions de la société en matière de relations sociales et familiales. En effet, la mobilité en matière d’emploi fait que le cercle familial s’étend non plus sur le territoire local mais sur le territoire national, voire international. La crémation et la remise d’urnes dans un columbarium permettent de reprendre possession de l’urne, de la transporter dans son véhicule personnel avec des formalités minimales sans avoir besoin de recourir à l’exhumation des restes du défunt. Une autre raison révèle un motif écologique et répond aux problèmes de cimetières surchargés ; d’autres insistent sur des motifs philosophiques et sur la quête d’une certaine purification. Les personnalités qui ont choisi l’incinération Ils ont opté pour l’incinération : le poète-romancier français Théophile Gautier mort en 1872 ; l’écrivain féministe engagée dans la politique George Sand (1804-1876) ; le chimiste inventeur de la dynamite, le Suédois Alfred Nobel (1833-1896) ; le physicien allemand Albert Einstein (1879-1955) ; l’acteur français Jean Gabin (1904-1976) ; le romancier américain Henry Miller (1891-1980) ; l’écrivain et première femme élue à l’Académie française Marguerite Yourcenar (1903-1987) ; l’actrice suédoise Greta Garbo (1905-1990) et Francoise Giroud, journaliste, écrivain et ministre décédée en 2003, pour ne citer que quelques-uns. May MAKAREM
Préparez votre départ. Économisez de l’argent, réservez l’endroit où vous souhaitez reposer. Le coût d’un enterrement aura un sérieux besoin d’« assurance funérailles » puisqu’il s’élève à un minimum de trois mille dollars et peut aller jusqu’à 10 000 dollars, et bien au-delà pour ceux qui sont soucieux de « vouloir trop bien faire » et surtout pour ceux...