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Actualités - CHRONOLOGIE

JUSTICE - Khalil Sfeir compare les lois de plus de cinquante pays Un ouvrage monumental sur le droit international privé, rédigé par un Libanais

Un commerçant libanais achète une marchandise d’un pays étranger et doit régler un litige avec son fournisseur. Un Libanais, qui s’est marié hors du pays, doit faire face à une procédure de divorce à partir de Beyrouth. Un avocat veut préparer un contrat à la demande de l’un de ses clients, qui désire collaborer avec une société à l’étranger. Des problèmes devenus banals et courants dans notre monde moderne où tous les pays sont ouverts les uns aux autres. Or les complications qui en résultent n’en sont pas moins des casse-tête, puisque les pays continuent d’avoir leurs propres lois, et que des cas de coopération ou de litige naissent entre des pays ne partageant parfois pas les mêmes systèmes juridiques, d’où le fait qu’une comparaison pointue s’impose souvent. Or rares sont les livres qui offrent la possibilité d’une telle comparaison, puisque les ouvrages juridiques traitent généralement des lois d’un seul pays à la fois. L’un des rares livres qui brisent cette règle a été écrit en français par un juriste libanais, le Droit international privé comparé, qui comporte une comparaison des lois de… plus de cinquante pays. Son auteur, Khalil Sfeir, a plus de quarante-cinq ans d’enseignement de droit comparé à son actif, avec une expérience du domaine juridique qui l’a mené d’Égypte, aux États-Unis, en Suisse et enfin au Liban (depuis 1961). Il a mis quinze ans en tout à préparer ce volumineux ouvrage. Mais comment écrit-on un livre sur le droit international comparé dans plus de cinquante pays, et qu’est-ce exactement que cette discipline ? « Il s’agit du droit qui détermine la loi applicable aux différents rapports juridiques entre des personnes privées, explique le Pr Sfeir. À titre d’exemple, un citoyen libanais veut épouser une personne étrangère, quelle loi régira ce mariage ? Des commerçants de diverses nationalités qui collaborent, quelle loi s’appliquera sur leurs rapports en cas de litige ? » En d’autres termes, le livre répond à des questions spécifiques comme le fait de savoir à quel tribunal il faut recourir en cas de litige, quelle loi s’applique à quel cas, etc. « Ce droit s’applique à tous les domaines de la vie, poursuit le juriste. Le besoin du droit international civil comparé se fait de plus en plus grand à mesure que les pays s’ouvrent les uns aux autres. Contrats, mariages, commerce, succession… qui n’en a pas besoin un jour ou l’autre ? » L’ouvrage est écrit en langue simple bien qu’observant une rigueur scientifique. Selon son auteur, il est en premier lieu destiné aux avocats, à qui il facilite la tâche puisqu’il résume un grand nombre de notions qui auraient nécessité, sans ce livre, une longue recherche. C’est une aide qui peut s’avérer particulièrement précieuse lors de la rédaction de contrats, par exemple. Mais l’ouvrage peut également être consulté par l’intéressé lui-même, c’est-à-dire la personne non spécialisée qui veut régler un problème impliquant des acteurs issus de plus d’un pays et qui désire s’informer sur la procédure à suivre. Le livre lui-même, édité par la Librairie Sader, avec les éditions Bruylant comme distributeurs en Europe, est formé de deux volumes. Il est globalement divisé en trois parties : la première, très théorique, explique en détail comment naît le conflit de lois. La seconde parle de l’application de ces théories sur les différents rapports de la vie courante, comme le statut personnel, le statut réel (droit de propriété, biens, contrats, successions internationales…). La troisième traite des conflits de juridiction, en d’autres termes définit quel est le tribunal compétent dans les différents cas de figure et comment, notamment, exécuter au Liban les jugements étrangers. Le second tome contient des lois de 50 à 60 pays différents, représentant les divers systèmes juridiques que l’on trouve dans le monde : il y a ainsi plusieurs pays européens (France, Allemagne, Grande-Bretagne, Espagne, Italie…), les principaux pays arabes, et plusieurs pays d’Asie (Japon, Chine, Inde, etc). « L’avantage du droit international privé, c’est qu’il est ouvert à toutes les disciplines », souligne le Pr Sfeir. Ce qui n’empêche pas cette problématique d’être très complexe, quand il s’agit de comparer les lois de dizaines de pays. Pour parvenir à son objectif, le juriste a puisé dans sa longue expérience de professeur, son expérience professionnelle, ainsi que ses abondantes recherches et ses lectures ininterrompues. « J’ai dû consulter des centaines d’ouvrages au cours de mes années de travail sur ce livre, explique-t-il. Il a parfois fallu avoir recours à des traducteurs. » À signaler que le livre couvre un éventail si large de législations, de jurisprudences et de doctrines, qu’il peut être utile dans plusieurs pays du monde, et qu’il n’est pas par conséquent limité au seul public libanais, selon son auteur. À la question de savoir ce qui l’a motivé à se lancer dans une entreprise aussi monumentale, le Pr Sfeir dit que c’est la difficulté de trouver des ouvrages qui ne soient pas confinés aux lois d’un seul pays et qui ne comportent qu’une comparaison restreinte entre les lois. Quelles sont les principales difficultés rencontrées ? « Ce sont les grands changements géopolitiques qui ont eu lieu durant la rédaction de l’ouvrage, et qui nécessitaient une remise à jour continuelle », explique-t-il. Le Pr Khalil Sfeir a reçu, le 12 novembre 2007, le doctorat honoris causa de l’Université Nancy II. Cette distinction lui a été attribuée pour la rédaction de cet ouvrage comme pour l’ensemble de sa carrière, et notamment pour le rôle qu’il a joué dans la réalisation du jumelage entre les Universités de la Sagesse au Liban (où il était doyen de la faculté de droit), et de Nancy en France. Dans le mot qu’il a prononcé pour la circonstance, le doyen de la faculté de droit, de sciences économiques et de gestion de l’Université Nancy II, Olivier Cachard, a rendu hommage au juriste et a évoqué son dernier ouvrage comme étant l’un des seuls, publiés en langue française, à traiter d’un sujet aussi global. Suzanne BAAKLINI
Un commerçant libanais achète une marchandise d’un pays étranger et doit régler un litige avec son fournisseur. Un Libanais, qui s’est marié hors du pays, doit faire face à une procédure de divorce à partir de Beyrouth. Un avocat veut préparer un contrat à la demande de l’un de ses clients, qui désire collaborer avec une société à l’étranger. Des problèmes...