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À vos voitures, prêts, parquez ! Serge ZARKA

La voiture au Liban est un objet de culte. Elle reflète une position sociale, une appartenance et dépasse largement le cadre normal de son utilisation. Le numéro d’immatriculation à trois ou quatre chiffres donne encore plus de panache au propriétaire. Au volant, le conducteur, qui peut être dans la vie de tous les jours un homme très courtois, est complètement métamorphosé. Sur les routes, c’est l’instinct qui prévaut ; une vraie jungle. Les lois (les vraies) sont appliquées une à la fois. Ces temps-ci, vous pouvez conduire sans crainte une voiture sans phares, clignotants, pare-chocs, pot d’échappement ou sous l’emprise de l’alcool, mais n’oubliez surtout pas votre ceinture de sécurité, elle est au top du hit-parade des verbalisations pour la quinzaine en cours. Pour arriver à destination, les conducteurs avertis savent qu’il faut choisir l’itinéraire suivant l’heure, pour échapper autant que possible aux embouteillages. Pour éviter de se faire engueuler par un garde en faction, il vaudrait mieux contourner les palaces fortifiés ou bunkers que sont devenus les maisons des leaders, ministres et autres. Pas besoin d’être devin pour savoir où ils habitent, la situation générale du quartier (barbelés, blocs en béton, gardes armés…) vous donne une idée de l’importance du personnage. Quand ce n’est pas pour des raisons de sécurité, c’est à cause des chantiers d’immeubles en construction qui transforment les routes avoisinantes en champs de patates et imposent des détours, qu’il faut éviter dans tel ou tel quartier. Certaines avenues ou croisements (comme le croisement de La Sagesse, à Achrafieh, par exemple) ont tellement été redessinés qu’on se demande si les ingénieurs en charge des travaux savent vraiment ce qu’ils veulent ou s’ils avancent par tâtonnement. Le pont enjambant Dora, censé alléger le trafic, est maintenant complètement arrêté au beau milieu des travaux en attendant le résultat des négociations entre l’entrepreneur et l’État. On espère tous que les travaux seront achevés avant l’an 2020. Pour se garer, c’est encore une autre aventure. Nous avons été gratifiés à Beyrouth de beaux horodateurs qui ne sont pour le moment apparus que dans quelques quartiers et devant lesquels, dans certaines avenues, sont garés de jolis bacs à fleurs reliés par des rubans, car la région tout entière est interdite de stationnement. Pour le reste, chaque établissement se réserve le droit exclusif des places devant sa porte, oubliant de facto que la voie est publique, donc appartenant à tout le monde et que le trottoir appartient aux piétons. Si vous vous rendez par exemple dans le quartier de Gemmayzé à la nuit tombante, c’est le « valet-parking » qui devient le maître incontesté des lieux. La rue, les trottoirs, tout lui appartient. À peine arrêtés, vous êtes agressés par ces hommes en noir pour vous retirer vos clés et vous remettre le fameux sésame : le ticket. Pendant que vous flânez ou sirotez un verre, le « valet » frime pendant quelques minutes à bord de votre voiture en se prenant pour Michael Schumacher testant les accélérations du bolide, en écoutant sa radio préférée. Votre voiture sera la plupart du temps mal garée ou jetée sur le trottoir d’une rue adjacente. Les places devant les bistrots et restaurants, exclusivement réservées aux pachas pour les mêmes raisons citées plus haut, seront ici louées comme parking privé à leurs clients respectifs. Je vous souhaite bonne chance si vous êtes assez téméraire pour tenter, si le temps le permet, de garer vous-même votre voiture. Les deux parkings du quartier sont tout le temps pleins à craquer, toutes les rues avoisinantes sont saturées et vous arrivez à peine à passer entre les voitures garées des deux côtés sur les trottoirs. Je plains les habitants du quartier et leurs visiteurs. En faisant une petite addition des frais d’essence, de parking, d’assurance et autres, la voiture est un des plaisirs les plus coûteux de notre vie quotidienne. Transports en commun presque inexistants ou anarchiques, routes inadaptées, parkings introuvables, lois inappliquées…, que de problèmes qui touchent tous les Libanais au quotidien, sans distinction aucune, qui attendent que nos dirigeants en finissent avec leurs querelles stériles et se décident enfin à gouverner. Les Libanais, de toutes les couleurs, ne leur en seront que très reconnaissants. Serge ZARKA Export manager Article paru le mardi 19 février 2008
La voiture au Liban est un objet de culte. Elle reflète une position sociale, une appartenance et dépasse largement le cadre normal de son utilisation. Le numéro d’immatriculation à trois ou quatre chiffres donne encore plus de panache au propriétaire. Au volant, le conducteur, qui peut être dans la vie de tous les jours un homme très courtois, est complètement...