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Actualités - REPORTAGE

SOCIÉTÉ - Le centre de développement social de Bourj Hammoud à l’écoute des habitants Coupe, couleur, manucure : interludes beauté pour têtes blanches vivant dans la misère

Une fois par semaine, les personnes âgées habitant le secteur de Bourj Hammoud-Nabaa et vivant dans le besoin se font belles. Pour cela, elles se rendent au centre de développement social du quartier, relevant du ministère des Affaires sociales. Ici, une fois par semaine, elles oublient leur misère. Elles viennent pour une coupe de cheveux, un brushing, une couleur ou une manucure. C’est que le centre qui accueille régulièrement des personnes du troisième âge pour des repas et des visites médicales reçoit une fois par semaine les habitants du quartier pour un avant-midi beauté. Explications : ce même centre dispense des cours d’esthétique à des jeunes filles vivant dans le secteur et les esthéticiennes en herbe ont besoin, pour progresser, de cours pratiques… Les coupes, couleurs, brushing, manucure, pédicure, épilation sourcils et maquillage du visage, qui font le bonheur des têtes blanches victimes de la misère, ne constituent donc que les cours pratiques des futures esthéticiennes. Dans une salle proche de la cuisine, où l’on prépare un déjeuner qui sera servi pour une centaine de personnes, on commence les préparatifs : la salle sera transformée pour la matinée en salon de coiffure, dans lequel quelques élèves et leur prof seront au service des personnes du troisième âge. Rosette, la soixantaine, indique qu’elle se fait couper les cheveux depuis très longtemps au centre de développement social de Bourj Hammoud. Habitant Nabaa, elle raconte que depuis qu’elle a arrêté de travailler, elle passe son temps auprès des associations de la région. Alia a 65 ans. Elle ne se fait pas teindre les cheveux, car elle n’a « que quelques cheveux blancs », explique-t-elle. Elle aime aussi porter les cheveux très courts parce que « c’est plus pratique ». Elle raconte : « J’habite la zone de Camp Amanos. Depuis 15 ans, l’équipe de ce centre s’occupe de moi. Je suis là pour me faire couper les cheveux, mais aussi pour manger tous les mercredis. » Alia, qui était infirmière à l’Hôpital militaire avant de tomber malade, indique aussi que « durant l’été le centre de développement social l’a envoyée en colonie à la montagne, dans le Kesrouan ». Mariam est blonde aux yeux bleus. C’est la première fois qu’elle se fait teindre les cheveux au centre de développement social de Bourj Hammoud. « Avant j’allais chez le coiffeur, mais je n’en ai plus les moyens, et la teinture que j’utilise à la maison ne sied pas à mes cheveux. J’espère qu’ici ça marchera », dit-elle, avec un grand sourire. Mariam est originaire de Brih, elle se rend au centre relevant du ministère des Affaires sociales depuis quelques années. Il semble qu’elle aime l’ambiance, car elle en parle avec un grand sourire. Sinon, cette femme, qui devait être très belle dans sa jeunesse, raconte qu’elle passe le plus clair de son temps à la maison, à se déplacer entre le canapé et le lit, parce qu’elle n’a nulle part où aller et parce qu’elle se sent horriblement seule depuis la mort de son mari. Une première manucure Un peu plus loin, une salle prend des allures de salon de manucure. Deux femmes, Nevart et Milia, tentent l’expérience pour la première fois. Nevart habite la rue d’Arménie. Elle est mariée. Elle a soixante-dix ans et toutes ses journées se ressemblent. « Tous les matins, je me lève à 7 heures. Je prépare le petit déjeuner de mon mari, puis je vais au marché. Je prends les légumes et les fruits que les gens ne veulent pas… Je les nettoie, puis cuisine avec, nous n’avons pas les moyens, vous savez… », dit-elle comme pour s’excuser. Elle regarde ses mains, ses ongles nus. « Parfois, je mettais du vernis à la maison, il y a très longtemps. Maintenant j’hésite, peut-être qu’il faudra juste me faire limer les ongles… C’est pour la première fois que quelqu’un me fait une manucure ! » s’exclame-t-elle. Elle marque une pause et poursuit : « Je veux du vernis cyclamen. » Milia, elle, ignore l’âge qu’elle a. « Je sais que je suis vieille », dit-elle. Même si elle a dépassé depuis longtemps l’âge de la retraite, Milia travaille toujours. Non seulement elle aide sa fille, mariée avec deux enfants, à s’occuper de la maison, elle fait le ménage au quotidien chez un joaillier de Bourj Hammoud. Son seul et unique rêve ? Pouvoir un jour se reposer. « À mon âge, quand on a travaillé toute sa vie, de quoi peut-on rêver d’autre ? Je rêve de mener la belle vie, une vie normale… J’aimerais surtout me reposer », dit-elle en souriant. Milia, grande et mince, indique que c’est la première fois qu’une esthéticienne lui fait une manucure. « Normalement, c’est ma fille qui m’aide à me couper les ongles, mais ils se cassent de plus en plus. Peut-être qu’avec une spécialiste, ça sera différent », indique-t-elle. Milia a décidé de mettre aussi du vernis blanc sur les ongles, « pour ne pas faire les choses à moitié », explique-t-elle. Toutes ces femmes, qui se rendent régulièrement au centre de développement social de Bourj Hammoud se sentent chez elles dans cet endroit. D’ailleurs, Nevart explique tellement bien ce que ces personnes du troisième âge ressentent : « Au centre de développement social, on nous accueille à bras ouverts, avec un grand sourire. On s’occupe de nous. On nous donne à manger. On nous amène souvent au restaurant. Les membres de l’équipe nous traitent comme si nous étions leurs parents, surtout la directrice du centre, Siham Abou Jaoudé », dit-elle. Bernadette Kreidé Najjar, assistante sociale au centre, expose les programmes destinés aux têtes blanches. « Nous nous occupons de plus de 300 personnes par an. Chaque semaine, quelque 100 à 125 vieux fréquentent le centre. Dans ce cadre, nous avons créé un club pour les personnes du troisième âge. Tous les mercredis, des activités leur sont destinées. Un déjeuner est organisé ce jour-là. Des jeux sont aussi organisés, des volontaires viennent leur tenir compagnie », ajoute-t-elle. Soulignant que le centre dispose d’un dispensaire, Mme Najjar souligne que les personnes du troisième âge habitant la localité profitent aussi bien des soins médicaux dispensés par les médecins que des activités organisées dans ce dispensaire, notamment les conférences médicales. « Aussi souvent que nous le pouvons, et selon les aides des donateurs, nous organisons des sorties aux personnes âgées. L’été dernier, nous avons pu par exemple envoyer quelques-unes en colonie dans le Kesrouan, ceci a été possible grâce à l’apport d’une autre association », raconte-t-elle. À l’occasion de la journée du malade, célébrée le 11 février, c’est une semaine entière qui a été organisée. Des visites à domicile ont été menées et des analyses de sangs effectuées pour les malades et les vieux. Ces tests ont été rendus possibles grâce à l’apport d’un laboratoire de la région. Informatique et alphabétisation Ouvert en 1979, le centre de développement social de Bourj Hammoud a été créé dans l’objectif de répondre aux besoins du secteur. Il dessert donc une partie du littoral du Metn. Mais les programmes s’adressant aux personnes du troisième âge ne constituent pas son unique intérêt. Le centre dispense ainsi des cours d’alphabétisation aux personnes qui n’ont pas eu la chance d’apprendre quand elles étaient jeunes. Ce cours est ouvert à toutes les personnes désireuses d’apprendre la lecture et l’écriture et âgées de plus de 14 ans. La directrice du centre, Siham Abou Jaoudé, souligne que cet office du ministère des Affaires sociales a été mis en place pour couvrir les besoins de la population locale. « D’ailleurs, c’est de cette façon que nous concevons nos projets, que ce soit sur le plan des personnes du troisième âge ou encore sur le plan de l’alphabétisation ; nous travaillons selon les besoins de la population », dit-elle, notant également que le centre coopère souvent avec des organismes internationaux, des ONG, ou la société civile. Le centre de Bourj Hammoud essaie de couvrir autant de domaines possibles afin d’être au service des habitants de la région. Ainsi, tous les jours, des médecins se relaient au dispensaire. Parmi eux, un dentiste, un gastro-entérologue, un médecin généraliste, un pédiatre et un gynécologue. Le dispensaire est aussi pourvu d’une pharmacie, qui délivre des médicaments gratuits aux patients. Le centre dispense des cours de formation, notamment en esthétique, maquillage et coiffure, qui sont donnés durant l’année scolaire (et dont les travaux pratiques profitent aux personnes âgées). « Nos services et nos activités profitent à tous les âges », précise Mme Abou Jaoudé. « Nous organisons aussi des activités aux enfants les jours de congé et durant les vacances scolaires. Dans ce cadre, nous avons installé une bibliothèque, une salle de jeux éducatifs et une salle d’ordinateurs », ajoute-t-elle. En été, des cours d’informatique sont dispensés aux jeunes. Mais leurs parents ne sont pas oubliés. Pour qu’ils puissent rester sur la même longueur d’onde que leurs enfants, des cours d’informatique leur sont consacrés en hiver. Sur un autre plan, le centre prévoit également des programmes à l’intention des enfants qui travaillent, effectuant notamment des visites auprès des employeurs. Dans ce domaine, le centre est partenaire de l’OIT. Il convient de signaler, enfin, que le centre de développement social fait partie d’un comité de coordination des organismes médico-sociaux couvrant toute la zone de Nabaa-Bourj Hammoud. Patricia KHODER
Une fois par semaine, les personnes âgées habitant le secteur de Bourj Hammoud-Nabaa et vivant dans le besoin se font belles. Pour cela, elles se rendent au centre de développement social du quartier, relevant du ministère des Affaires sociales. Ici, une fois par semaine, elles oublient leur misère. Elles viennent pour une coupe de cheveux, un brushing, une couleur ou une...